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Faut-il rompre avec le passé ?

Publié le 18/09/2005

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Sommes-nous esclaves de notre passé, c'est-à-dire de la dimension du temps écoulé, envisagé dans son irréversibilité irréductible ? Voici un intitulé qui nous questionne sur notre rapport à ce qui fut nôtre, sur la relation à ce qui n'est plus et semble ainsi s'imposer à nous. On remarquera que la question surgit de la définition même du passé. Si notre passé est un donné irréversible, un irréductible, comment n'en serions-nous pas esclaves ? Le passé n'est-il pas un en-soi ? un donné figé ?  Le questionnement est inscrit dans la question : le passé, un donné ou un choix ? D'où vient la force de ce donné, force qui semble m'emprisonner et me lier ? Ce donné ne serait-il pas irrémédiable ? Et s'il constituait un « en-soi « figé et immuable ? Un « en-soi « réel ou bien un projet issu finalement de ma liberté ? Le problème est le suivant : même au sein de ce passé qui semble irréductible et irrémédiable, expérimentons-nous le temps ouvert d'un projet nous faisant sortir, par anticipation, de tout « en-soi « ? En bref, le passé se donne-t-il dans l'anticipation du futur ou nous maintient-il dans une fermeture radicale, loin de tout projet, de toute marche en avant de la conscience ? Faut-il rompre avec le passé ?  L'enjeu n'est-il pas évident ? Selon la réponse apportée, nous saurons que nous vivons dans l'inertie figée de l'en-soi ou dans le temps ouvert de l'existence, d'où des conséquences pratiques : n'agirons-nous pas différemment en fonction de l'irrémédiable que semble constituer le passé ou bien dans l'optique d'une existence ouverte ?  

« caractère irréductible, définitif.

Le temps nous fait découvrir ainsi notre impuissance : la temporalité échappe à nosprises.

Je ne recommencerai pas ce qui fut.

Le passé se donne à nous comme ordre qui s'impose et que nous nesaurions effacer.

Comment n'en serions-nous pas prisonniers ? Si l'espace est marque de ma puissance, le temps estmarque de mon impuissance, disait Lagneau.Irréversibilité, figé, irrémédiable, le passé se donne comme ce devant quoi je ne puis rien.

Il désigne, à première vue,une réalité statique, un « en-soi », un ordre immobile en le quel je suis enfermé.

Le « pour-soi », c'est la vie, lemouvement de la conscience.

L'en-soi, c'est l'immobilité, le réel clos sur lui-même.Mais, à ces notions d'irréversibilité et d'en-soi, se surajoute celle d'inconscient.

Je ne suis pas totalement conscientde mon passé, qui m'échappe ainsi en partie et dont je semble prisonnier.

Je suis en un lieu obscur, en desprofondeurs qui m'échappent, en une forêt ténébreuse, coupé de moi-même et de mes premiers itinéraires.

Mapréhistoire ne m'appartient pas.

Oui, je suis séparé de moi-même.

C'est ce que nous a appris Freud : selon uneformule célèbre, le moi n'est pas maître dans sa maison.

A travers le passé, l'esprit touche aux limites de lui-même.En somme, mon passé signifie irréversibilité, mais aussi dépossession.

Le sujet ne se maîtrise pas et ne maîtrise passon passé, dont il est alors le prisonnier.

En ce temps aliéné, le passé échappe au sujet, englué dans un sens qui luiest étranger.

« Le moi en est réduit à se contenter de renseignements rares et fragmentaires sur ce qui se passe,en dehors de sa conscience, dans sa vie psychique.

» (Freud in « Introduction à la psychanalyse »).

L'idéed'inconscient conduit à montrer que le moi n'est pas maître dans sa propre maison.

L'homme, pris et englué dans unpassé et un ensemble qui le dépassent, est ainsi prisonnier de ce qu'il fut.

Les vraies significations sont inscrites enun « ailleurs » révolu.

Telle est la contrainte du temps.« En-soi », inconscient : comment se manifestent ces différentes marques du passé ? Elles se traduisent par unvéritable déterminisme qui commande, contre ma volonté et mon désir, mon présent et mon futur.

Si le premiers'appuie sur des événements parfaitement connus (mon cursus scolaire détermine mon métier, par exemple), lesecond se manifeste à mon insu, mais suivant des règles précises qui m'enchaînent.

Je semble donc bien prisonnierde mon passé.Toutefois, ces différents thèmes posent problème.

