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Hobbes, Léviathan, 1651, Chapitre 4: Le langage

Publié le 28/01/2013

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Hobbes et le langage

 

« L’usage général de la parole est de transformer notre discours mental en discours verbal, et l’enchaînement de nos pensées en un enchaînement de mots ; et ceci en vue de deux avantages : d’abord d’enregistrer les consécutions de nos pensées ; celles-ci, capables de glisser hors de notre souvenir et de nous imposer ainsi un nouveau travail, peuvent être rappelées par les mots qui ont servi à les noter ; le premier usage des dénominations est donc de servir de marques ou de notes en vue de la réminiscence. L’autre usage consiste, quand beaucoup se servent des mêmes mots, en ce que ces hommes se signifient l’un à l’autre, par la mise en relation et l’ordre de ces mots, ce qu’ils conçoivent ou pensent de chaque question, et aussi ce qu’ils désirent, ou qu’ils craignent, ou qui éveille en eux quelque autre passion. Dans cet usage, les mots sont appelés des signes. «

 

Hobbes, Léviathan, 1651, Chapitre 4, Folio essais, pp. 97-98.

Qu’est-ce que perler veut dire ? Quels sont les rapports entre le langage et la pensée ? Parler, est-ce faire un usage personnel d’une langue commune ? Les mots lors de la manifestation de la pensée et des sentiments ne les trahissent-ils pas. ? Si oui, comment peut-on le savoir si ce n’est par les morts eux-mêmes ? Pour Descartes, la parole est le propre de l’homme, seul l’homme parle car seul l’homme pense. Il y a donc un lien étroit entre la pensée et la parole. Mais quelle est donc la nature de ce lien ? Hobbes s’attache à l’explicitation du discours humain et plus expressément à celle du langage ou de la parole puisque contrairement à nous il notabilité pas de distinction entre les deux. Pour nous le langage est la faculté d’exprimer verbalement nos pensées alors que la parole se définit comme l’acte individuel par lequel s’exerce la fonction du langage. Mais pour le penseur anglais interroge la nature et la fonction du langage  dans sa double dimension globale et individuelle. Ainsi, langage et parole ne font qu’un.

            Pour Descartes, les mots ne sont que le véhicule de la pensée, pour Hegel, il en soit la condition de possibilité. Les mots ne servent-ils qu’à extérioriser ou partager sa pensée, avant d’agir ou parler est-ce déjà agir ? Ce sont ces deux questions que Hobbes aborde, dans cet extrait du Léviathan. Il soutient qu’il y a deux usages « généraux « de la parole : un usage privé et un usage publique, qui donne une nature différente aux mots, puisqu’ils sont d’abord « marques « et « signes « quand nous parlons aux autres. Ces deux usages apportant à l’homme quatre pouvoirs exposés pour finir. En expliquant sa thèse et ses arguments, nous pourrons nous interroger sur ses éventuelles limites.

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« l'enchaînement des mots que les hommes ont établis arbitrairement pour signifier la succession des concepts de ce que nous pensons.

Ainsi, ce que le vocable est à l'idée ou concept d'une seule chose, la parole l'est à la démarche de l'esprit.

Et elle semble être propre à l'homme.

Car encore qu'il y ait des bêt es qui conçoivent (instruites par l'usage) ce que nous voulons et ordonnons suivant des mots, ce n'est pas Suivant des mots en tant que mots qu'elles le font, mais en tant que signes ; car elles ignorent quelle signification l'arbitraire humain leur a donn é.

Hobbes établit le parallèle entre l'élément du langage (« le vocable « ) qui exprime la notion générale correspondant à un seul objet (« L'idée, ou « concept d'une seule chose ») et le discours lié et organisé (« la parole ») qui manifeste la « démarche de l'esprit ».

Cette dernière expression désigne la manière de progresser et le cheminement de notre principe intellectuel.

De même que le vocable est attaché à un concept, de même la parole s'attache à un déroulement conceptuel, qu'elle exprime.

