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Faut-il éviter les querelles de mots ?

Publié le 15/09/2005

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..) Exemples : (E.a) « Oui [je le veux] (c'est-à-dire je prends cette femme comme épouse légitime) » � ce « oui » étant prononcé au cours de la cérémonie du mariage. (E.b) « Je baptise ce bateau le Queen Elisabeth � comme on dit lorsqu'on brise une bouteille contre la coque. (E.c) « Je donne et lègue ma montre à mon frère » � comme on peut le lire dans un testament. (E.d) « Je vous parie six pences qu'il pleuvra demain ». Pour ces exemples, il semble clair qu'énoncer la phrase (dans les circonstances appropriées, évidemment), ce n'est ni décrire ce qu'il faut bien reconnaξtre que je suis en train de faire en parlant ainsi, ni affirmer que je le fais : c'est le faire. Aucune des énonciations citées n'est vraie ou fausse : j'affirme la chose comme allant de soi et ne la discute pas.

« [La querelle de mots démasque les faux savoirs, les mots qui ne veulent rien dire et qui rivent les hommes à leurs préjugés et à leur ignorance.] Pas de langage sans penséeL'interrogation sur le langage est inéluctablement interrogation sur la pensée, car penser et parler sedéfinissent l'un par l'autre.

La pensée ne devient claire que lorsqu'elle trouve le mot.

Inversement, le mot n'estjamais forme vide parce qu'il véhicule toujours du sens ou du non-sens. Hegel écrit : « C'est dans les mots que nous pensons ».

Dire que nouspensons en mots, comme on paye en francs ou en dollars, c'est définirle mot comme l'unité de la pensée.

Loin d'être deux mondesradicalement extérieurs, « incommensurables » comme le disait Bergson,le langage et la pensée apparaissent ici comme absolumentconsubstantiels.Que reproche Hegel à l'ineffable ? Il lui reproche de n'offrir, en fait depensée, qu'une matière de pensée sans la forme que seule laformulation par le langage pourrait lui conférer.

L'ineffable en effet,c'est la pensée informe, c'est-à-dire une pensée usurpée, une penséequi n'en est pas vraiment une.

Pour mériter ce nom, pour être vraimentla pensée, celle-ci doit en passer par l'épreuve de l'explicitation.Il y a ici un malentendu possible contre lequel il faut mettre en garde lelecteur de Hegel : c'est le malentendu de l'énonciation.

Le problème deHegel n'est pas de savoir s'il faut se taire ou parler, ni de savoir si lesvérités sont ou non bonnes à dire : l'enjeu de l'exigeante conception deHegel est de savoir à partir de quoi, à partir de quel critère on peutréellement considérer qu'on a affaire à de la pensée, à partir de quelcritère la pensée mérite le nom de pensée.

Ce critère, c'est la « formeobjective » (le mot) qui rend ma pensée publiable, identifiable même parmoi seul (tant encore une fois il ne s'agit pas ici de rapport à autrui).Pourquoi faire un brouillon avant une dissertation ? Justement pour expliciter le flux d'abord confus de l'inspiration qui nous traverse à partir d'un sujet, pour incarner cettemanière, cette pensée virtuelle en une réalité palpable & travaillable, réalité que les mots que nous écrivons luidonnent.Il s'agit là, pour la pensée, d'une véritable épreuve, de l'épreuve de ce que Hegel appelait le « négatif » : pourdevenir ce qu'elle est, la pensée doit en passer par ce qui n'est pas elle : le langage.

Dans cette épreuve parlaquelle elle devient ce qu'elle est, la pensée fait donc face à d'apparents périls qui peuvent nous faireprendre le langage pour un inconvénient.

Au premier rang de ces périls, celui qui apparemment menace ce quenous pourrions appeler la subjectivité, notre singularité : ne risquons-nous pas, en incarnant notre intérioritédans une forme objective, d'en perdre irrémédiablement ce qui en elle nous appartient le plus ? Le mot peut,ainsi, être perçu comme commun et galvaudable : nous savons bien que chacun peut transformer nos parolescomme il l'entend, que les « je t'aime » que nous prononçons ont été cent fois, mille fois, prononcés etentendus, que nos pensées dans nos paroles deviennent anonymes comme une rumeur sourde.

Puisque « toutest dit depuis huit mille ans qu'il y a des hommes et qui pensent » (La Bruyère), le refus des mots ne serait-ilpas le dernier refuge de l'intériorité ? Ce sont ces appréhensions que la pensée hégélienne entend conjureravec la dernière énergie.Le présupposé qui est ici en jeu a quelque chose à voir avec la question de la propriété de la parole.Ce dialogue constant de la pensée avec le langage, cette lutte entre l'ineffable et les mots, bref ce passage,pour la pensée, du non-être à l'être prend donc évidemment, comme on l'a vu, un sens particulièrement aiguen littérature et spécialement en poésie.

Si le passage par la parole marque la vraie naissance de la pensée,c'est qu'il faut concevoir le langage comme quelque chose de plus haut qu'un simple instrument.

Ce qui seconçoit bien ne s'énonce clairement, pour paraphraser Boileau, que dans la mesure où l'énonciation claire estelle aussi à son tour la condition de la bonne conception. Nous ne sommes pas asservis à l'arbitraire des motsPhilosopher, c'est poser comme principe que, loin d'être asservis au pur arbitraire des mots, nous sommesseuls habilités à leur refuser ou à leur donner un sens.

Lorsque je te parle, je sais ce que je dis, je peuxm'expliquer, je ne choisis pas mes mots au hasard, je construis des phrases qui expriment au mieux mapensée.

Pour me faire comprendre, pour te comprendre, je ne dois, pas éviter de te «quereller»; il en va de lavérité de notre amitié.. »

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