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Est-il souhaitable, est-il possible de "perdre ses illusions" ?

Publié le 17/01/2022

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Une des premières cause d'angoisse chez les humains est, selon Epicure, l'inquiétude religieuse et la superstition. Bien des hommes vivent dans la crainte des dieux. Ils ont peur que leur conduite, leurs désirs ne plaisent pas aux dieux, que ceux-ci jugent leurs actes immoraux ou offensants envers leurs lois et ne se décident à punir sévèrement les pauvres fauteurs, en les écrasant de malheur dès cette vie ou en les châtiant après cette vie. Ils pensent aussi qu'il faut rendre un culte scrupuleux à ces divinités, leur adresser des prières, des suppliques, leur faire des offrandes afin de se concilier leurs bonnes grâces. Car les dieux sont susceptibles, se vexent pour un rien, et sont parfois même jaloux du bonheur des simples mortels, qu'ils se plaisent alors à ruiner. Toutes ces croyances qui empoisonnent la vie des hommes ne sont que des superstitions et des fariboles pour Epicure.

Bien que la question soit double, « est-il souhaitable... « et « est-il possible... «, vous devez absolument éviter de traiter séparément chaque partie de la question, en consacrant une partie à la possibilité puis une autre au caractère souhaitable. Pour éviter un tel piège, il faut reformuler le problème posé par cette question : ce qui est en jeu, c'est la lucidité. La lucidité est traditionnellement valorisée : c'est le sens que la tradition a conféré au fameux « connais-toi toi-même « de Socrate, formule qui peut sembler le mot d'ordre de la philosophie. Que signifie pourtant ce désir de lucidité? Désirer à tout prix la lucidité, n'est-ce pas faire preuve d'un complet et ultime aveuglement, précisément sur la source de ce désir? Vous pouvez suggérer que derrière ce désir se cache tout autre chose, une volonté de domination de soi et des autres, volonté qui peut être mortifère.

« Il faut perdre ses illusions.• En commençant par là, on peut déjà être sûr de ne pas se trouver à court d'arguments en puisant chez denombreux philosophes, tant la plupart d'entre eux sont partis en guerre contre les illusions en tout genre.Ainsi l'infatigable travail de Socrate* n'est-il pas de lutter contre notre illusion de «savoir»?Si j'arrive à découvrir que tout ce que je sais, c'est...

que je ne sais rien, alors s'ouvre en moi et devant moi la vraieet passionnante recherche, la curiosité féconde dans la conscience même des écueils de sa soif. Je sais que je ne sais rien (Platon). Cette phrase est attribuée à Socrate par son disciple Platon.

On en trouve la source dans l' « Apologie de Socrate » qui narre le procès intenté àSocrate par la ville d'Athènes alors que notre homme était âgé de 70 ans.

Dans ce beau texte, Platon fait le récit de la vocation philosophique deson maître et des raisons véritables de son procès.

On y voit Socrate enquêtant auprès de ses concitoyens pour savoir pourquoi l'oracle deDelphes l'avait déclaré le plus sage des hommes.

Il s'attire ainsi des inimitiés qui amènent sa condamnation à mort.Socrate est en quelque sorte le patron des philosophes, au point que l'on appelle « présocratiques » les penseurs antérieurs, comme si Socrateétait l'origine de notre calendrier philosophique, à la façon dont Jésus-Christ l'est de notre ère.

Or, Socrate , que l'on considère encore aujourd'hui comme « le plus pur penseur de l'Occident » (Heidegger ), est un personnage qui n'a rien écrit, dot toute l'activité s'est concentrée sur le dialogue avec ses concitoyens.

Les renseignements que nous avons concernant sa vie et sapensée proviennent donc essentiellement de ses deux principaux disciples, Xénophon et surtout Platon . La déclaration de Socrate : « Je sais que je ne sais rien » est une pièce centrale de son procès. Ce procès, qui allait voir la condamnation à mort de l'homme « le plus sage et le plus juste », n'est pas seulement resté comme un exemple du courage de l'homme face à la mort, comme un exemple du juste injustement persécuté.

Il n'a pas seulement alimenté les parallèles avec la fin deJésus ; il a signé le divorce entre la philosophie et la politique.