» Le premier usage de la parole est donc de passer d’un « discours mental » à un « discours verbal ».

On sortirait du silence de la pensée pour verbaliser celle- ci.

C’est ce qu’on appelle penser à voix haute.

Parler, ce serait extérioriser un discours dit pour soi-même mentalement.

Mais Hobbes décrit ce passage comme une « transformation », on passe d’« un enchaînement de pensées » à « un enchaînement de mots ».

L’enchaînement demeure donc mais les éléments sont autres : avant la prise de parole, « des pensées », après « des mots ».

Ce qui signifie donc qu’on penserait sans eux.

Mais peut -on penser en dehors des mots ? Peut-on parler sans se contredire d’une pensée silencieuse, d’un dialogue intérieur ? Hobbes ne s’attache pas à ces problèmes.

C ’est ce que confirme l’analyse des puissances des mots : ils permettent simplement d ’« enregistrer », de conserver dans le souvenir de ce qui a été pensé.

Ils le permettent en tant que « notes », « marques ».

Le mot est donc réduit à un moyen et un rôle mnémotechniques.

Les mots inscrivent la pensée.

Et on peut penser que le mot en associant à une idé e, chose immatérielle, un son, une association de sons articulés, cela va donner un support matériel à l’idée, et activer la mémoire sensorielle.

Parler, c’est agir, percevoir ce qu’on articule, l’action s’accompagne de conscience, la perception laisse une trace dans l’esprit qui associée à la pensée , permettra de se rappeler de cette dernière et évoquant l’état vécu.

On se rappelle ce qu’on fait, ce qu’on subit, plus que ce que l’ on a simplement pensé.

Les mots marquent l’esprit.

Les mots articulés permettent donc à la pensée d’exister pour nous, de manière matérielle, d’où mémorisation facilitée.

Cette mémorisation est présentée comme un avantage car elle permet d’avoir des sortes mécanismes mentaux, des enchaînements de pensées qu’on n’aura pas à refaire, grâce aux mots.

Mais les mots ne sont-ils que la mémoire de la pensée ? Relevons que pour Hobbes, la parole est le fait humain par excellence, qu'elle appartient à l'homme seul ement à lui.

On pourrait penser qu'une démonstration de cette dernière idée est inutile, puisque Hobbes vient d'établir que la parole est liée à une succession de concepts.

Or cette succession semble absente chez l'animal.

En bonne logique, l'animal ne pos sède pas la parole.

Néanmoins, Hobbes, très soucieux de logique, va souligner, à travers une démonstration, le privilège de l'homme et le ressort de privilège.

Il prend, en effet, en compte le fait suivant : il existe des bêtes brutes qui, dressées par l’h abitude, la pratique, la coutume « instruites par l'usage ») peuvent devenir capables d'agir selon nos mots, nos vocables, notre parole et nos ordres.

N'est -ce pas reconnaître, alors, que les animaux, eux aussi possèdent la parole et ont accès au sens des mots, au contenu intelligible du discours ? Quand j'appelle « Médor » ou « Ulysse », mon chien obéit à mon appel et vient.

Est -ce à dire qu'il accède au langage ? 
L a réponse de Hobbes à cette objection possible est sans ambiguïté.

Ce n'est pas le sens des mots qui est ici déterminant, en ce qui concerne les bêtes : les mots agissent ici en tant que signes.

Voici un terme qui pourrait nous embarrasser.

Le signe, pour nous, désigne, stricto sensu, un moyen intentionnel, volontaire et arbitraire, pour communiquer une information.

Il est donc préférable de ne pas prendre, dans ce texte, le terme de « signe » en sa stricte définition contemporaine.

Dans le contexte, il représente, bien davantage, un signal.

Le signal est un signe qui a pour seule fonction de stimuler ou d'entraîner une réaction (physique ou émotive).

La cloche qui annonce le repas par exemple.

Quand la bête agit selon les ordres. »

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