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Goethe a dit : « Avec Voltaire, c'est un monde qui finit ; avec Rousseau, c'est un monde qui commence. » Est-ce parfaitement juste ?

Publié le 30/03/2009

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Début. — Voltaire et Rousseau se partagent pour ainsi dire leur siècle'. Aucune œuvre plus importante que la leur, ni qui ait exercé une plus forte influence sur leur siècle et même sur le XIXe.

  • 1. Les deux hommes.

 Leur rivalité.  Principales oppositions : origine, éducation, tempérament, existence. Voltaire, doué d'une intelligence prodigieusement vive, curiosité universelle; Rousseau est tout imagination et sensibilité, esprit hardi mais peu sûr.

  • 2. Les doctrines et les œuvres.

 Voltaire : variété et parfois contradiction de ses opinions. Cependant quelques constantes se dégagent :  son idée de la nature humaine est pessimiste, mais il croit au progrès, au bienfait des arts, des lettres et des sciences; en politique, il se méfie du peuple et voudrait gouverner par une élite; en religion, il est déiste par la raison.  Rousseau est profondément révolutionnaire : idée essentielle : l'homme naît bon, la société le déprave; retour à la nature : c'est le fond de tous ses livres : en religion, il est déiste par le cœur.

  • 3. En art, même opposition. La phrase de Voltaire, vive, alerte, instrument de combat, brille d'esprit, symbole de la clarté française. La phrase de Rousseau est chargée d'images et rythmée. Il inaugure par les thèmes et par le ton le lyrisme moderne.

 Conclusion. — Deux écrivains de combat; ils s'adressent à l'Europe entière, sont la voix de leur siècle, ont préparé la Révolution française. Mais l'influence de Rousseau se prolongera davantage : il est l'ancêtre du romantisme.

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« de la sécheresse du coeur.Chez Rousseau, plus de sensibilité nerveuse que de vraie puissance affective (goût des larmes), une intelligencehardie mais un jugement peu sûr, une imagination puissante qui égare l'esprit dans les utopies; le « cœur », au senspascalien, est sensible aux beautés dé' la nature, au mystère des choses; Rousseau a l'instinct religieux.

Si Voltaireest vaniteux, Rousseau, n'a que de l'orgueil; il est désintéressé, ses goûts sont simples, sa vie frugale, mais elle seratroublée par son ombrageuse susceptibilité envers ses protecteurs, son moi s'exalte jusqu'à la folie, et il finit peut-être par le suicide.Les doctrines s'opposent trait pour trait, car, bien que Voltaire se contredise facilement sur des points de détail, onpeut dégager quelques constantes de son œuvre si diverse, à travers le « chaos » des opinions du moment.Idées morales, sociales et politiques : Voltaire accepte l'idée traditionnelle : l'homme n'est pas bon ; son pessimismethéorique s'accentue avec l'âge, l'expérience de la vie, l'étude de l'histoire universelle; le monde lui paraît, àcertaines heures, une maison de fous, et il bafoue les optimistes dans Candide avec une verve féroce.

S'il croit auprogrès (Essai sur les moeurs),son idée de l'amélioration du sort de l'humanité ne va guère qu'à espérer plus de bien-être matériel, une meilleure organisation des institutions, qui corrigent ou répriment la malice foncière des humains,dont témoignent les guerres, les crimes de l'intolérance et de la tyrannie.Rousseau affirme que l'homme naît bon et que c'est la société qui le déprave; avec celle-ci commence pour l'hommel'esclavage et la dégradation (Les deux Discours).Pour Voltaire, le progrès n'est possible que par une élite : les grands hommes, dont il apprécie justement le rôle dansl'histoire (Louis IX, Louis XIV), les.

esprits supérieurs dans les arts et les lettres, qu'il défend contre Rousseau parcequ'ils sont des civilisateurs; enfin, en général, la société éclairée, une aristocratie de l'esprit, où régneraient les «philosophes ».

Ce contre quoi il combat, c'est ce que son temps a d'irrationnel : la monarchie de Louis XV, ou ce quis'élève au-dessus de la raison : le dogme chrétien, l'Eglise catholique, qu'il juge ennemie des « lumières »; mais il nevise nullement à bouleverser de fond en comble la société et le rêve d'un retour à la nature primitive lui paraîtgrotesque et odieux.Rousseau est profondément révolutionnaire.

Toute une partie de son œuvre, la première surtout, les Discours, laLettre sur les spectacles, est consacrée à saper les fondements de la société et de la civilisation; la seconde àconstruire un nouvel ordre, sur l'idée du retour à la nature.

Mettre plus de naturel dans l'éducation, c'est l'Emile, plusde naturel dans la vie individuelle et domestique, c'est la Nouvelle Héloïse, plus de naturel dans « la vie civile »(nous dirions : sociale et politique), c'est le Contrat social.

Car la nature veut que les hommes soient libres et égauxdans la cité, libres dans l'amour, au sein de la nature, au lieu d'être contraints dans le mariage de convention etdans la vie factice des villes ; la nature veut que l'enfant soit libre dans le développement spontané de ses facultéset non jeté dans le moule des disciplines et des systèmes.En religion, Voltaire est un déiste, mais Dieu, pour lui, n'est qu'une idée, un « postulat », diront les philosophes,nécessaire pour expliquer l'ordre du monde et garantir l'ordre social.

(« Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer.

»)Cette abstraction reste sans influence sur sa pensée et sur sa vie.

S'il faut un Dieu rémunérateur et vengeur pourmaintenir « la canaille » et pour satisfaire la raison, Voltaire ne s'embarrasse point de cela pour faire la guerre auchristianisme, forme la plus pure de l'idée de Dieu, d'où est sortie toute cette civilisation qu'il prétend conserver :grave inconséquence.Rousseau est déiste d'une autre manière : il saisit Dieu par le cœur (voir Lettre à M.

de Malesherbes) et l'admiredans la nature (Profession de foi du vicaire savoyard) ; il reconnaît même, en lisant l'Evangile, la divinité du Christ,mais sa religion reste sentimentale et purement individualiste.Comme écrivains, le contraste de leur art n'est pas moins frappant.

La phrase de Voltaire, alerte, vive, dépouillée detoute rhétorique (du moins en prose), pétille d'esprit, brille de la netteté la plus élégante : c'est un instrument decombat merveilleux, elle devient le symbole de la clarté française.Rousseau revient à la phrase oratoire, à forme périodique du XVIIe siècle, dans la discussion et la démonstration;elle est chargée alors de tous les artifices de la rhétorique (prosopopées, antithèses).

Mais chaque fois quel'imagination et la passion sont en branle chez lui, sa phrase imagée et rythmée devient toute poésie : l'amour de lanature, la rêverie, l'exaltation du moi lui inspirent des accents tout nouveaux; il inaugure ainsi, tout à la fois,l'éloquence (et la grandiloquence), des orateurs de la Révolution et le lyrisme des romantiques.Si différents qu'aient été Voltaire et Rousseau, ceci les rassemble qu'ils ont eu le goût de leur siècle au suprêmedegré pour la littérature de propagande : un besoin incoercible de prédication, le sentiment qu'ils pensaient etécrivaient pour l'Europe entière, la prétention (assez fondée) qu'ils façonneraient par leurs écrits l'avenir.

En fait,leur esprit survit en de nombreux disciples, postérité qui se prolongera moins pour Voltaire que pour Rousseau (bienque le type voltairien ait régné jusqu'au milieu du XIXe siècle et ne soit pas encore complètement éteint en France)et qui, pour Rousseau, triomphera avec le romantisme.. »

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