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Est-ce au réel que les mathématiques ont affaire ?

Publié le 01/09/2005

Extrait du document

L'égal en soi, le beau en soi, chaque chose en Soi, autrement dit l'être réel, admet-il jamais un changement, quel qu'il soit, ou chacune de ces réalités, étant uniforme et existant pour elle-même, est-elle toujours la même et de la même façon, et n'admet-elle jamais nulle part en aucune façon aucune altération ? - Elle reste nécessairement, Socrate, répondit Cébès, dans le même état et de la même façon. - Mais que dirons-nous de la multitude des belles choses, comme les hommes, les chevaux, les vêtements ou toute autre chose de même nature, qui sont ou égales ou belles et portent toutes le même nom que les essences ? Restent-elles les mêmes, ou bien, tout au rebours des essences, ne peut-on dire qu'elles ne sont jamais les mêmes, ni par rapport à elles-mêmes, ni par rapport aux autres ? - C'est ceci qui est vrai, dit Cébès : elles ne sont jamais les mêmes. - Or ces choses, on peut les toucher, les voir et les saisir par les autres sens ; au contraire, celles qui sont toujours les mêmes on ne peut les saisir par aucun autre moyen que par un raisonnement de l'esprits, les choses de ce genre étant invisibles et hors de la vue. - Ce que tu dis est parfaitement vrai, dit-il. » Ce qui fait la réalité d'une chose est ce qui ne change pas en elle, c'est-à-dire son essence. Pour s'en convaincre, imaginons un objet blanc placé sous différents éclairages : il apparaîtra rouge sous une lumière rouge, bleu sous lumière bleue, etc. Ces couleurs sous lesquelles il nous apparaît varient en fonction des conditions.

Analyse du sujet :

  • Il se présente sous la forme d'une question à laquelle nous sommes invités à répondre par « oui « ou par « non «, avec toutes les justifications qui s'imposent.
  • Deux notions interviennent : le réel et les mathématiques, mises en relation par le verbe « avoir affaire «.
  • Le réel désigne l'ensemble des choses qui sont réellement, c'est-à-dire, l'ensemble des choses considérées du point de vue de leur être. La chose réelle s'oppose alors à ce qui n'a pas d'être, c'est-à-dire à la pure apparence. Lorsque nous abordons la notion de réel, la question se pose toujours de savoir ce qui fait la réalité d'une chose dite réelle. Il nous faudra le déterminer pour dire si c'est à cela ou à autre chose que les mathématiques ont affaire.
  • Les mathématiques travaillent sur des entités comme le nombre, la figure géométrique, la suite, le vecteur, etc., qui semblent n'avoir aucune réalité : on ne rencontre jamais un « pur « nombre ou un vecteur dans la nature. Le nombre ou la figure pourtant transparaissent des choses sans les épuiser totalement, autrement dit, ils sont comme contenus dans la chose (toute chose à une figure, existe en nombre déterminé) mais ne suffisent pas à définir entièrement la chose (qui a toujours d'autres qualités : la couleur, le poids, etc.).
  • Nous commençons ainsi à entrevoir les problèmes soulevés par la question de notre sujet : si nous affirmons, par exemple, que l'essence d'une chose est réductible à sa figure, c'est-à-dire que la figure est ce qui fait la réalité du réel, alors la géométrie a bien affaire au réel.

Problématisation :

Pour répondre à la question de notre sujet, nous devons déterminer quels sont les objets auxquels les mathématiques ont affaire et si ces objets sont réels ou non. Nous connaissons déjà des objets de la mathématique, nous en avons suffisamment d'exemples : inutile donc de rédiger une première partie artificielle sur le point, la ligne et le nombre ! Mieux vaut directement s'interroger sur le statut des entités mathématiques. Peut-on trouver ces entités dans le réel ? Pour répondre à cette question, nous devons déjà savoir ce qui définit le réel, ce qui fait la réalité d'une chose.

Nous venons de mettre au jour les différents problèmes auxquels il nous faudra nous confronter pour répondre à la question qui nous est posée : reste à les hiérarchiser en une problématique. Nous avons souligné que le problème de la définition de la réalité du réel devait être résolu avant toute chose : nous adopterons par conséquent l'ordre suivant dans notre enquête :

  1. Quelle est l'essence de la réalité (dans une chose dite réelle) ?
  2. Les entités mathématiques se retrouvent-elles dans ce qui fait la réalité des choses ?

« bleu sous lumière bleue, etc.

Ces couleurs sous lesquelles il nous apparaît varient en fonction des conditions.

On ne peut pas affirmer quelle est la couleur réelle de l'objet, puisque nous n'y avons accès que par les sens qui peuventêtre trompés, comme notre exemple le montre.

