Doit-on considérer la religion comme ennemie de la raison ?

Ceci n'exclut pas pour autant l'usage de la raison dans la religion. D'abord, les croyants sont aussi des hommes et des femmes qui raisonnent, qui sont capables de réfléchir et d'opérer certains choix de manière autonome, que ce soit dans leur vie quotidienne, leurs projets professionnels, leurs goûts vestimentaires, leurs loisirs... Et ceci est d'autant plus nécessaire que la religion ne détermine pas l'ensemble des conduites à tenir sur tous ces sujets (même si elle peut avoir une influence considérable, surtout lorsqu'elle est conçue de manière radicale: port du voile impératif pour les femmes en Iran et en Arabie Saoudite, interdit de participer à des professions financières pour le christianisme au Moyen Âge et à la Renaissance, défense d'utiliser l'électricité les jours de shabbat pour les juifs, etc.). De plus, les textes religieux doi­vent être interprétés et appliqués concrètement à chaque époque : seule l'activité intellectuelle appuyée sur la raison peut effectuer cette opération délicate, qui donne d'ailleurs lieu à des divergences aussi fortes que les débats philoso­phiques. Enfin, la religion elle-même a « utilisé « la raison dès le départ, et en particulier la religion chrétienne. Les théo­logiens chrétiens (ceux qui ont développé et théorisé l'in­terprétation des textes bibliques), comme saint Thomas d'Aquin ou saint Augustin, ont eu recours autant à la Bible qu'aux textes philosophiques de l'Antiquité, en particulier

Avant de commencer

· Principales notions abordées

L'existence et le temps (L); la religion; l'histoire (L et ES); théorie et expérience

(L); la démonstration; l'interprétation (L et ES); la vérité; la liberté.

· Repères utilisés

Abstrait/concret; croire/savoir; intuitif/discursif; objectif/subjectif; obligation/ contrainte; origine/fondement ; en théorie/en pratique ; universel/général/par-ticulier/singulier.

· Analyse du sujet

— Dépasser la simple opposition superficielle entre la « bonne « raison et la « mauvaise « religion en analysant précisément sur quoi chacune repose, quelles sont leurs exigences essentielles, les dérives et les perversions qu'elles subissent.

— En partant de l'étymologie du mot « ennemie «, ne peut-on considérer qu'entre deux ennemis il y a souvent plusieurs choses en commun, voire une cer¬taine « intimité «?

Ennemi s'oppose à ami, mais aussi à adepte, partisan, dis- ciple, associé (du point de vue individuel) et à allié (du point de vue collectif). Que pouvons-nous en tirer pour le sujet? Peut-être que les relations entre religion et raison sont très complexes, comme le laissaient entendre les observations précédentes sur « raison « et « religion «, et comme le laisse pressentir l'étymologie du mot « ennemie «. Il existe un conflit entre la religion et la raison. Mais sur quoi porte ce conflit? Pourquoi sont-elles en conflit ? Et n'est-ce pas, en partie, parce qu'elles se ressemblent? Mais en même temps, elles se font concurrence. Comment et pourquoi ?

La formule « doit-on « laisse entendre deux choses au moins. D'une part, il s'agit d'une exigence intellectuelle : est-il nécessaire, au regard des concepts de « raison « et de

«   religion «, de juger que ces deux choses sont ennemies, c'est-à-dire qu'elles renvoient à des idées et des pratiques inconciliables et opposées ? D'autre part, l'expression sug­gère une obligation morale : est-ce un impératif moral que de considérer les deux réalités comme antagonistes, ou au contraire est-ce un devoir de les considérer autrement? Et, dans ce cas, comment et pourquoi?