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En quoi la curiosité est-elle ambiguë ?

Publié le 10/04/2009

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  • Analyse du sujet :

-         Ambiguïté désigne le fait pour un mot ou une expression de posséder un sens double, non-univoque.

-         La curiosité peut ainsi revêtir un caractère extrêmement positif : celui qui n’est pas curieux est aussi celui que rien n’intrigue, n’intéresse, pour qui tout va de soi ; en cela, manquer de curiosité = être indifférent, sorte d’apathie de celui que plus rien n’étonne. Existence sans doute ennuyeuse. Curiosité = désir

-         Pourtant, la curiosité peut aussi désigner une certaine attitude négative : « cupidité des yeux et des oreilles « (Augustin) s’opposant à la recherche réglée et méthodique, et à la foi, soumission admirative et respectueuse. Désir = immoral

 

  • Problème :

L’ambiguïté porte donc : 1- sur le plan moral (est-elle ou non un « défaut « ? un désir naturel? est-elle toujours désintéressée ?) 2- sur le plan cognitif (quel rôle joue-t-elle dans la connaissance ? moteur ou au contraire, opérateur de dispersion, facteur d’une culture encyclopédique illusoire ?)

 

Enjeu : ma curiosité est-elle bonne ou dois-je la réprouver et lutter contre elle ? peut-elle être toujours satisfaite ou dois-je changer mon désir plutôt que l’ordre du monde ?

« C'est pourquoi Aristote fait de l'étonnement, du fait d'être frappé par quelque chose d'inattendu, surprenant, le moteur de la connaissance :« L'homme a naturellement la passion de connaître et la preuve que cepenchant existe en nous c'est le plaisir que nous prenons aux perceptionsdes sens.

Indépendamment de toute utilité spéciale, nous aimons cesperceptions pour elles-mêmes »(Incipit de la Métaphysique ) Ainsi l'amour désintéressé de la perception montre que l'homme est naturellement curieux,qu'il aime connaître.

Du coup, elle semble éminemment positive sur le plancognitif. Dans un passage de la « Métaphysique » (Livre A, chapitre 2), Aristote explique l'origine de la philosophie et le but qu'elle poursuit.

« Ce qui à l'origine poussa les hommes aux premières recherches philosophiques, c'était, comme aujourd'hui, l'étonnement . » L'admiration et l'incompréhension devant le monde poussent l'homme à chercher à comprendre et à rendrecompte de ce qui l'entoure.

Ainsi naît la philosophie, qui n'a d'autre but que de tendre à expliquerle monde. Dans ce passage de la « Métaphysique », Aristote reprend l'enseignement de son maître. En effet, Platon écrit dans le « Théétète » : « il est tout à fait d'un philosophe, ce sentiment : s'étonner.

La philosophie n'a point d'autre origine… » L'étonnement, pour les Grecs, est donc l'origine véritable de la recherche philosophique. L'étonnement consiste en l'arrêt admiratif devant une chose que l'on ne comprend pas.

Le mot n'est pas à comprendre au sens moderne cad la stupéfaction devant quelque chose d'inhabituel. Le sens commun, la plupart des hommes ne s'étonnent que devant un phénomène extraordinaire, qui échappe à la routine, et dont il est clair qu'on ne le comprend pas, qu'on ne peut le classer dans les rubriques habituelles.

Or les phénomènes les plus communs ne sont pas les plusconnus, tant sen faut, et le sentiment de connaître ce que l'on voit souvent n'est qu'une illusion. L'étonnement qui frappe le philosophe concerne n'importe quelle chose, aussi banale soit-elle en apparence.

C'est d'abord l'admiration devant la nature, et l'aveu de son incompréhension devant ses mécanismes.

« Or apercevoir une difficulté et s'étonner, c'est reconnaître sa propre ignorance […] ainsi donc ce fut pour échapper à l'ignorance que les premiers philosophes se livrèrent à la philosophie. » Les exemples que donne Aristote sont éclairants ; les premières recherches se concentrèrent sur les objets à notre portée, puis les phases lunaires, puis le cours du Soleil, puis la formation de l'Univers.