Ce qui fait la réalité de l'objet, c'est au contraire ce qu'on peut entoute objectivité dire de lui, ce à quoi nous n'accédons que par le raisonnement. Nous disposons ave Platon d'une définition du réel : ce qui est réel est ce qui est essentiel dans le monde qui nousentoure.

Encore faut-il montrer que les mathématiques ont affaire à des entités qui relèvent des essences. II – Les entités mathématiques se retrouvent-elles dans ce qui fait la réalité des choses ? Référence : René Descartes, Les Principes de la Philosophie (I - Des principes de la connaissance humaine) « 53.

Que chaque substance a un attribut principal, et que celui de l'âme est la pensée, comme l'extension est celui du corps .

Mais encore que chaque attribut soit suffisant pour faire connaître la substance, il y en a toutefois un en chacunequi constitue sa nature et son essence, et de qui tous les autres dépendent.

A savoir, l'étendue en longueur,largeur et profondeur, constitue la nature de la substance corporelle ; et la pensée constitue la nature de lasubstance qui pense.

Car tout ce que d'ailleurs on peut attribuer au corps présuppose de l'étendue, et n'est qu'unedépendance de ce qui est étendu ; de même, toutes les propriétés que nous trouvons en la chose qui pense nesont que des façons différentes de penser.

Ainsi nous ne saurions concevoir, par exemple, de figure, si ce n'est enune chose étendue, ni de mouvement qu'en un espace qui est étendu ; ainsi l'imagination, le sentiment et la volontédépendent tellement d'une chose qui pense que nous ne les pouvons concevoir sans elle.

Mais, au contraire, nouspouvons concevoir l'étendue sans figure ou sans mouvement ; et la chose qui pense sans imagination ou sanssentiment, et ainsi du reste.

» L'essence de la réalité d'une chose est selon Descartes son étendue : la réalité est donc d'essence géométrique.

Cette perspective cartésienne nous invite à fournir une réponse radicale à la question de notre sujet.Nous recherchions en effet dans le réel des entités mathématiques.

Descartes montre que toute chose doit avoirune figure, autrement dit, que l'essence de toute chose est une entité mathématique (géométrique pour êtreprécis).

Les mathématiques ont donc bien affaire au réel par le biais de la figure. La figure toutefois, n'est qu'une entité mathématique parmi d'autres, ce qui ne nous permet pas d'affirmer que lesmathématiques n'ont affaire qu'au réel.

Nous n'avons par exemple rien dit du nombre. Il semble même que l'on puisse mettre en cause la thèse de Descartes elle-même : prenons l'exemple d'une pierre.C'est une chose bien réelle, Descartes dira par conséquent que sa réalité consiste dans de l'étendue (l'entitémathématique décrivant cet étendue étant la figure).

Observons maintenant cette pierre avec un microscopepuissant : verrons-nous l'étendue sous une figure tridimensionnelle continue ou bien un réseau d'atomes sans unitéet en mouvement permanent ? Comment dès lors affirmer que l'étendue est essentielle aux choses réelles ? III – Les mathématiques ont affaire à une réalité construite Référence : Bergson, La pensée et le mouvant « Que deviendrait la table sur laquelle j'écris en ce moment si ma perception, etpar conséquent mon action, était faite pour l'ordre de grandeur auquelcorrespondent les éléments, ou plutôt les événements, constitutifs de samatérialité ? Mon action serait dissoute ; ma perception embrasserait, à l'endroitoù je vois ma table et dans le court moment où je la regarde, un universimmense et une non moins interminable histoire.

Il me serait impossible decomprendre comment cette immensité mouvante peut devenir, pour que j'agissesur elle, un simple rectangle, immobile et solide.

Il en serait de même pour touteschoses et pour tous événements : le monde où nous vivons, avec les actions etréactions de ses parties les unes sur les autres, est ce qu'il est en vertu d'uncertain choix dans l'échelle des grandeurs, choix déterminé lui-même par notrepuissance d'agir.

» La figure d'une chose apparaît dans cette nouvelle perspective ne pas être essentielle à la chose, mais résulter d'un choix dans l'échelle des grandeurdéterminé lui-même en fonction des commodités d'action qu'il offre.

Ce que nousappelons chose est également une construction. Ici se dévoile le rôle particulier des mathématiques.

Comme Platon ou Descartesl'avait remarqué, elles jouissent d'un privilège : la force de la démonstration.

A partir du moment ou nous acceptonsles postulats d'une théorie mathématique, tout ce qui en découle ne peut-être que vrai.

L'erreur de ces philosophesest d'avoir pensé que cette vérité assurée par la démonstration mathématique permettrait l'accès à des essences. A l'inverse, la perspective bergsonienne reconnaît la force des mathématiques, dans le sens précis où ellespermettent une construction commode de la réalité pour notre action.. »

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