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Faut-il avoir peur ?

Publié le 27/02/2008

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L'agression permet sa destruction. C'est donc toujours une incompatibilité entre notre existence et l'existence d'autre chose qui suscite la peur. La peur se distingue alors de l'angoisse, qui ne porte sur aucun phénomène ni être déterminé. Ainsi, comme le remarquait Heidegger dans Etre et temps, l'angoisse se rapporte à une possibilité indéterminée de destruction de notre être : la mort. La mort suscite l'angoisse car elle est une menace permanente qui pèse sur notre existence, et qui permet même de la caractériser comme « être-pour-la-mort ». La mort est en effet notre possibilité ultime qui détermine notre temporalité. La peur, au contraire, se ramène à un risque identifiable. On a toujours peur de quelque chose ou quelqu'un. -       Il faut donc, dans cette logique, avoir peur. Mais encore faut-il savoir de quoi.

L'existence de l'homme se caractérise par le fait qu'elle est orientée vers la mort, consciente de sa finitude et par conséquent animée par la peur. Celle-ci se constitue en effet essentiellement dans le rapport possible à la destruction de notre être, que ce sentiment vise à conserver par la fuite ou l'agression. De ce point de vue, l'être qui ne connaît pas la peur, le téméraire ou l'inconscient, ne peut conserver son existence bien longtemps. La peur renvoie à la connaissance d'un risque qu'elle permet d'éviter. Néanmoins, la peur renvoie également à la lâcheté : la conservation de son être ne va pas sans effort ni sans risque, certes calculé, mais nécessaire. La fuite permanente est impossible et vient toujours le moment où la conservation de soi suppose l'affrontement. Ainsi, la liberté suppose le courage d'affronter l'adversité et l'héroïsme n'est possible que pour celui qui maîtrise ses impulsions fondamentales, dont la peur. Alors, faut-il avoir peur ou bien la peur n'est-elle qu'impulsion irrationnelle que la raison doit maîtriser ?

« – La peur est donc un mal en soi car elle se réfère toujours à un désir, source d'inquiétude pour l'être qui enpâtit.

C'est bien ce qui ressort de la définition de Descartes dans l'article 165 des Passions de l'âme : « L'espérance est une disposition de l'âme à se persuader que ce qu'elle désire adviendra, laquelle est causéepar un mouvement particulier des esprits, à savoir celui de la joie et du désir mêlés ensemble.

Et la crainte estune autre disposition de l'âme, qui lui persuade qu'il n'adviendra pas ».

Or, si le désir est source de souffrance,car d'inquiétude, la peur est elle-même source de souffrance.

On remarque alors que cette peur a sa sourcedans le corps (les « esprits » de Descartes sont des éléments corporels qui circulent à l'intérieur du corps etagissent sur l'âme).

La peur est une passion, c'est-à-dire un effet du corps sur l'âme.

Avoir peur, c'est donctoujours perdre le contrôle de soi, pâtir, être dans un état de l'âme considéré comme effet d'un état du corps.La connaissance est donc absente de cette relation du corps et de l'âme, comme l'exprime l'expression de« persuader » qu'utilise Descartes. – Il ne faut donc pas avoir peur car c'est toujours diminuer la puissance de son être, se rendre malade.

Lafonction de la peur qui était d'éviter ce qui est mauvais doit donc être remplie par la connaissance rationnelle dela nature des choses, et non par les impulsions guidée par l'imaginaire.

Avoir peur, c'est manifester son ignoranceet entrer dans une logique de superstition.

Ne pas avoir peur n'implique néanmoins pas l'inconscience, mais laconnaissance de soi, des choses et de leurs rapports nécessaires.

La peur, dans sa relation essentielle au désir,ne peut qu'être source d'inquiétude et donc, de mal pour celui qui en pâtit. III) La peur et le sacré – Néanmoins, n'y a-t-il pas une peur qui ne se réfère pas au mal ? On a également peur de ce qui nous dépasse,de ce qui doit être respecté.

Les précautions que l'on prend sont la marque du respect, de la peur de mal faire,qui instaurent le sentiment d'une distance, plutôt que celui d'une menace ou d'un risque.

C'est ainsi le domainedu sacré qui peut faire l'objet de peur, et non plus le domaine du mal.

Cette peur peut alors être caractériséecomme effroi, comme en témoigne l'émotion religieuse qu'analyse Otto dans Le sacré : ce qu'il y a de plus intime et profond dans toute émotion religieuse « peut devenir le silencieux et humble tremblement de la créature quidemeure interdite...en présence de ce qui est, dans un mystère ineffable, au-dessus de toute créature ».

Lesacré est source d'effroi et de fascination.

C'est le tout autre.

Cette pure émotion renvoie au « numineux » (dulatin numen : la divinité), elle indique le sentiment de dépendance, l'effroi devant une grandeur incommensurable.

C'est donc bien ici le respect qui est la forme de cette peur qui ne revoie plus à un mal, mais àun bien qui nous dépasse infiniment. – La peur, ici encore, renvoie à de l'incompréhensible, mais non plus par défaut.

Il s'agit bien ici d'un excès.

C'estpourquoi il faut avoir peur, en ce sens du respect de ce qui nous dépasse et du sentiment de notre finitude etdépendance.

Cette peur n'est-elle pas le fondement de la vie morale de l'individu ? Avoir peur de blesser, deprofaner, c'est toujours laisser la distance entre soi et l'autre.

La peur, en instaurant la distance, permet lerespect de l'altérité. Conclusion Il faut donc avoir peur, mais non pas du mal extérieur.

Car en effet, la peur du mal est un mal en soi, quirepose sur une ignorance du sujet, un désir, et qui est source de superstition.

La peur du mal est lâcheté,soumission de l'individu à des force extérieures qu'il pourrait maîtriser par la connaissance.

Mais cela ne signifie pasque toute forme de peur doive être écartée.

En effet, c'est le bien qui doit susciter le respect, et avoir peur nesignifie ici rien de plus que prendre conscience de sa finitude et de sa dépendance à l'égard de ce qui nous dépasseabsolument : le domaine du sacré, caractérisé par son altérité fondamentale, son irréductibilité à soi.

Avoir peur,c'est alors surtout avoir peur de détruire, de profaner (que ce sacré soit pensé comme divin, ou simplement commeautrui, peut importe ici).

La peur est alors la source de la vie morale.

La peur, entendue en ce sens, est donc bien lasource du « il faut », de l'obligation morale.. »

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