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Faut-il pardonner ?

Publié le 29/01/2004

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PREMIÈRE PARTIE En quoi est-ce que comprendre peut entraîner pardonner?Peut-on passer de la compréhension théorique d'un acte, d'une faute, à l'acte moral du pardon? Peut-on faire dépendre le pardon de la compréhension sans renoncer au vrai sens du pardon? Comprendre a un sens souvent proche d'expliquer: on comprend si on nous a expliqué. Ici, expliquer, ce serait, de la part du fautif, dire pourquoi il a fait ceci ou cela, quelles sont les circonstances qui expliquent son geste incongru ou offensant. Il ne s'agissait peut-être que d'un geste maladroit (casser le vase de la belle-mère), involontaire ou mal interprété (ce n'est pas ce qu'il voulait faire), ou encore dicté par les circonstances (il ne pouvait pas faire autrement). Expliquer ses actes en invoquant les circonstances permet toujours de se disculper quelque peu: toute circonstance est une circonstance atténuante. Et comprendre les raisons de cet acte me mène toujours à les "admettre". Qu'est-ce comprendre: c'est un peu prendre sur soi, être-avec, pouvoir se mettre à la place de l'autre. Comprendre quelqu'un, c'est pouvoir se mettre à sa place, dans sa peau.

« sa place, dans sa peau.

Et je pardonne donc dès lors que j'ai compris.

Compris quoi? Compris que à sa place, j'enaurais fait autant ou j'aurais au moins été tenté de le faire.

Au fond, on ne pardonne jamais qu'à la faiblessehumaine.

On n'est donc jamais aussi coupable qu'on peut le sembler: le fautif se dit victime des circonstances, lavraie victime peut admettre cette défaillance. Mais il semble alors, si on admet que "comprendre, c'est pardonner", que le pardon se résorbe dans lacompréhension: ce qui compte, c'est de comprendre, le pardon vient de lui-même.

Le pardon y est comme un gestesecondaire, une conséquence, quelque chose de machinal ou de mécanique.

Une fois qu'on a compris, on pardonne,mais comme sans y prendre garde. Dire que comprendre, c'est pardonner, c'est confondre excuser et pardonner. En fait, le pardon qui est issu de la compréhension n'est pas réellement du pardon, mais de l'excuse. En effet, qu'est-ce que excuser? C'est un acte social.

Présenter ses excuses à quelqu'un qu'on a offensé, c'est fairepreuve de savoir-vivre, de sociabilité.

Présenter des excuses, c'est déjà montrer qu'on a conscience d'avoir fautécontre les conventions, qu'il faut présenter des excuses pour ne pas passer pour un goujat.

Et si la victime refusedes excuses présentées de si bonne grâce, c'est elle qui passera pour manquer de savoir-vivre, qui pêchera contreles règles de la bonne société. Par exemple, présenter des excuses à quelqu'un qu'on a bousculé dans une cohue, c'est essayer de ramenerl'offense à ses plus justes proportions, minimiser la faute.

"Je n'ai fait que vous bousculer et vous m'en voyezdésolé.

Mais il n'y a pas de quoi en prendre ombrage: puisque je ne voulais pas vous offenser, ne vous offensezpas." Et accepter des excuses venant de quelqu'un, c'est accepter de minimiser: "Mais voyons, ne vous excusez pas, cen'est rien, il n'y a pas de mal".

Excuser quelqu'un, c'est dire qu'il n'y a rien à excuser.

Qu'il ne m'est redevable de rienparce que je l'aurais excusé. On voit donc que, dans le cas de l'excuse, il s'agit d'un acte de savoir-vivre, de convenance sociale: on présentedes excuses, on s'explique (je vous ai écrasé le pied durant cette valse parce que j'ai trébuché, excusez-m'en),charge à l'offensé d'accepter ces excuses, et en fait, il ne peut pas les refuser (on ne peut pas en vouloir àquelqu'un d'avoir trébuché).

S'excuser, c'est déjà être à l'avance excusé. Qu'est-ce que pardonner? A partir de quand le recours au pardon devient-il nécessaire? Quand l'excuse devient-elle insuffisante? Quelle est la différence entre pardonner et excuser? On est tenté de dire que le pardon ne s'adresse qu'aux fautes les plus graves.

Mais c'est ne voir qu'une différencede degré là où il y a peut-être un différence de nature, c'est voir une continuité entre l'excuse et le pardon.

C'estramener le pardon, acte moral, à l'excuse, acte social. En fait, la démarcation tient peut-être au rôle dévolu à la compréhension.

Le pardon devient nécessaire lorsquel'excuse ne suffit plus, lorsqu'on ne peut plus excuser parce qu'on ne peut plus demander de comprendre! On n'avraiment à pardonner que ce qu'on ne peut pas comprendre, c'est-à-dire ce dont on ne peut pas dire qu'à la placedu fautif on en aurait fait autant.

Il n'y a vraiment à pardonner que la faute que je ne peux pas vouloir avoircommise, que la faute que je ne peux pas vouloir partager avec le coupable, qui semble même couper le fautif dureste des hommes, l'exclure définitivement. On ne pardonne vraiment donc que ce qu'on ne peut pas justifier, ce qu'on ne peut que renoncer à vouloircomprendre.

Comprendre pourquoi il a fait ça nous donnerait d'autant plus de raisons pour ne plus jamais pouvoirpardonner.

Ne pardonner que ce qu'on peut comprendre, ce n'est qu'excuser, ce n'est pas pardonner. On ne pardonne donc vraiment que ce qui nous semble incompréhensible.

Est-ce que cela veut dire que le pardonest un acte irrationnel, qu'on pardonne là où la raison nous dit de ne pas pardonner? Pour répondre, il faut essayer de comprendre ce que c'est que le pardon en lui-même.

Non plus comprendre pourquoipardonner, mais comprendre ce que veut dire pardonner. DEUXIÈME PARTIE: le pardon miraculeux Y a-t-il des conditions pour pardonner? Le paradoxe du pardon, c'est qu'on ne pardonne que ce qui nous semble à première vue impardonnable.

Le pardonen est-il pour autant un acte irrationnel? Il semblerait plutôt qu'il est un miracle, qu'il vient comme une grâce. Par exemple, il se peut qu'on veuille pardonner une offense, et qu'on sente bien qu'on a beau s'efforcer, on n'y. »

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