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Eugène Freyssinet

Publié le 26/02/2010

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Le béton armé souffre du fait que, tandis que l'acier des armatures résiste aussi bien aux efforts de tension que de compression, le béton, lui, se fissure dès qu'il travaille autrement qu'à la compression. D'où l'idée de substituer au béton "armé" un béton "traité", idée qui aboutit à la mise au point de la précontrainte. On a sans doute quelque peine à concevoir que l'idée de "substituer aux forces élastiques que le chargement développe dans les armatures des forces préalables permanentes" puisse devenir la passion d'une vie, et le ferment d'une pensée et d'une oeuvre exceptionnelles. Mais quand Freyssinet, parlant de son maître Rabut, évoque le "sentiment de la vie des contraintes dans les ouvrages, qu'il possédait à un très haut degré" et qu'il lui est reconnaissant d'avoir développé en lui, on pressent que le problème n'est pas pour lui ce qu'un problème de calcul des résistances est pour un quelconque technicien, mais traduit, en réalité, la nécessité impérieuse, que ressent tout véritable artisan (et Freyssinet se réclame de la qualité d'artisan), d'employer son matériau dans des conditions telles qu'il l'ait au mieux en main. C'est donc en partant d'une sensibilité très vive à la dynamique interne du béton armé, qu'il faut donc aborder son oeuvre.   Cette sensibilité s'exprime dès ses premiers grands ouvrages, le Veurdre et Boutiron. Avec trois arcs de soixante-dix mètres de portée, ces ponts sont d'une hardiesse que traduit l'élégance de leurs formes. Le surbaissement des arcs, le mouvement des tympans triangulés unissant les hourdis légers de l'arc et du tablier, la finesse des clés et des ancrages — tout y dit la parfaite adaptation à la vie interne du matériau. Comme chez Hennebique ou Maillart, on sent que les formes ne sont pas données par le calcul, mais vécues dans une intuition d'ensemble.

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