Georg Christoph Lichtenberg (Dates)

« Georg Christoph Lichtenberg contre les failles de la raison a Raison, pierre de touche des Lumières, peut-elle déraper? Et dans ce cas, comment la remettre sur la bonne voie? Il revint à un professeur de physique expérimentale à l'université de Gôttingen, Georg Christoph Lichtenberg (1742-1799), de répondre à cette question.

Ce dernier s'inscrit dans le mouvement caractéristique de l'esprit des Lumièreset de ses charges contre les préjugés, l'ignorance et le fanatisme religieux.

Dans sa jeunesse, il avait souffert d'unegrave maladie de la colonne vertébrale qui l'avait laissé bossu, et il devait son ascension sociale à son intelligence etaux idéaux scientifiques propres aux Lumières allemandes, dont il représente sans doute le type le mieux accompli.

Ilne faut donc pas s'étonner de son combat contre l'un des best-sellers de la fin du xvin e siècle, la Physio- gnomonie de Gaspard Lavater (1741-1801), publiée de 1775 à 1778. Du corps à Pâme.» Cet écrivain suisse allemand prétendait que dans la forme de la tête ou encore dans les traits du visage, il était possible de retrouver les signes certains pour interpréter la nature de l'intelligence ou dutempérament des hommes.

Pour cette soi-disant science, nommée physiognomonie, la forme du front donnerait desindices quant à la qualité de l'intelligence, celle du nez dénoterait le caractère moral de l'individu.

..

et les défautsspirituels de l'homme devaient selon lui se traduire par des défauts analogues du corps.

Or, quelle partie du corps devait le mieux exprimer le rapport entrela nature spirituelle de l'homme et sa nature charnelle? Lavater Au lieu de déduire des qualités morales des visages humains, Lichtenberg le fit à partir de queues d'animaux ! concluait qu'il s'agissait du visage.

Homme contrefait et de santé fragile, mais doté d'une âme olympienne,Lichtenberg devait nécessairement combattre la physiognomonie ! Son arme fut l'humour.

Éditeur d'un almanach trèsdiffusé, qui s'adressait tant aux têtes les mieux faites qu'aux esprits les plus humbles, il ne manqua jamais uneoccasion de dénoncer les méfaits des préjugés de toutes sortes.

Le rire et le ridicule lui apparaissaient offrir d'aussibons résultats que de longues et ennuyeuses dissertations à l'heure de combattre les idées reçues et les partis pris.Ce qui n'exclut pas le sérieux : Lichtenberg suivait toujours scrupuleusement la logique de son adversaire, de façonà ce que les démons de l'obscurantisme apparaissent inévitablement.

C'est ainsi qu'il écrivit, en 1777, une «Contribution aux fragments physiognomoniques de Lavater » dont est extrait le texte ci-contre.

Mais au lieu dedéduire des qualités morales des visages humains, il le fit à partir de queues d'animaux! Inférer les caractères à partir des traits du visage n'est-ce pas comme vouloir déduire les bossus des chameaux, ou bien tenter de dessiner le visage de gens à partir du sonde leur voix? La dénonciation de Lichtenberg témoigne d'un fait : les Lumières n'étaient pas exemptes de zones d'ombres dansleur recherche parfois excessive de rationalité.

Leur combat pour la raison éclairée était de longue haleine, et il n'estpas certain qu'il soit terminé, même à notre époque.

Qu'il suffise de penser à la place qu'occupe ce que l'on appellepudiquement aujourd'hui le « profilage Le combat des Lumières pour la raison éclairée était de longue haleine, et il n'est pas certain qu'il soit terminé. racial », par lequel sont « filtrés » en toute illégalité les individus en fonction de leurs traits corporels, de leurappartenance supposée à une ethnie ou même à une religion...

Le bossu de Göttingen appelle nos esprits à lavigilance : son humour caustique a le mérite de nous prémunir contre le pouvoir des pseudosciences.. »