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Heidegger et l'existentialisme

Publié le 02/04/2011

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heidegger
Les philosophies existentielles étudiées jusqu'alors ne traitent que de l'être authentique, de l'« Existenz « comme dit Jaspers. Elles sont des appels à l'irremplaçabilité, à l'unité de chaque être humain. Elles n'ont en vue aucune essence universelle de l'humanité, aucune vérité abstraite, aucune structure générale de l'existence, mais seulement chaque existence concrète, c'est-à-dire inexprimable, ce qui n'empêche toutefois pas ces philosophies de s'exprimer et même de se publier dans une langue admirable.  En philosophant sur ces faits individuels, qui devraient échapper à toute philosophie, Jaspers, dit M. de Waelhens, s'est laissé entraîner plus loin qu'il ne voulait; mais, ajoute-t-il, il se pourrait que Heidegger arrivât aussi moins loin qu'il ne l'espère, lui dont l'ambition est, pour ainsi dire, antithétique de celle de Jaspers, puisque tout en reconnaissant comme lui le caractère fermé et irrémédiablement unique de tout existant, il refuse de laisser considérer sa philosophie comme une philosophie de l'homme enfermé dans l'homme, et se soucie, au contraire, de parvenir à un dégagement de l'être en général. Selon sa propre expression, il se propose d'être un philosophe non pas existentiel, mais existential. Ainsi le mot existentialisme devrait-il dériver (à propos de Heidegger) de existentiel et non de existentiel. Malheureusement, il désigne indifféremment la pensée de Heidegger et celle de Jaspers. Du reste, ce n'est qu'un demi-malheur; car, si Jaspers a débordé dans l'existential par le seul fait qu'il s'exprimait (et pour tout le monde), Heidegger, tout en s'exprimant lui aussi, n'est guère parvenu au delà de considérations purement existentielles.

heidegger

« échappe à la plénitude du monde matériel que la science étudie, et il oppose au déterminisme des choses sa propreindétermination.

Il est un néant de loi et de certitude.

Il est ce par quoi le néant apparaît au monde.

L'être qui posele déterminisme ne peut s'inclure dedans.

Heidegger est le premier qui ait fait du « Néant », la structurefondamentale de l'être.

(Was ist Metaphysik ?, 1932). On pourrait définir l'être humain ainsi : il est l'être qui sécrète son propre néant ou, ce qui revient au même, « il estun être libre ».

On exprime quelquefois cela en français en disant (cf.

Sartre) que le Dasein est le seul être chez quil'existence précède et crée l'essence.

Cette formule n'est d'ailleurs pas très heureuse, car il est bien difficiled'appliquer le mot « essence » à l'être humain.

Ce mot « Essenz » se trouve très rarement chez Heidegger, c'estplutôt le mot allemand « Wesen » qui serait l'équivalent du mot essence; l'essence se définirait alors par cetteformule de Hegel : « Wesen ist was gewesen ist » (mot à mot : Etre, c'est avoir été), c'est-à-dire l'essence del'homme, c'est ce qu'il est à l'heure de sa mort.

Chacun n'est que sa biographie, dit Nietzsche dans Humain, trophumain; « Tu n'es rien autre que ta vie », dit Sartre, dans Huis-Clos. L'Etre humain n'est pas une essence, puisqu'au contraire il se penche sur cet avenir qu'il n'est pas encore; il est unprojet: il n'est donc jamais fini, il est une continuelle imperfection, sauf à l'heure de sa mort, où il cesse justementd'exister sur le mode du Dasein. Le Dasein est donc nécessairement imparfait parce que libre, il ne peut pas être un tout achevé et cetteimpossibilité de se saisir complètement semble miner l'espoir de toute ontologie « existentiale ». La possibilité ultime de l'homme, c'est sa mort.

Et c'est parce que l'homme sait qu'il meurt qu'il est libre. Pour Heidegger, l'homme n'est vraiment libre, et n'assume sa liberté authentiquement que devant la mort (Freiheitzum Tode).

La mort est la possibilité la plus personnelle, la plus insubstituable qui soit en nous, celle qui enfermenotre individu.

L'homme meurt seul.

Mais, en même temps que, selon le mot de Malraux, elle transforme la vie endestin, la mort lui retire toute valeur possible, puisque finalement, à cause d'elle, tout s'effondre dans le néant.