Deux points sont remarquables : Þ D'une part, la philosophie n'est pas ici séparée de la science ; les exemples de recherches philosophiquessont des exemples qu'on qualifierait aujourd'hui d'astronomiques.

En fait la séparation de la science d'avecla philosophie est très tardive.

Elle date du XVIII ème siècle, et tous les grands noms de la philosophiefurent aussi, jusqu'à cette époque au moins, des grands noms des sciences. Þ D'autre part, l'étonnement e s'exerce pas sur des choses extraordinaires, mais tout simplement devantce qui est, et dont la nature nous offre chaque jour le spectacle comme la course du Soleil, les marées,etc.

La philosophie essaie, tente, de rendre compte de ce qui est.

C'est-à-dire de l'expliquer.

Soitsimplement en en énonçant les mécanisme, soit en essayant d'en donner le sens.

On en arrivera ainsi àdes questions dites métaphysiques : « Pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » ( Leibniz ). Enfin, si la philosophie, selon Platon , commence par l'aveu de l'ignorance, son but est de faire cesser celle-ci.

Son but est la connaissance. Aristote insiste sur ce point essentiel, sur l'image que la science et la philosophie se font d'elles-mêmes : « Il est évident qu'ils poursuivaient la science pour savoir, et non en vue de quelque autre utilité. » Les philosophes recherchent le savoir pour le savoir et non pour une quelconque utilité pratique immédiate.

Cela ne veut en aucun cas dire que laphilosophie n'a aucun intérêt.

Mais d'abord, qu'elle n'a pas pour but de satisfaire un besoin, qu'il soit vital ou de confort.

C'est la preuve quedonne Aristote : « Presque tous les arts qui regardent les besoins et ceux qui s'appliquent au bien-être, étaient connus déjà quand on commença à chercher les explications de ce genre.

» C'est quand les problèmes urgents de la vie sont résolus, que l'on se lance dans les sciences ou la recherche.

La philosophie n'est donc pas une discipline asservie, liée aux nécessités vitales ou à la recherche d'un confort matériel.

Elle est uneactivité libre, qu'on exerce pour son propre plaisir, pour son intérêt intrinsèque.

En clair, c'est une activité libre parce que désintéressée.« Ainsi cette science est aussi la seule de toutes les sciences qui soit une discipline libérale, puisque seule elle est à elle-même sa propre fin.Aussi est-ce encore à bon droit qu'on peut qualifier de plus qu'humaine sa possession. » C'est une constante de la philosophie grecque, et de la façon dont elle s'interprète : la philosophie nous arrache à la condition simplementhumaine , d'être périssable et obnubilé par sa survie, pour nous faire participer à un plaisir divin : la compréhension pure et désintéressée.Il se peut que cette vision paraisse naïve, après que Marx a assigné comme tache à la philosophie, non plus de connaître le monde mais de le transformer, et surtout que Descartes a fait comprendre que la science se doit de viser notre bien-être.

Mais elle est aussi le rappel que l'homme ne se réduit pas à un simple être naturel mais qu'il a part à un autre type de plaisir, celui de la compréhension, voire de la compréhension.Aristote nous rappelle que la philosophie naît et se nourrit d'un étonnement devant ce qui est.

Ce spectacle du monde entraîne, pour le « naturel philosophe », le désir de comprendre l'ordre du monde, la nature des choses.

En ce sens la naissance de la philosophie est contemporaine des sciences sans pourtant s'y réduire.

Enfin Aristote note qu'il existe chez tout être humain un plaisir désintéressé de comprendre, qui se manifeste aussi dans l'art, mais qui atteint son sommet dans la philosophie, laquelle nous fait participer, autant qu'il est possible, à une vie digne des dieux.

Transition :Comment expliquer alors la réprobation morale dont elle est l'objet ? 3- DIFFÉRENTES SATISFACTIONS , DIFFÉRENTS APPÉTITS L'ambiguïté de la curiosité tient au « « pourquoi ou au « qu'est-ce que » qu'elle implique.

En effet, si elle peut paraître bonne et mauvaise, utile et vaine, c'est qu'elle est issue d'appétits ou insatisfactions qui peuvent être bonsou mauvais, utiles ou inutiles.. »

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