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Faut-il mépriser l'apparence ?

Publié le 15/09/2005

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Il ne s'agit plus cependant de comprendre l'apparence comme un point d'appui pour l'intelligence, un signe indiquant l'être lui-même, mais de voir que l'apparence est le lieu même de manifestation de l'être. On ne peut donc plus simplement distinguer l'être de son apparaître, mais il faut comprendre que l'apparaître est le lieu même où se manifeste l'être. Il n'y a plus de distinction à opérer entre ce que l'on voit des choses et ce qu'elles sont en soi, puisque pour soupçonner ce qu'elles sont en soi, il faut bien que cela nous apparaisse. Sans cela, l'être reste à jamais inconnaissable.   III - L'expérience esthétique : il n'y a qu'apparence               Dans ce processus de réhabilitation de l'apparence, celle-ci n'apparaît donc plus comme un voile masquant l'être. Cependant, ne peut-on songer à un type d'apparence qui ne soit la révélation d'aucun être, d'aucune essence ? L'expérience esthétique semble faire appel à une telle idée, au sens où l'oeuvre d'art ne renvoie à rien d'autre qu'à elle-même.             Si j'utilise le mot « chaise » pour désigner la chaise que je vois, le tableau qui représente une chaise n'indique, lui, aucun objet présent dans le monde ou aucune Idée. Le tableau est présent dans sa matérialité : il s'agit aussi bien de la chaise que je contemple, que des couleurs utilisées, la texture des matériaux (collages, petites masses de peintures, à-plats, etc.) ou le support lui-même (bois, toile, pierre, etc.

À en juger par des expressions populaires bien connues : « L'habit ne fait pas le moine «, « Tout ce qui brille n'est pas d'or «, l'apparence serait trompeuse, déceptive et source d'un mépris justifié. Se demander s'il faut mépriser l'apparence revient donc à définir son mode opératoire : l'apparence est-elle trompeuse, masque-t-elle la réalité ? C'est à partir de l'analyse de l'apparence chez Platon que nous allons d'abord voir comment celle-ci possède un statut ambivalent, tantôt masquant l'être, tantôt y donnant accès. Nous verrons ensuite de quelle manière Hegel la pense, notamment en remarquant que l'être, pour se révéler, doit apparaître. Enfin, un détour par l'esthétique nous fera nous demander si, bien que l'être doive apparaître, l'apparaître ne peut être conçu pour lui-même, indépendamment de l'être.

« · La seconde, ensemble des êtres naturels ou artificiels, est seconde, sa réalité est moindre, dans la mesure où elle est imitation de la première.

Les êtres naturels doivent leur existence à un Démiurge qui a façonnéla matière en contemplant le monde des Idées (« Timée » ).

De même le bon artisan fabrique son objet en se réglant sur son Idée.

Ces êtres ont moins de réalité que les Idées puisqu'ils se contentent de les imiter.· La troisième, la plus éloignée de la réalité telle qu'elle est en elle-même, est celle produite par le peintre puisqu'ilimite ce qui est déjà une imitation.

Elle est donc un presque rien, n'a pas plus de réalité que notre reflet dans lemiroir.

Elle est le reflet d'une apparence.

En fait, il n'y a rien à voir.Au nom de la vérité Platon critique l'art.

Les fondements de cette critique sont: la définition de l'art comme imitation, reproduction de la réalité sensible et à la définition de la réalité sensible comme apparence, apparencetrompeuse, apparence du vrai.

Non seulement l'artiste ne produit que des apparences et en accentue la puissancetrompeuse, mais encore il nous attache à ce monde des apparences en produisant des apparences qui plaisent,excitent les sens et l'imagination.

L'art, effet du désir sensible et des passions, les accroît en retour.

L'hommeraisonnable n'y a pas sa place.

L'art, ennemi de la vérité est ennemi de la morale.

On trouve ici la premièrecondamnation morale de l'art et par suite la première justification théorique de la censure artistique dont relèveencore la condamnation des « Fleurs du mal » au milieu du XXe.

Rousseau au XVIIIe, sur ce point fort différent des philosophes des Lumières, reprendra le flambeau de cette critique.

L'art n'élève pas l'âme, bien au contraire.Apparence, il joue le jeu des apparences.

