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Gagne-t-on sa vie en travaillant ?

Publié le 19/09/2005

Extrait du document

Cette réponse économique aux problèmes biologiques est déjà morale et Hésiode a fondé dans Les Travaux et les Jours une sagesse de bon sens sur ce concept de travail. Le travail est une activité Le travail relève de la sphère économique de la production des biens utiles qui répondent à une demande. S'il est question de gain ou peut-être de perte à propos du travail, ce ne sera pas dans le même sens que pour le jeu. Que je gagne ou que je perde en jouant, l'enjeu est déterminé par ma seule volonté ; en revanche, en travaillant, l'enjeu, c'est ma vie. Ainsi, en travaillant, je gagne ma vie dans le sens où au quotidien, le travail répond aux problèmes biologiques et matériels que la vie me pose et m'impose de résoudre : me nourrir, me loger, me vêtir... En travaillant, je gagne les moyens de vivre car la vie qui a été une lois donnée doit être entretenue. Le travail est une réponse économique à un problème biologique : la conservation de soi. Il apparaît alors comme un remède pour satisfaire les besoins les plus élémentaires de l'homme.En permettant à l'homme de gagner sa vie, le travail le libère des contraintes biologiques c'est une première forme de libération, le premier moment de la liberté qui s'affirme comme indépendance. En travaillant, je gagne ma vie qui devient vraiment mienne parce que je l'assume.

Pourquoi travailler ? Pour gagner sa vie. Cette justification économique du travail, pour être évidente, rend-elle compte du travail dans sa réalité et dans sa vérité ? Car si je gagne ma vie en travaillant, en travaillant, est-ce que nécessairement je rie la consume pas aussi, dans le sens où tout travail serait d'abord inévitablement une dépense d'énergie vitale ? Gagner sa vie tout en la perdant, c'est ce paradoxe que nous invite à penser la réalité du travail dont l'enjeu sera finalement soit l'aliénation, soit la réalisation de soi.

« Ce moyen se matérialise par le revenu.

Donc, ce n'est pas tant l'acte en lui-même qui me permet de gagner ma vieque ce qui en résulte : je gagne ma vie en gagnant un revenu.

En conséquence, « gagner sa vie » ne définit pasl'essence du travail mais propose une justification externe du travail comme moyen en vue d'une fin. Que fait-on exactement en travaillant ? Est-ce qu'on ne mets pas sa vie au service d'un autre pour être rémunéré ?Ne faudrait-il pas dire alors, que pour gagner sa vie, il faut, paradoxalement, commencer par la perdre en travaillant? Deuxième partie: Le travail, considéré en tant qu'acte, est un processus dévorant de consommation.

Qu'il soit manuel ou intellectuel,salarié ou libéral, le travail est toujours une dépense d'énergie vitale.

Le revenu se justifie alors par rapport à cetteperte de vitalité comme ce qui doit permettre à l'homme de reconstituer « sa force de travail ».

Marx, analysant plusspécifiquement le travail salarié, définit « la force de travail ».

C'est « leurs bras et leurs cerveaux agissants oul'ensemble des facultés physiques ou intellectuelles qui existent dans le corps d'un homme » (Le Capital, t.

I).

Ceque je gagne, c'est d'abord ce que j'ai accepté de perdre en travaillant.

Le travail comme activité serait alors plusde l'ordre de la perte que du gain.

Je perds mon autonomie en me soumettant à des lois qui ne sont pas les miennes: le lieu et le temps de travail sont imposés aussi bien aux salariés qu'aux patrons, lesquels sont soumis aux lois dumarché (rendement et rentabilité entre .

autres).

Le travail est donc une activité prescrite et contraignante quiimpose d'investir son énergie.

Marx a analysé de manière pertinente le processus de production en le pensant enmême temps comme un processus de consommation.

Produire, c'est consommer et consommer, c'est produire. En travaillant, l'être est soumis aux règles du paraître, comme ce garçon de café que décrit Sartre dans L'Être et leNéant, qui joue à exercer de son mieux son activité de garçon de café alors qu'il n'est pas garçon de café :travailler, c'est jouer avec sa condition.

En travaillant, je perds mon être en assumant, tel un acteur, un rôle, unefonction dans la société. En me libérant des contraintes biologiques, le travail peut, dans certaines conditions, m'aliéner.

Cette aliénation .est plus ou moins grande.

La tragédie de l'aliénation que décrit Marx est celle de l'ouvrier en usine au XIX siècle.L'ouvrier gagne sa vie en perdant son humanité, car le travailleur se vend au propriétaire des moyens de production(les machines, les outils, les bâtiments...).

L'ouvrier ne vend pas directement un produit mais se vend lui-mêmecomme une marchandise : il se fait chose dans un processus de déshumanisation où il devient esclave d'un autre ense vendant pour sa subsistance. A cette première aliénation du travailleur s'ajoute l'aliénation de l'activité laborieuse elle-même.

Avec ledéveloppement de l'industrie, l'homme devient esclave des machines, devant se soumettre à la cadence de lamachine.

Cette soumission à la machine fait perdre à l'homme son âme tel Charlot qui, dans Les Temps modernes,finit par n'être plus qu'un corps, une matière étendue qui se meut sans pouvoir penser.

Le travail aliéné, en faisantde l'homme un esclave et une machine, lui fait perdre ainsi son humanité. Si gagner sa vie en travaillant, c'est perdre de son énergie, de son être et de son humanité, peut-on encoreconsidérer que travailler, c'est gagner sa vie ? Si oui, quel genre de vie gagne-t-on ? Troisième partie: Gagner sa vie, en perdant son humanité, c'est réduire la vie à son sens biologique.

Une telle réduction retire à la viesa dimension spirituelle qui est le privilège de l'homme par rapport aux autres vivants.

C'est pourquoi Aristoteconsidérait le travail comme une servitude qui ne pouvait convenir aux hommes libres mais seulement aux esclaves.Dans l'Antiquité, l'oeuvre de l'homme n'est pas conçue sur le mode du travail mais sur celui de la réalisationrationnelle de sa vie.

Gagner sa vie, c'est la parfaire.

Le loisir désigne alors parfaitement cette activité par laquellel'homme gagne sa vie en .

accomplissant son oeuvre, en se cultivant, en développant sa .

faculté la plus noble et laplus humaine, la raison dans des activités politiques, morales ou philosophiques.

Or, n'est-ce pas là encore un travail? Un travail de soi sur soi ? Le travail moderne ne peut-il pas être pensé dans cette perspective de l'excellence ? Kant a montré qu'« il est de laplus haute importance que les enfants apprennent à travailler » (Anthropologie d'un point de vue pragmatique), carle travail, n'est pas contre nature, mais culture de sa propre nature.

Grâce au travail, je développe mes facultésintellectuelles et manuelles en extériorisant des potentialités, lesquelles autrement resteraient non exploitées.

Quandla danseuse travaille ses pointes, elle se perfectionne et s'améliore.

Ce qu'elle gagne en travaillant, c'est sa vie entant qu'elle est réalisation d'un projet.

Quand Marx définit l'essence du travail, il en fait une activité consciente parlaquelle l'homme réalise concrètement un projet.

« Ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte (le l'abeillela plus experte, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche » (Le Capital, I).L'essence du travail est donc la réalisation d'un projet, et dans cette optique, le travail aliéné ne petit être qu'uneperversion de la nature même du travail.. »

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