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Est-on curieux qu'à proportion qu'on est instruit ?

Publié le 27/02/2008

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Les philosophes du XVIIIe siècle ont tous débattu de pédagogie. L'avènement d'idées nouvelles et les progrès de la science ont posé le problème de la transmission de ces savoirs. Face à une inculture quasi générale, il fallait trouver le moyen d'éveiller l'intérêt des masses. Pour sa part, Rousseau estimait qu'un minimum d'instruction était nécessaire au développement de la curiosité. Il écrivait : « On n'est curieux qu'à proportion qu'on est instruit. « A notre époque où le débat pédagogique est tout aussi vif, la question reste d'actualité.  Même si on n'est curieux que de ce qu'on ne sait pas, c'est bien ce que l'on sait qui nous pousse à en savoir davantage.  

Introduction  

Première partie: on n'est curieux que de ce qu'on ne sait pas  

Deuxième partie : savoir, c'est toujours en savoir plus   Conclusion

« lassent jamais d'apprendre comme si l'accumulation de leur savoir relançait leur désir d'apprendre, c'est-à-dire leurcuriosité.

Par opposition, les gens qui n'ont reçu aucune instruction se signalent, à l'intérieur d'un musée ou d'uneéglise, par leur absence totale de curiosité.

Le rapport entre la curiosité et l'instruction irait alors de pair : plus onest instruit, plus on est curieux, et moins on est instruit, moins est curieux.

Nous nous trouvons alors devant unealternative : le progrès de l'instruction supprime t-il progressivement la curiosité ou bien au contraire la favorise t-il ? I Plus on connait, moins on est curieux _ La curiosité est l'état d'un esprit avide de connaître.

Or la curiosité est une qualité propre à l'enfance où l'ons'étonne de tout et où l'on désire savoir la raison de toutes choses.

L'enfance (in-fans) désigne la période de la viehumaine où l'on ne possède pas encore un plein accès au langage et à la raison, aussi est-il naturellement l'étatd'un esprit encore dépourvu d'instruction.

Ainsi la curiosité naît de l'ignorance et de la conscience de son ignorance: comme l'écrit Aristote au livre alpha de sa Métaphysique « apercevoir une difficulté et s'étonner, c'est reconnaître sa propre ignorance ».

Par conséquent, il semble que l'étonnement par lequel se signale la curiosité d'un espritenfantin est synonyme de son ignorance. _ Or si la curiosité naît à proportion de l'ignorance, elle disparaîtra alors à proportion du savoir.

Il est vrai quel'enfant, après avoir atteint l'âge de raison, témoigne de moins de curiosité.

Ainsi la curiosité ferait naître le désird'apprendre ; après quoi elle s'éteindrait dans la possession même du savoir.

Or si la possession assurée du savoirenlèverait toute curiosité, le savant qui avouerait sa curiosité sur un sujet ne manquerait pas alors d'avouer sonignorance sur ce dernier.

L'admiration est synonyme de curiosité en ceci qu'elle a son origine elle aussi dansl'ignorance.

Aussi est-elle vouée à disparaître avec le savoir comme le prescrit Descartes à l'article 76 de sesPassions de l'âme : « s'il est bon d'être né avec quelque inclination à cette passion pour ce que cela nous dispose à l'acquisition des sciences, nous devons toutefois tâcher par après de nous en délivrer le plus possible ». _ Que serait en effet une curiosité qui ne disparaîtrait pas dans l'instruction ? La curiosité persistante désigne unemauvaise habitude que l'on ne s'est pas efforcée de corriger.

En effet, dans notre ignorance, il arrive souvent« qu'on s'étonne en apercevant des choses qui ne méritent que peu ou point d'être considérées ».

En ce sens lecurieux manque de discernement dans son désir de connaître, tous les objets lui sont bons pourvu qu'ils lui soientinconnus.

