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Explication de texte: Thomas d’Aquin, Somme théologique

Publié le 09/09/2018

Extrait du document

Expliquer le texte suivant :

 

Parce que les actes humains pour lesquels on établit des lois consistent en des cas singuliers et contingents, variables à l’infini, il a toujours été impossible d’instituer une règle légale qui ne serait jamais en défaut. Mais les législateurs, attentifs à ce qui se produit le plus souvent, ont établi des lois en ce sens. Cependant, en certains cas, les observer va contre l’égalité de la justice, et contre le bien commun, visés par la loi. Ainsi, la loi statue que les dépôts doivent être rendus, parce que cela est juste dans la plupart des cas. Il arrive pourtant parfois que ce soit dangereux, par exemple si un fou a mis une épée en dépôt et la réclame pendant une crise, ou encore si quelqu’un réclame une somme qui lui permettra de combattre sa patrie. En ces cas et d’autres semblables, le mal serait de suivre la loi établie ; le bien est, en négligeant la lettre de la loi, d’obéir aux exigences de la justice et du bien public. C’est à cela que sert l’équité. Aussi est-il clair que l’équité est une vertu.

 

L’équité ne se détourne pas purement et simplement de ce qui est juste, mais de la justice déterminée par la loi. Et même, quand il le faut, elle ne s’oppose pas à la sévérité qui est fidèle à l’exigence de la loi ; ce qui est condamnable, c’est de suivre la loi à la lettre quand il ne le faut pas. Aussi est-il dit dans le Code1 : « Il n’y a pas de doute qu’on pèche contre la loi si, en s’attachant à sa lettre, on contredit la volonté du législateur ».

 

Il juge de la loi celui qui dit qu’elle est mal faite. Mais celui qui dit que dans tel cas il ne faut pas suivre la loi à la lettre, ne juge pas de la loi, mais d’un cas déterminé qui se présente.

 

Thomas d’Aquin, Somme théologique

1. Il s’agit du Code publié par Justinien en 529 : il contient la plus grande somme connue de droit romain antique.

Il n'en va pourtant pas ainsi, en raison même de la singularité et de la contingence des actes humains auxquels on prétend appliquer la loi. En effet, ces actes sont « variables à l'infini », et une telle variabilité ne peut être intégralement prévue lors de la rédaction d'une loi.

 

Thomas se montre ici, comme souvent, un fidèle lecteur d'Aristote : ce dernier signalait déjà que « la loi écrite a pour objet le général, tandis que les actions ont rapport aux cas particuliers ». L'observation était aussi bien de portée politique que morale, alors que Thomas est ici plus attentif aux lois constituant le droit. Mais la conséquence est la même, quel que soit le domaine où elle se manifeste : c'est l'impossibilité d'instituer une loi « qui ne serait jamais en défaut ». Ce qui suggère que l'application de la loi doit connaître quelques exceptions : il existe en effet des cas où cette application se ferait « contre l'égalité de la justice, et contre le bien commun, visés par la loi », donc des cas où cette application serait contradictoire.

« Les clés pour réussir Bien comprendre le texte Plan du texte • 1•• §:l a loi est universe lle, alors que les actes sont« singuliers ».

Dans cer­ tains cas (les deux exem ples fo urnis en sont la preuve).

suivre la loi serait «l e mal >>.

!.:équ ité se réfère aux« exigences de la jus tice et du bien public >> (c'est -à-dire aux intentions du législa teur) et peut négliger la lettre de la loi.

• 2• § : la référence au Code de Jus tinien confirme la différence entre la lettre de la loi (sa stricte rédaction) et la volonté du législateur, animée par le souci du bien public.

• 3• § : négliger exceptionnelleme nt la loi, ce n'est pas la considérer comme « mal faite >>, c'est juger qu'elle est simplement inapplic able dans un cas « dét erminé >>.

Ana lyse du texte Thèse soutenue par l'aut eur : en soulign ant que la loi ne pou rrait être appliq uée pour le bien commun dans certains cas, Thomas d'Aq uin mon tre la nécessité de l'équ ité comme vertu.

• En effet l'équité est confo rme, non à la lettre de la loi qu'elle peut contr edire ou ignor er, mais « aux exigenc es de la jus tice et du bien public >>, c'est-à -dire à la « volonté du législa teur >> ou encore à l'esprit de la loi.

• Le problème abordé est donc celui de la correc tion nécessaire de la let tre de la loi lorsqu'un cas « dét erminé >> y oblig e, ce qui aboutit à la ju risprude nce.

Utiliser ses conna issances Noti ons concernées : la société, la mor ale, particuli er/gén éral/univers el.

• Aristote soulig nait déjà que « la loi écrite a forcément pour objet le général, tandis que les ac tions ont rapport aux cas singu liers >>.

Mai s, co mme Thomas d'Aq uin , il n'en dédui t pas la nécessité de modifier la loi.

• Le cas du « fou >> réclaman t son épée mise en dépôt et venant le faire pendan t une crise peut suggérer une réflexion sur le statut actuel des mala des mentaux dans le droit.

Les pièges à éviter • N'interpr étez pas cet extrait comme une critique de la no tion de loi ou de justice instituée : contresens.

• Ne négligez pas les raisons pour lesquelles l'équité est une vertu, alors même qu'elle se tradui t par une ignor ance mom entanée de la loi (ce qui, en général, ne peut être vertueux).

• Attention à la première phrase du 2• § : vous devez bien compr endre que l'équi té respec te une justice préfé rable, dans certains cas, à celle que dét ermine la loi (inappl icable dans ces cas-l à).. »

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