Qu'une cité comme Athènes, démocratique et respectueuse des lois, ait pucommettre un pareil crime, une telle injustice, cela allait détourner Platon de la politique, et plus fondamentalement entraîner la conviction que : - les affaires humaines et notamment la politique sont indignes et de peu de prix. - Puisqu'antagonisme il y a entre le philosophe et la cité, et que la dernière persécute le premier, il n'y aurait de cité bien organisée et de philosophie possible dans la paix « que quand les philosophes seront rois et les rois philosophes ». On trouve la phrase étudiée dans le contexte suivant : Socrate explique que l'un de ses amis était allé à Delphes demander à l'oracle s'il y avait un homme plus sage que Socrate , et la réponse fut non. Socrate se trouve alors confronté au sens des paroles du dieu, car, s'il ne se croit pas lui-même sage, il ne peut remettre en cause les paroles d'Apollon .

Il décide alors de se livrer à une enquête auprès de tous les hommes sages ou prétendument tels de sa ville : les hommes d'Etat, puis les poètes, puis les artisans.

Dans tous les cas, la conclusion de Socrate peut se résumer ainsi : « Je suis plus sage que cet homme-là.

Il se peut qu'aucun de nous deux ne sache rien de beau ni de bon ; mais lui croit savoir quelque chose, alors qu'il ne sait rien, tandis que moi, si je ne sais pas, je ne crois pas non plus savoir.

Il me semble donc que je suis un peu plus sage quelui par le fait même que, ce que je ne sais pas, je ne pense pas non plus le savoir. » Il faut prendre au sérieux cette définition d'une sagesse « toute humaine », et la relier à son art du dialogue et à sa conception de la philosophie.

Socrate , interrogateur infatigable et grand « bousilleur » d'idées reçues, tente toujours de dénoncer les idées toutes faites, les clichés, bref l'illusion de savoir. Socrate , dialoguant avec ses concitoyens, ne cherche pas à leur délivrer une vérité préfabriquée qu'il ne possède d'ailleurs pas.

Il cherche à mettre en évidence l'insuffisance de réponses traditionnelles, et à retrouver avec son interlocuteur, par un effort de pensée véritable, la signification réelledes notions communes.

Ainsi tous les citoyens d'Athènes croient-ils savoir ce qu'est le courage, ou la liberté, ou la vertu.

Ainsi, en réponse,Socrate passe-t-il son temps à leur montrer que leurs définitions n'en sont pas, qu'ils se contredisent.

On comprend que ses concitoyens se soient crus agressés, d'où l'origine véritable du procès. Mais ce travail de « déblaiement » n'est pas entièrement négatif.

Il s'articule autour de la volonté réelle de chercher ce qu'est un acte juste, ce qu'est la justice.

Il s'articule autour du désir de comprendre les actes des hommes et leurs significations. Or, il est évident que celui qui croit savoir ne cherche pas.

Comme le dit le « Phèdre », les dieux ne sot pas philosophes, car ils savent, et ne le sont pas non plus ceux qui, satisfaits d'eux-mêmes, ignorent leur propre ignorance.

C'est pourquoi le préalable à toutes recherches, à toutesinterrogations communes sur le sens de notre existence et de nos actes, est la conscience de notre ignorance et la mise à mort de l'illusion desavoir. L'un des grands messages de Socrate est que l'illusion de savoir est le plus grand obstacle au savoir, un coup d'arrêt au mouvement de la pensée et de la réflexion, à la remise en cause de nos acquis. Voilà comment Socrate interprète lui-même sa fonction à l'intérieur de la cité : « Je suis le taon qui, de tout le jour, ne cesse jamais de vous réveiller, de vous conseiller et morigéner chacun de vous. » Et avant d'avoir rappelé à ses juges, à ceux qui le condamnent à mort « car si vous croyez qu'en tuant les gens, vous empêcherez qu'on vous reproche de vivre dans l'erreur vous vous trompez », il ajoutait : « Une vie sans examen ne vaut pas la peine d'être vécue. ». N'est pas digne d'être vécue une vie sans réflexion, sans retour sur soi, sans interrogation sur le sens et la valeur de ses actes.

Or pour vivre une. »

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