Il peut alors avec le même sérieux s'intéresser aux arts premiers, à Baudelaire et à la vie intime de sesvoisins.

Or ce que l'on ne connaît pas nous parait toujours rare.

La curiosité aveugle va alors rechercher des chosesqui lui semblent rares non pour les connaître, mais seulement pour les admirer.

En ce sens , la curiosité devient unevéritable maladie qui refuse d'être guérie par le remède qu'est le savoir. Si la curiosité naît de l'ignorance, elle disparaît avec l'instruction : la curiosité et l'instruction seraient alorsinversement proportionnelles l'une de l'autre.

Cependant il est des individus instruits qui continuent à être tirailléspar le désir d'apprendre tandis que d'autres incultes, n'en sont pas mêmes effleurés : faudrait-il penser que lacuriosité croît avec le progrès de l'instruction ? II Plus on connaît, plus on est curieux _ Comment expliquer que les hommes instruits soient encore agités par le désir d'apprendre si l'origine de la curiositése réduit à l'ignorance ? La connaissance serait censée comblée l'appel en creux qu'est l'ignorance.

Or ce creux, cevide qui se creuse au sein de l'âme ne se comble pas toujours par la connaissance.

Il y aurait donc, en plus de lacuriosité qui disparaît avec la connaissance, une autre curiosité, plus essentielle qui serait elle-même aiguisée etfavorisée par la connaissance.

Ce second type du curiosité aurait donc le caractère plé onexique du désir.

En effetle désir a pour structure la pléonexie, c'est-à-dire une tendance à l'expansion qui refuse de s'arrêter.

Le propre de lapléonexie, c'est de vouloir « toujours plus ».

De même, les savants curieux veulent savoir toujours plus qu'il nesavent déjà.

C'est comme si le savoir acquis repoussait infiniment ses limites vers un horizon inaccessible.

Plus onsait, plus on veut savoir.

Pourquoi la curiosité renaît-elle sans cesse de la connaissance alors qu'elle devait s'yconsumer ? Si l'homme instruit est encore curieux et continue à s'instruire, c'est que nous n'en avons jamais finiavec la culture. _ La culture désigne le savoir humain.

Or l'homme curieux sait d'instinct ce qu'écrit Térence et qui sera la devise del'humanisme de la renaissance : « je suis homme et rien de ce qui est humain ne m'est étranger ».

Si rien de ce quiest humain ne m'est étranger, je suis partout chez moi dans la culture.

Mais encore faut-il que je veuille me donnerla peine d'y entrer.

En effet, si tout dans la culture est à moi, et m'est familier en ce qu'elle caractérise l'humanité, ilfaut que je me les réapproprie en mon nom propre.

Il s'agit comme l'écrit Hegel dans la préface de laPhénoménologie de l'esprit, de parcourir à nouveau les degrés que l'esprit humain a déjà parcouru avant moi.

Or chaque étape acquise par mon instruction me révèle tous les autres qui m'échappent encore : le savoir sans cesseen progrès ouvre autour de moi des perspectives qui ne peuvent qu'être infinies.

Ainsi la curiosité de l'esprit cultivéest l'élan dynamique par lequel le monde de la culture s'ouvre à mon esprit dans son infinité.

Par la curiosité, l'espritconserve une in-quiétude, un mouvement incessant qui l'empêche de se satisfaire de ses acquis. _ Par opposition, l'individu sans instruction n'éprouve pas d'inquiétude face à la culture.

La curiosité est un intérêtintellectuel.

Or celui qui est vraiment dépourvu d'instruction ignore qu'il est concerné par la culture dans la mesureoù il est lui-même homme.

Il ne sait pas qu'elle constitue sa propriété en droit et qu'il n'a qu'à se la réapproprier parl'étude.

La condition nécessaire pour accéder à ce second type de curiosité serait donc une instruction minimale parlaquelle on apprend l'existence de choses qui se donnent comme à connaître et nous concernent.

La curiosité. »

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