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Est-ce condamner une théorie politique que de la qualifier d'utopie ?

Publié le 17/01/2022

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Ainsi en va-t-il des Solariens qui, vivant sous la dictature de la vertu, couplent leur cité modèle à l'idéal d'une réforme de l'ordre social chrétien existant (Campanella, 1602).* Elle requiert une foi exceptionnelle dans la nature humaine qui, arrivée au stade de la perfection, devient immuable, immobile, et ne progresse donc plus. Si ce qui caractérise une utopie c'est l'image de l'avenir simplement juxtaposée à l'état présent, comme son contraire abstrait, il ne faut pas oublier qu'elle a permis d'inventer des institutions plus libérales et d'améliorer le sort des individus. Néanmoins, le véritable réformateur social, plutôt que de prendre ses désirs pour des réalités, doit s'efforcer de « dégager des principes mêmes du monde, les nouveaux principes » (Marx Lettre à Ruge, sept. 1843). La fonction de l'utopie est donc une fonction critique de la société et de sa politique et, en ce sens, elle n'est jamais condamnable. CITATIONS : « L'Utopie, ou le Traité de la meilleure forme de gouvernement. » Thomas More, titre complet de L'Utopie, 1516. « La cité qu'il faut placer au premier rang, la cité dont la constitution et les lois sont les meilleures, est celle où régnera le plus complètement possible dans la vie sociale sous toutes ses formes l'antique maxime d'après laquelle tout doit être réellement commun entre amis. » Platon, Les Lois, ive s.

« • Elle est à sa façon un opium car elle peut conduire à oublier le monde vivant, bien réel, dans lequel nous sommesplongés et de laisser faire (injustices, exploitations, guerres, etc.), d'être indifférent.

Il est beaucoup plus difficile dechanger quelque chose dans la société que d'échafauder une île où régnerait une république idéale.

C'est toute ladifférence entre affronter la réalité et rêver d'un autre monde, bien que les deux ne soient pas incompatibles. Imaginez-vous donc en train d'écouter le récit de Raphaël Hythloday (étymologiquement : celui qui est habile àraconter des histoires), jeune voyageur portugais.

Vous voilà tout à coup touché par les moeurs et les institutionsdu peuple utopien.

Le dispositif rhétorique qui produit cet autre monde sous vos yeux consiste moins à vous fairecroire qu'un tel peuple existe qu'à susciter en vous le désir de vivre selon un tel mode de vie.

Il vous faut parconséquent suivre deux cheminements parallèles, celui de comprendre ce que peut être « la meilleure forme decommunauté politique » (sous-titre de l'ouvrage) et celui de laisser fonctionner une écriture qui vise à donner àvotre esprit un pli encore inconnu, l'amenant à se convertir d'une adhésion au présent à la possibilité d'un agir.Dans la fiction utopique de Thomas More, l'écriture elle-même devient incitative, exercant l'esprit à s'ouvrir à desdimensions insoupçonnables.

Au vrai, l'ouvrage comporte un agencement de deux livres sur le premier duquel on al'habitude de faire l'impasse.

Si le livre second, en effet, décrit particulièrment la ville d'Amaurote et, au travers d'unurbanisme géométrique, un ordre social transparent, la lecture du premier livre demeure indispensable puisque lanarration des voyages du navigateur s'y fait expérience d'assouplissement de l'esprit, mise en scène de l'opinion àrectifier, et explication du statut de la philosophie.Pour qui entend prononcer aujourd'hui ce terme, utopie, une autre conversion s'impose.

Trop d'usages dépréciatifssont destinés à discréditer les appels à penser et agir en politique.

L'utopie, littéralement lieu de nulle part, qui estaussi souvent une uchronie — d'aucun temps — se place sous le signe d'une libération de l'esprit.

Ainsi en va-t-ildes Solariens qui, vivant sous la dictature de la vertu, couplent leur cité modèle à l'idéal d'une réforme de l'ordresocial chrétien existant (Campanella, 1602). • Elle requiert une foi exceptionnelle dans la nature humaine qui, arrivée au stade de la perfection, devientimmuable, immobile, et ne progresse donc plus. Si ce qui caractérise une utopie c'est l'image de l'avenir simplement juxtaposée à l'état présent, comme soncontraire abstrait, il ne faut pas oublier qu'elle a permis d'inventer des institutions plus libérales et d'améliorer le sortdes individus.

Néanmoins, le véritable réformateur social, plutôt que de prendre ses désirs pour des réalités, doits'efforcer de « dégager des principes mêmes du monde, les nouveaux principes » (Marx Lettre à Ruge, sept.

1843).La fonction de l'utopie est donc une fonction critique de la société et de sa politique et, en ce sens, elle n'estjamais condamnable. CITATIONS : « L'Utopie, ou le Traité de la meilleure forme de gouvernement.

» Thomas More, titre complet de L'Utopie, 1516. « La cité qu'il faut placer au premier rang, la cité dont la constitution et les lois sont les meilleures, est celle oùrégnera le plus complètement possible dans la vie sociale sous toutes ses formes l'antique maxime d'après laquelletout doit être réellement commun entre amis.

» Platon, Les Lois, ive s.

av.

J.-C. « Si par communisme [...] on entend une société d'où serait absente toute résistance, toute épaisseur, touteopacité; [...] où les désirs de tous s'accorderaient spontanément [...], il faut dire clairement que c'est là unerêverie incohérente, un état irréel et irréalisable dont la représentation doit être éliminée.

» Cornélius Castoriadis, L'Institution imaginaire de la société, 1975. « Deux amours ont bâti deux cités : l'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu fit la cité terrestre; l'amour de Dieujusqu'au mépris de soi fit la cité céleste.

» Saint Augustin, La Cité de Dieu, 413-424. « Il y a si loin de la manière dont on vit à celle dont on devrait vivre, que celui qui tient pour réel et pour vrai ce quidevrait l'être sans doute, mais qui malheureusement ne l'est pas, court à une ruine inévitable.

» Machiavel, Le Prince, 1532 (posth.) Les philosophes « ne conçoivent point les hommes tels qu'ils sont, mais tels qu'eux-mêmes voudraient qu'ils fussent.De là cette conséquence que la plupart [...] n'ont jamais eu en politique de vues qui puissent être mises enpratique.

» Spinoza, Traité politique, 1677.. »

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