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D'où vient notre refus du temps ?

Publié le 02/02/2004

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Mais en cela aussi, il laisse échapper le seul être qu'il puisse atteindre, et se condamne à n'aimer que ce qui est mort. " Ferdinand Alquié, Le Désir d'éternité (1943), IV. Problématique Quelle est la source du refus affectif du temps ? Pourquoi l'être humain préfère-t-il le passé au futur ? Explication Le « désir d'éternité », le « refus du temps » dont parle Alquié à propos des passions, c'est la fixation du passionné à des circonstances de son passé dont il est d'autant plus l'esclave qu'il n'en prend pas une conscience claire. Les passionnés, « prisonniers d'un souvenir ancien qu'ils ne parviennent pas à évoquer à leur conscience claire sont contraints par ce souvenir à mille gestes qu'ils recommencent toujours, en sorte que toutes leurs aventures semblent une même histoire perpétuellement reprise. Don Juan est si certain de n'être pas aimé que toujours il séduit et toujours refuse de croire à l'amour qu'on lui porte, le présent ne pouvant lui fournir la preuve qu'il cherche en vain pour guérir sa blessure ancienne. De même, l'avarice a souvent pour cause quelque crainte infantile de mourir de faim, l'ambition prend souvent sa source dans le désir de compenser une ancienne humiliation... Mais ces souvenirs n'étant pas conscients et tirés au clair, il faut sans cesse recommencer les actes qui les pourraient apaiser. »             La conception de Alquié a été discutée par Pradines.
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« devient pour nous l'image et le symbole d'une réalité que notre passé a connue » ? Dans le « Phèdre », Platon a parlé de l'émotion amoureuse de l'âme qui tombe en extase devant la beauté.

Mais cette extase soudaine n'est quele retour d'un souvenir.

Réveillée par la présence du Beau, l'âme se souvient moins obscurément de son passélumineux, avant l'incarnation, au paradis des Idées.

Il est permis de reconnaître en ce mythique paradis,magiquement ressuscité par une belle apparition, le symbole métaphysique du « vert paradis » de nos « amours enfantines » dont nos passions adultes ne sont obscurément que la résurrection nostalgique. De la théorie psychanalytique, nous retiendrons essentiellement le caractère inconscient des processus passionnels.L'objet de la passion résulte d'un transfert ou d'une compensation, ou d'une sublimation.

Les vraies causes de lapassion sont en nous-mêmes et non réellement dans les objets qui paraissent les solliciter. « Orientée vers le passé, remplie par son image, la conscience du passionné devient incapable de percevoir leprésent : elle ne peut le saisir qu'en le confondant avec le passé auquel elle retourne, elle n'en retient que ce qui luipermet de revenir à ce passé, ce qui le signifie, ce qui le symbolise : encore signes et symboles ne sont-ils pas iciperçus comme tels, mais confondus avec ce qu'ils désignent.

L'erreur de la passion est semblable à celle où risquede nous mener toute connaissance par signes [...] ; le signe est pris pour la chose elle-même : telle est la sourcedes idolâtries, du culte des mots, de l'adoration des images, aveuglements semblables à ceux de nos plus communespassions ; [...] Il est vain de vouloir détruire un amour en mettant en lumière la banalité de l'objet aimé, car la lumière dont lepassionné éclaire cet objet est d'une autre qualité que celle qu'une impersonnelle raison projette sur lui : cettelumière émane de l'enfance du passionné lui-même, elle donne à tout ce qu'il voit la couleur de ses souvenirs [...].L'erreur du passionné consiste donc moins dans la surestimation de l'objet actuel de sa passion que dans laconfusion de cet objet et de l'objet passé qui lui confère son prestige.

[...] Son erreur est seulement de croire queles beautés qui l'émeuvent et les dangers qu'il redoute sont dans l'être où il les croit apercevoir.

En vérité,l'authentique objet de sa passion n'est pas au monde, il n'est pas là et ne peut pas être là, il est passé.

Mais lepassionné ne sait pas le penser comme tel : aussi ne peut-il se résoudre à ne le chercher plus.

» Alquié , « Le désir d'éternité ». La problématique de la passion est ici posée dans son rapport au temps : en cherchant à faire perdurer le passédans le présent, elle veut abolir la fuite du temps et instaurer le régime de l'éternité.

La passion amoureuse estl'amour d'un être passé qu'elle confond avec ses substituts actuels.

En ce sens, l'être passionné se singularise par laméconnaissance de son objet : il ne peut distinguer l'objet de sa passion tel qu'il est réellement aujourd'hui, de cequ'il a été mais n'est plus à présent.

Les marques qui témoignent de ce passé (une photographie, par exemple) sesubstituent à la réalité actuelle. Cette analyse permet à Alquié d'expliquer les malentendus qui s'instaurent inévitablement entre le passionné et une autre personne, bénéficiant d'un statut de neutralité : ils ne discernent pas, de l'objet, la même apparence ; mêmeen adoptant le même angle de vue, ils ne « voient » pas le même objet.

Ce sont deux regards, deux logiques qui entrent en conflit. Alquié en conclura que l'objet de la passion n'est qu'accidentel, que celle-ci n'est en fait qu'un amour de soi-même, issu de l'égoïsme.

Et si le véritable amour est l'oubli de soi afin de faire le bien à venir de l'être aimé, la passion,tournée vers soi et vers le passé, s'avère être un obstacle à tout amour authentique. Désirer comme la première fois Et parce que notre affectivité s'élabore durant notre enfance, les premiers objets du désir sont la source de tousceux qui suivront.

« Ils sont, si l'on peut dire, l'absolu de notre désir, ce par rapport à quoi tout ce que nousrecherchons désormais sera jugé.

» Parce que toute notre affectivité nous ramène à l'enfance (comme le montre lapsychanalyse), nos émotions les plus profondes nous rattachent au passé. Douleur de grandir Enfin, notre histoire est marquée par la douleur du passage.

Elle commence dans la souffrance, « le passage d' unétat où tout était chaleur, douceur et repos, à un état qui fut douleur, froid et asphyxie».

Ensuite vient l'expériencede la frustration, du sevrage, puis le temps des devoirs.

Jusqu'à la maturité où l'on doit faire sien le principe deréalité, qui s'oppose si souvent à nos désirs.

Ainsi notre histoire nous invite-t-elle à regretter les bonheurs passés,l'âge d'or souriant de l'insouciance enfantine. Débat et enjeu Refus du temps, refus de la vie Le refus du temps est donc inscrit au coeur de l'homme.

Mais puisque l'existence humaine est essentiellementtemporelle, refuser le temps, c'est refuser la vie.

Certes, le temps semble être l'ennemi de l'être qui vieillit et quimeurt.

Cependant, il n'est pas d'existence réelle hors du temps : ne convient-il pas alors de montrer qu'il n'est d'être. »

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