Iln'est pas de construction intellectuelle, d'acte sublime qui ne s'anéantisse dans la mort.

Au moment où l'hommes'achève (cesse d'être imparfait), il ne vaut plus rien puisqu'il est fini.

Et c'est ici que surgit la conséquencepessimiste de l'athéisme de Heidegger : la mort, qui est la fin de tout, consacre le caractère absurde de la vie; car,non seulement elle dévalorise tous les héroïsmes et désagrège tous les actes sublimes, mais encore, souvent, elleles prive des fins auxquelles ils tendaient.

Elle ne vient pas à point, elle n'achève pas la vie, elle la termine, elle enfait un sac fermé où gisent pêle-mêle des ébauches toutes inachevées, elle vient toujours trop tôt ou trop tard. Aussi l'homme supporte-t-il mal la pensée de la mort. Il préfère se la dissimuler ou installer son individu dans une fonction abstraite qui l'éternise.

Le « Je » est mortel,mais le « on » est immortel.

L'homme se transforme en « on ».

Il se démet de sa personnalité propre pour vivre surle mode impersonnel du « n'importe qui ».

Il assume une tâche où il est remplaçable à merci, il devient un pion dansle système social, une fonction vidée de son individu.

A chaque pas, les pancartes, les feuilles d'impôts, lescirculaires le transforment en «on» (voyageurs munis de billets, vœux des fonctionnaires, fumeurs, etc.) Ce mode d'existence, que Heidegger dénomme «L'INAUTHENTIQUE», dispense l'homme de la pensée de sa mort, enle noyant dans la banalité quotidienne y et en lui laissant l'impression d'une occupation sérieuse et intéressante.

Iln'a même plus à se choisir, les pancartes et les « devoirs » à remplir s'en chargent pour lui.

N'ayant plus à choisir, ilignore toute angoisse, il atteint à la tranquillité des choses, et se voit justifié d'exister. Car l'angoisse n'a lieu que devant un choix; elle est cette tonalité affective (Stimmung) de l'homme devant l'infinité des actions possibles qu'il peut accomplir.

On sesouvient des descriptions de Kierkegaard dans le concept d'angoisse : Adam devant la possibilité de son péché.L'angoisse est essentiellement le sentiment que l'homme prend qu'il est le seul auteur possible de son avenir, et quecet avenir doit être construit.

Il n'a pas la possibilité de s'arrêter dans son présent comme Méphisto le propose àFaust, il doit continuer, il est obligé d'aller au delà.

Comme dit Sartre, il est « condamné » à être libre.

Aussi l'hommefuit-il son angoisse, comme il fuit la pensée de la mort.

Selon Heidegger, il est fréquent que l'homme se débarrassede l'angoisse, en la faisant dégénérer en peur.

Ma peur est une angoisse objectivée tandis que mon angoisse estessentiellement angoisse devant moi; la peur a toujours lieu devant un objet extérieur : le précipice, les bombes,etc.

Et plutôt la peur que l'angoisse ! Il s'agit de fuir à tout prix le vide de soi-même, quitte à rencontrer un mondeplein (de dangers peut-être, mais plein). Seul, l'homme qui ne fuit pas son angoisse, et n'anéantit pas §a personne dans l'inauthenticité du ON, est digned'être appelé libre.

Cette authenticité dans la liberté acceptée, cette existence résolue (Entschlossenheit) est, àpeu de choses près, ce que Jaspers, lui, appelle Existenz.

L'homme assume son existence dans un caractère unique,irremplaçable et mortel.

Il reste seul devant sa liberté et devant sa mort.

Ma mort est mon seul acte authentique,parce que personne ne peut se substituer à moi (le on ne meurt pas).

Je ne suis donc authentiquement libre quedevant ma fin (sein-zum-Tode : être pour la mort).

On reconnaît ici une idée très ancienne, puisqu'elle est déjà lesujet d'Alceste d'Euripide, très répandue également dans les littératures nordiques, chez Dostoïevski, chez le DanoisJacobsen pour qui elle représente aussi la possibilité la plus haute de l'homme (la difficile mort, c'est le dernier motde Niels Lyhne), chez Rilke qui n'est jamais longtemps sans y faire allusion et à qui elle a inspiré les pages les plus. »

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