Qu'en est-il, tout d'abord, de cette notion de contrainte dutemps ? N'existe-t-il pas un passé assumé et compris ? L'ordre rigide ou ténébreux de l'inconscient qui semble fairede moi un prisonnier ne pourrait-il être « récupéré » en une présence transparente et déchiffrée ? B) Nous ne sommes pas prisonniers de notre passé : le passé peut-être compris et maîtrisé. Notons, en effet, tout d'abord, que la redécouverte du temps réel et du passé vrai peut s'opérer par le travailanalytique.

Le passé n'est pas aussi figé qu'il y paraît.

Loin d'être fixée en un moment révolu, la conscience est dansune certaine mesure, capable, par le dialogue psychanalytique, de se retrouver et de retrouver son passé.

Egaréedans un univers temporel qui lui échappe, enlisée dans un temps opaque, la conscience peut accéder à ce qu'ellefut.

Le rôle de l'analyse n'est-il pas de permettre à la conscience de se dégager d'un passé opaque et d'accéder àune connaissance neuve ? L'histoire et le temps cessent alors d'être pétrifiés.

Le passé reprend sa pleinesignification.

Le présent intègre des richesses anciennes et le sujet n'est plus prisonnier de son passé.

La contraintedu temps oublié cède la place à une temporalité ouverte.

Au Destin succèdent la liberté et la compréhension, àl'opacité, le temps maîtrisé.

La « cure analytique » a pour sens de transformer l'opacité en transparence, dedésaliéner le temps du sujet, d'opérer une prise de conscience, d'éclairer les avenues mystérieuses du passé (cf.cours sur l'inconscient). La conscience et le temps maîtrisés, le passé dévoilé, l'inconscient interprété, que signifie cet ensemble, sinon quele sujet cesse d'être prisonnier de son passé ? Si le comportement humain relève d'un déchiffrement, d'uneherméneutique, alors le passé peut s'ouvrir à la liberté.

Aux prises avec une opacité, le sujet retrouve latransparence d'un passé maîtrisé, compris, intégré dans une histoire.Néanmoins, le passé peut se découvrir à nous, plus profondément, comme sens et liberté.

Comment retrouver unetransparence encore plus fondamentale ? C) Le passé est projet. Le passé serait-il vraiment l'en-soi de l'homme ? Ne saisissons-nous pas en lui autant de possibles qui lui donnentsens et nous interdisent d'affirmer que nous en sommes prisonniers ? Figé, irrémédiable, statique, « en-soi » ? Lepassé n'est pas seulement cela et il n'y a rien d'évident en ces analyses.

Tout au contraire, le passé ne m'enfermepas toujours.

Ni clos, ni immuable, ni figé : tel est notre passé, jamais terminé, jamais achevé.

A chaque instant,quelque chose de neuf le fait vaciller et trembler ; notre liberté inscrit en lui ses mille possibles : comme le montreSartre, le passé est projet.

En se jetant en avant d'elle-même, vers le futur, la conscience « néantise » le passé,elle s'anticipe, elle décide de la signification du passé.

En se projetant vers ses buts et ses fins, elle choisitlittéralement le passé.

Ainsi, on ne saurait affirmer que j'ai un passé et, par conséquent, que j'en suis prisonnier.

Lesjeux ne sont jamais faits ! Car, loin de subir mon passé comme un état de fait, je puis le transformer, lemétamorphoser, le réviser.

Je dépasse mon passé en le vivant.

Je ne reçois pas mon passé, mais je le crée.

Prenonstel fait brut en lui-même, un vieux désir, une haine très ancienne.

Certes, ils peuvent apparaître une « manière pure» du souvenir.

Mais que signifie cette « matière pure » ? Un projet l'ordonne et lui donne sens.

Dès lors, loin d'êtreprisonnier de mon passé, je le refais à chaque instant, je le recrée dans ma haine présente.

Je remets en questionet restructure une situation, un sens, une signification, des fins parfaitement mobiles.

Où est cet « en-soi » quim'immobiliserait, où je serais enlisé, piégé ? Où est cet irrémédiable ? Il n'y a pas d'irrémédiable, mais un acte deliberté permanent.

A chaque instant, je m'efforce de décider de ce que je fus, qui reste totalement ambigu,équivoque, insaisissable.

La valeur absolue du passé dépend de mes anticipations actuelles.

Loin de me dominer, deme piéger, le passé glisse vers mes propres fins qui lui donnent sens.

« Qui peut décider de la valeur d'enseignement. »

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