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Éloge de la technique de J. D'ALEMBÉRT

Publié le 06/01/2020

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technique

En satisfaisant des besoins sociaux et spirituels, l'homme échappe à sa nature. Ce faisant, par le travail, il se libère de la nature extérieure : il cesse d'être dominé par elle car il l'utilise et la transforme. Le travail se donne alors comme technique. L'Encyclopédie, publiée sous la direction de Diderot et D'Alembert, constitue un véritable hymne à la technique en faisant l'inventaire des moyens dont dispose l'homme de la fin du xvne siècle pour se rendre « comme maître et possesseur » de la nature (Descartes).

 

Les talents de l’esprit ont été généralement reconnus pour supérieurs à ceux du corps. Les arts mécaniques, dépendant d’une opération manuelle, et asservis, qu’on me permette ce terme, à une espèce de routine, ont été abandonnés à ceux d’entre les hommes que les préjugés ont placés dans la classe la plus inférieure. L’indigence qui a forcé ces hommes à pratiquer un pareil travail, plus souvent que le goût et le génie ne les y ont entraînés, est devenu ensuite une raison pour les mépriser, tant elle nuit à tout ce qui l’accompagne. A l’égard des opérations libres de l’esprit, elles ont été le partage de ceux qui se sont crus sur ce point les plus favorisés de la nature. Cependant l’avantage que les arts libéraux ont sur les arts mécaniques, par le travail que les premiers exigent de l’esprit, et par la difficulté d’y exceller, est suffisamment compensé par l’utilité bien supérieure que les derniers nous procurent pour la plupart. C’est cette utilité même qui a forcé de les réduire à des opérations purement machinales, pour en faciliter la pratique à un plus grand nombre d’hommes. Mais la société en respectant avec justice les grands génies qui l’éclairent, ne doit point avilir les mains qui la servent. La découverte de la boussole n’est pas moins avantageuse au genre humain, que ne le serait à la physique l’explication des propriétés de cette aiguille. (...)

 

Le mépris qu’on a pour les arts mécaniques semble avoir influé jusqu’à un certain point sur leurs inventeurs mêmes. Les noms de ces bienfaiteurs du genre humain sont presque tous inconnus, tandis que l’histoire des conquérants, n’est ignorée de personne. Cependant c’est peut-être chez les artisans qu’il faut chercher les preuves les plus admirables de la sagacité de l’esprit, de sa patience, de ses ressources. J’avoue que la plupart des arts n’ont été inventés que peu à peu, et qu’il a fallu une assez longue suite de siècles pour porter les montres, par exemple, au point de perfection où nous les voyons.

 

Jean D’Alembert, Discours préliminaire de l'Encyclopédie (1763), Vrin, 1984, pp. 53-54.

technique

« la plus inférieure.

L'indigence qui a forcé ces hommes à prati­ quer un pareil travail, plus souvent que le goût et le génie ne les y ont entraînés, est devenu ensuite une raison pour les mépri­ ser, tant elle nuit à tout ce qui l'accompagne.

À l'égard des opérations libres de l'esprit, elles ont été le partage de ceux qui se sont crus sur ce point les plus favorisés de la nature.

Cependant l'avantage que les arts libéraux ont sur les arts méca­ niques, par le travail que les premiers exigent de l'esprit, et par la difficulté d'y exceller, est suffisamment compensé par l'utilité bien supérieure que les derniers nous procurent pour la plupart.

C'est cette utilité même qui a forcé de les réduire à des opérations purement machinales, pour en faciliter la pra­ tique à un plus grand nombre d'hommes.

Mais la société en respectant avec justice les grands génies qui !'éclairent, ne doit point avilir les mains qui la servent.

La découverte de la bous­ sole n'est pas moins avantageuse au genre humain, que ne le serait à la physique l'explication des propriétés de cette aiguille.

( ...

) Le mépris qu'on a pour les arts mécaniques semble avoir influé jusqu'à un certain point sur leurs inventeurs mêmes.

Les noms de ces bienfaiteurs du genre humain sont presque tous inconnus, tandis que l'histoire des conquérants, n'est ignorée de personne.

Cependant c'est peut-être chez les artisans qu'il faut chercher les preuves les plus admirables de la sagacité de l'esprit, de sa patience, de ses ressources.

J'avoue que la plu­ part des arts n'ont été inventés que peu à peu, et qu'il a fallu une assez longue suite de siècles pour porter les montres, par exemple, au point de perfection où nous les voyons.

Jean D'ALEMBERT, Discours préliminaire de /'Encyclopédie ( 1763), Vrin, 1984, pp.

53-54.

POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE D'Alembert reprend la distinction, qui date du Moyen Âge, entre les arts libéraux, qui font appel au travail de l'esprit (ainsi, l'arithmétique, la géométrie, l'histoire, etc.).

et les arts mécaniques qui exigent un travail manuel (menuiserie, ser­ rurerie, etc.).

Son propos est de revaloriser ceux-ci en regard de ceux-là.. »

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