Tout d'abord parce qu'il est, dans la société bourgeoise - société de lacomparaison, du faire-valoir, de l'hypocrisie, de la compétition -, indissociable d'une mise en scène sociale.

On vaau théâtre pour exhiber sa toilette et autres signes extérieurs de richesse, pour se comparer, médire, recueillir lespotins...

Ensuite parce qu'il nous plonge dans un monde fictif où nous pouvons à bon compte nous illusionner surnous-mêmes.

Par exemple nous versons de chaudes larmes en assistant an spectacle des malheurs d'autrui etnous restons froids et impassibles lorsque nous avons l'occasion de lui porter secours.

Mais cependant nous avonspu croire à notre bonté naturelle.

Pour Platon comme pour Rousseau l'art est un divertissement qui nous divertit, nous détourne de nous mêmes.Bien que Platon ne définisse pas l'art par la beauté, il est tout de même possible de nuancer son propos, à partir de la prise en compte de sa conception de la beauté.

Si l'art n'est que simulacre, la beauté existe en elle-même, elleest une Idée et précisément une des plus belles.

Qu'est-ce qu'un beau cheval ? N'est-ce pas un cheval conforme àl'Idée du cheval ou archétype, à l'idée de ce que doit être un cheval sensible pour être pleinement un Cheval.

Uncheval est plus ou moins beau et son degré de beauté est proportionnel à sa conformité au modèle idéal ou Idée.

Est beau ce qui est ce qu'il doit être, laid ce qui ne l'est pas.

Est beau ce qui est parfait.

Comme la perfection n'estpas de ce monde, comme le cheval dans le pré ne sera jamais la copie exacte et sans défaut du modèle maistoujours une imitation imparfaite, la beauté la plus grande, réelle, est celle des Idées.

Est beau ce qui existepleinement et ce qui existe pleinement ce sont les Idées.

La beauté est la perfection ou plénitude de l'Etre.

Lalaideur est l'imperfection, l'incomplétude.

Par conséquent, lorsque le peintre et le sculpteur reproduisent un beaucheval ou un beau corps d'athlète, leur œuvre, pâle esquisse de la beauté idéale, en est tout de même le reflet.

Lepoète inspiré est sorti de la caverne, a contemplé l'idée du Beau et peut entraîner dans son sillon ses auditeurs.Ainsi le jugement de Platon sur l'art ne peut pas être simple bien qu'il insiste davantage sur la définition de l'art comme simulacre pernicieux.

C'est en ce sens que l'apparence est tantôt (notamment dans l'Allégorie de la caverne) ce qui conduit auvrai, au monde intelligible, tantôt ce qui nous en éloigne et nous trompe sur la réalité des objets.

II – Hegel : l'apparence révèle l'essence Hegel prend appui sur le premier type d'apparence évoqué par Platon, tout en l'approfondissant.

En effet, selon lui, pour être connu, l'être doit nousapparaître, c'est-à-dire se donner une apparence.

Il ne s'agit plus cependantde comprendre l'apparence comme un point d'appui pour l'intelligence, unsigne indiquant l'être lui-même, mais de voir que l'apparence est le lieu mêmede manifestation de l'être. On ne peut donc plus simplement distinguer l'être de son apparaître, mais il faut comprendre que l'apparaître est le lieu même où se manifestel'être.

Il n'y a plus de distinction à opérer entre ce que l'on voit des choses etce qu'elles sont en soi, puisque pour soupçonner ce qu'elles sont en soi, ilfaut bien que cela nous apparaisse.

Sans cela, l'être reste à jamaisinconnaissable.

III – L'expérience esthétique : il n'y a qu'apparence Dans ce processus de réhabilitation de l'apparence, celle-cin'apparaît donc plus comme un voile masquant l'être.

Cependant, ne peut-onsonger à un type d'apparence qui ne soit la révélation d'aucun être, d'aucuneessence ? L'expérience esthétique semble faire appel à une telle idée, au sensoù l'oeuvre d'art ne renvoie à rien d'autre qu'à elle-même.

Si j'utilise le mot « chaise » pour désigner la chaise que je vois, le tableau qui représente une chaise n'indique, lui, aucun objet présent dans le monde ou aucune Idée.

Le tableau estprésent dans sa matérialité : il s'agit aussi bien de la chaise que je contemple, que des couleurs utilisées, la texture. »

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