Devoir de Philosophie

Faire son devoir doit-il être pénible ?

Publié le 19/09/2015

Extrait du document

On pourrait donc croire que si, parfois et même souvent, les actions exigées par le devoir ne sont pas pénibles en elles-mêmes, il nous en coûte cependant quelque peu de les exécuter pour la seule raison que c’est le devoir et que nous ne sommes pas libres d’agir autrement. En définitive, ce serait la dépendance ou l'hétéronomie de l’activité morale qui nous la rendrait coûteuse.

 

B. Discussion. — a) Il est effectivement une morale hétéronome qui rend coûteuse la conduite qu’elle prescrit et atténue sensiblement la joie que nous éprouvons normalement à bien faire.

 

Sans doute, la dépendance est parfois aimée. Alors, grâce à l'amour, les actes qui coûteraient ne coûtent plus : c’est le cas des grands saints, qui prennent d’autant plus de plaisir à une action qu’ils la croient plus conforme à la volonté ou au désir de Dieu; l’amour humain, lui aussi, peut obtenir des effets analogues. Mais, dans ces cas, on a dépassé le stade de l'hétéronomie véritable : c’est par amour qu’on agit et non par devoir. Nous ne sommes donc plus dans l’hypothèse envisagée, et ces faits n’infirment pas la thèse d’après laquelle le devoir restreint le plaisir de l’action.

 

Toute morale vraiment hétéronome rend coûteuse la fidélité au devoir. Si nous nous déterminons à bien agir pour nous conformer à la volonté d’un Dieu considéré uniquement comme un maître absolu, ou encore aux exigences d’un mystérieux ordre transcendant, à plus forte raison si nous ne faisons que céder à la pression d’une Société dont le nombre fait en définitive toute l’autorité, nous ne trouverons pas dans l’action la joie que procure la liberté et la spontanéité de l’action : il nous en coûte de nous soumettre à un autre, si grand soit-il.

« a) De cette thèse, il serait facile de fournir une preuve rationnelle et 11 prio.ri : ce que la conscience nous demande et ce que la loi morale nous impo·se, c'est la réalisation d'un certain ordre et non la peine que nous éprouvons à le réaliser; je dois, par exemple, aider ceux qui sont dans la misère, mais non {Jbligatoirement par les moyens les plus difficiles püur moi; c'est le succès qui importe et non la difficulté à l'obtenir.

La diffi­ culté est un accident sur le chemin: ce n'est nullement le but.

Par suite, si le devoir coûte, il ne lui est [pas essentiel de coûter, et celui qui ferait son devoir sans qu ïl lui en coûte ne sortirait pas pour autant de la ligne de la moralité.

b) On po.urrait dire, il est vrai, que, cette hypothèse étant chimérique et le devolr étant toujours pénible, il reste pratiquement vrai que tout devoir est pénible, en sorte qu'on peut le définir comme cc qui ooûte.

~\lais c 'e·st seulement par un étrange préjugé qu'on tient pour chimérique l'hypothèse d'un devüir agréable à accomplir.

Observons les faits : nous verrons que l'expérience, comme la rais·on, montre qu'il n'est pas essentiel au devoir de coûter, il est même des devoirs auxquels il coùterait de renüncer.

En effet, si la vic morale des êtres que nous sümmcs implique une lutte contre les tendances naturelles, elle ne sc réduit pas à cette lutte.

Si certaines tendances doivent être réprimées puree qu'elles nous portent à des actes opposés au devoir, il en est d'autres, au contraire, qui nous p{Jussent dans le sens dn devoir bien compris qui, ulors, ne nous ooùte plus.

Il n'est pas pénible p{Jur une mère normale de sc priver, de s'oublier, de veiller pour ·son enfant.

Il ne lui en coûte pus d'accomplir fidèlement ses devoirs de mère; c'est plutôt de ·s'en décharger sur d'autres qui lui coûte.

Il est ensuite des devoir·s qui, pénibles à l'origine, deviennent aisés et même agréables en sorte qu'on s'en acquitte sans avoir à faire d'effort su:r s-oi-même ou, du moins, sans un effort qui coûte.

C'est le cas de beaucoup de travaux profes,sionnels auxquels on s'attache.

Bien plus, il est une cer­ taine lutte contre soi-même qui devient comme naturelle c:t ne coùte guère plus : " Celui qui d~sire de tout son cœur accéder à une cime ne sent pas sa fatigue, mais la joie d'en approcher.

n (R.

LE SE~NE, Le devoir, p.

3~i).

A la première question que nous nou·s étions posée, nous devons donc répondre p·ar la négutive : si le devoir nous coûte souvent ou même ordi­ nairement, il ne nous coûte pas toujours; il ne lui est pas e'ssentiel de Cüûter; par ·suite, on ne peut pas le définir comme ce qui ooûte.

Il.

- LE DEVOIR REND-IL ESSENTIELLE~!ENT PÉIHBLE CE QU'IL L\!POSE En définitive, la conscience et la lüi morale nous commandent le bien.

Or, le bien répond à une de nos aspirations les plus profondes.

Il sem­ blerait d{Jnc que, pris judicieusement, il devrait, non pas nous coûter, mais nous procurer du plaisir.

S'il nous ooûte, n'est-ce pas parce qu'il s'impose c·omme une obligation, comme un devoir il A.

Raisons de le croire.

- C'est un fait d'expérience vulgaire qu'il sufflt d'imposer comme un travail une occupation à laquelle on se livrait comme à un jeu, pour la rendre pénible et pour faire naître le désir de l'esquiver.

D'une façon plus générale, il nous en coûte d'obtempérer aux ordres d 'autrUti, et un travail nous ooùte bien moins quand nous 1 'avons entrepris par initiative personnelle et le menons à notre guise.

On dirait. »

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