Heidegger : « la science ne pense pas »
Publié le 28/04/2013
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Si comme le déclare sans ambages Heidegger : « la science ne pense pas « que fait-elle réellement ? La sentence est doutant plus troublante, pour ne pas dire provocatrice, en ce que pour nous la science en tant que telle est la rationalité par excellence. Non seulement le savoir scientifique penserait, mais elle penserait efficacement. N’est-ce pas la science qui autorise les transformations les plus spectaculaires et les plus probantes en améliorant notre vie quotidienne ? Et s’il est vrai que « la science ne pense pas « quelle modalité de connaissance peut penser ? Par ailleurs, pourquoi parler de « science « au singulier alors qu’il est un fait qu’il existe au moins deux registres scientifiques : les sciences exactes, les sciences humaines qui elles-mêmes se déclinent en spécialités diverses.

«
physique sans questionner ce qui se tient à son fondement ? Mieux, la physique se déploie sur fond d’un
impensé de ses concepts nodaux qui ne relèvent ni d’une déficience des scientifiques , ni à l’obscurité de
son objet d’étude, mais en vertu de ses « méthodes ».
Dans une certaine mesure la science et
principalement la physique comme archétype de tout savoir scientifique s’exerce sur le mode de la
méthode expérimentale.
La constitution des faits, l’élaboration d’hypothèses et la vérification détourne
toute possibilité d’un retour sur elle -même.
En clair, la science ferait de la science sans même « savoir »
ce qu’est la science ! Comment au demeurant, pourrait -elle soumettre le concept de « science » a un
protocole expérimentale ? « Je ne peux pas dire par exemple avec les méthodes de la physique, ce qu'est la
physique.
» Si la conception de la « physique » échappe nécessairement à la méthodologie de la physique,
il revient alors à la méta -physique de penser ce qu’elle n’a pu penser.
Sans atténuer la violence de sa
position, Heidegger propose deux explications qui donnent sens à sa proposition initi ale : l’essence de la
science, c’est -à -dire ce qu’est une science en tant que science n’appartient pas à la science, en effet, celle-
ci ne peut opérer un retour à ses propres fondements qu’en renonçant à faire de la science au risque de
verser dans la métaphysique.
Heidegger ne porte donc pas un grief, une accusation contre la science, bien
au contraire, il en appelle à l’urgence de questionner les conditions de possibilités de la science en tant que
science.
Par ailleurs, ce n’est ni lacune ni défaut si la science se tient dans l’incapacité de s’interroger sur
son essence, car celle- ci ne peut appartenir qu’à la méta- physique, pour autant que le fondement de la
science n’est pas scientifique, mais philosophique.
La tâche du questionnement de la nature de to ut savoir
scientifique relève donc de la seule philosophie.
Qu’ent endre par penser ? En un sens large, la pensée est une activité psychique consciente d’elle-
même.
Elle se donne avant tout comme réflexion, retour de la pensé e sur elle -mê me.
Mais ici Heidegger
se situant sur un plan rigoureusement philosophique, propose une nouvelle approche de la pensée.
Penser,
c’est questionner, interroger les concepts fondamentaux en l’occurrence ceux de la science.
N’oublions
pas qu’au début du XX
e siècle, la scie nce traverse une « crise » dans l’ordre de ses fondements.
Cette crise
du savoir scientifique se situe principalement à deux niveaux : la science ne sait plus ce qu’elle fait.
La
géométrie euclidienne n’est plus qu’une géométrie parmi d’autres.
En physique , apparaît le « principe
d’incertitude » de Heisenberg, en logique, le trop cél èbre thé orème de Gö del déstabilise sa fondation.
Mais cette crise touche en priorité la physique : nous ne savons plus ce qu’est l’espace, le temps, le
mouvement.
Or la physique comme outil et méthodologie d’ investigation de la matière verse dans
l’impasse.
Heidegger prend ainsi acte de l’éc roulement de la science de l’aveu même des scientifiques.
Cette crise requiert un ré examen du socle sur lequel la sc ie nce s ’édifie.
Reprenant la pensée d’Ari stote qui
distingu ait la « philosophie seconde », c’est-à -dire les sciences expérimentales, d’une « philos ophie
première », ce que nous nommons la métaphysique, mé ta- signif ia nt ce qui est au -delà, ce qui vient après
la constitution des sav oirs de la nature.
Heidegge r replace ces savoi rs de la nature à leur place en rappelant
que la conna issance scientifique ne serait ainsi, au mieux, qu’ un savoir ontique, mais en aucun cas une
ont ologie, dont la vocation relève d’une prétention de la pensée à penser l’être comme être.
En effet,
l’ontique porte sur les étants, c’est -à -dire sur les choses, mais les étants ne se manifestent que dans
l’horizon de l’ontol ogie ou métaphysique qui se rapportent au dévoilement de l’être que la science ne peut
penser.
C’est dire que non seulem ent les objets scientifiques supposent une détermination qui ne peut
qu’échapper à la science, mais que la science elle- même ne peut se retourner sur elle -mê me pour penser
son essence.
Penser, c’est penser l’être en tant qu ’être.
C’est ainsi penser l’être de l’étant, de tous les
étants.
Car si la science est un mode de connaissance, ce dernier ne peut s’orienter qu’en direction des
é tants dans l’oubli de l’être.
L’ê tre comme être est alors la condition de possibilité de tout savoir.
Aussi
pour reprendre l’exemple qu’il fournit, la physique entendue comme étude des lois de la nature oublie en
raison mê me de ses méthodes que le grec P husis doit se comprendre initialement comme « être en.
»
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