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Emile Benveniste Langage - Animal

Publié le 28/03/2016

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langage

 

 

 

 

Problémes de linguistique générale, 1966, Gallimard, t. 1, pp. 60-62

 

 

 

 

Les différences sont considérables et elles aident à prendre conscience de ce qui caractérise en propre le langage humain. Celle-ci, d'abord, essentielle, que le message des abeilles consiste entièrement dans la danse, sans intervention d'un appareil \" vocal \", alors qu'il n'y a pas de langage sans voix. D'où une autre différence, qui est d'ordre physique. N'étant pas vocale mais gestuelle, la communication chez les abeilles s'effectue nécessairement dans les conditions qui permettent une perception visuelle, sous l'éclairage du jour ; elle ne peut avoir lieu dans l'obscurité. Le langage humain ne connaît pas cette limitation.

 

Une différence capitale apparaît aussi dans la situation où la communication a lieu. Le message des abeilles n'appelle aucune réponse de l'entourage, sinon une certaine conduite, qui n'est pas une réponse. Cela signifie que les abeilles ne connaissent pas le dialogue, qui est la condition du langage humain. Nous parlons à d'autres, telle est la réalité humaine. Cela révèle un nouveau contraste. Parce qu'il n'y a pas dialogue pour les abeilles, la communication se réfère seulement à une certaine donnée objective. Il ne peut y avoir de communication relative à une donnée linguistique ; déjà parce qu'il n'y a pas de réponse, la réponse étant une réaction linguistique à une manifestation linguistique ; mais aussi en ce sens que le message d'une abeille ne peut être reproduit par une autre qui n'aurait pas vu elle-même les choses que la première annonce. On n'a pas constaté qu'une abeille aille par exemple porter dans une autre ruche le message qu'elle a reçu dans la sienne, ce qui serait une manière de transmission ou de relais. On voit la différence avec le langage humain, où, dans le dialogue, la référence à l'expérience objective et la réaction à la manifestation linguistique s'entremêlent librement et à l'infini. L'abeille ne construit pas de message à partir d'un autre message. Chacune de celles qui, alertées par la danse de la butineuse, sortent et vont se nourrir à l'endroit indiqué, reproduit quand elle rentre la même information, non d'après le message premier, mais d'après la réalité qu'elle vient de constater. Or le caractère du langage est de procurer un substitut de l'expérience apte à être transmis sans fin dans le temps et l'espace, ce qui est le propre de notre symbolisme et le fondement de la tradition linguistique.

 

Si nous considérons maintenant le contenu du message, il sera facile d'observer qu'il se rapporte toujours et seulement à une donnée, la nourriture, et que les seules variantes qu'il comporte sont relatives à des données spatiales. Le contraste est évident avec l'illimité des contenus du langage humain.

langage

« humain.

Cela révèle un nouveau contraste.

» Le dia-logue, etymologiquement la capacité à construire un discours à deux, est donc une forme proprement humaine de la communication, qui engage donc à concevoir l'homme comme ouvert à un rapport intersubjectif qui ne dépend pas seulement d'un déterminisme naturel (propriétés que l'on ne choisit pas, mais qu'on possède par nature), mais également d'une construction culturelle (l'homme doit construire et imaginer le moyen d'être en rapport avec les autres).

c « Parce qu'il n'y a pas dialogue pour les abeilles, la communication se réfère seulement à une certaine donnée objective.

» La communication naturelle des abeilles est objective au sens où elle ne dépend pas du sujet qui l'énonce : elle se construit ainsi de façon purement externe à celle qui paradoxalement la produit, ce qui revient à dire que le référent du langage animal est l'objet et non le sujet. Partie 2 : Le dialogue humain, une construction. a « Il ne peut y avoir de communication relative à une donnée « linguistique »; déjà parce qu'il n'y a pas de réponse, la réponse étant une réaction linguistique à une manifestation linguistique; mais aussi en ce sens que le message d'une abeille ne peut être reproduit par une autre qui n'aurait pas vu elle-même les choses que la première annonce.

» Il convient ainsi de distinguer deux critères de la communication humaine : la capacité à réagir à un message (le dialogue comme construction particulière du signifiant), et la capacité à reproduire le message, c'est-à-dire à s'approprier le sens pour le transmettre à l'identique, à faire donc office de relais ou d'intermédiaire du message.

b « On n'a pas constaté qu'une abeille aille par exemple porter dans une autre ruche le message qu'elle a reçu dans la sienne, ce qui serait une manière de transmission ou de relais.

On voit la différence avec le langage humain, où, dans le dialogue, la référence à l'expérience objective et la réaction à la manifestation linguistique s'entremêlent librement et à l'infini ».

L'exemple pris ici illustre d'abord la thèse défendue dans ce qui précède, mais ajoute également un élément important : le fait que la communication humaine se fasse selon les modalités d'un. »

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