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Hume : Ce n'est pas à tort, dit Sancho au chevalier au grand nez

Publié le 22/03/2015

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hume
Ce n'est pas à tort, dit Sancho au chevalier au grand nez, que je prétends avoir du jugement en matière de vin ; c'est une qualité héréditaire dans notre famille. Deux parents à moi furent une fois appelés à donner leur opinion au sujet d'un fût de vin, qu'on supposait excellent en raison de son âge et de la qualité de son cru. Le premier le goûte, le considère et après mûre réflexion déclare que le vin est bon, mais avec un petit goût de cuir qu'il y perçoit. Le second, après avoir pris les mêmes précautions, rend aussi un verdict favorable, mais faisant la réserve d'un certain goût de fer qu'il pouvait aisément distinguer. Vous n'imaginez pas comme ils furent moqués de leur jugement. Mais quels furent à la fin les rieurs ? En vidant le fût, on découvrit au fond une vieille clé attachée à une lanière de cuir.
De la règle du goût,
in Essais moraux, politiques et littéraires, Première partie
hume

« Textes commentés 55 Voici un extrait du Don Quichotte de Cervantès 1 , cité par le philosophe «pour ne point prendre notre philosophie à une source trop profonde2 », et le lecteur appréciera non seulement l'humour, mais encore le recours à l'exemple pittoresque ou la manière, que l'on retrouve dans les Dialogues sur la religion naturelle, de la parole donnée à un autre (Sancho Pança) qui raconte à son tour (ici, une aventure qui n'a pas été la sienne).

Cet effet de mise en scène témoigne du souci d'écrivain de l'auteur.

Cette anecdote vient illustrer la nécessité d'une délicatesse de l'esprit pour qu'il accède à (ou s'approche de) la norme véritable du goût.

Comme pour les jugements moraux, en effet, et peut-être plus encore, les jugements esthétiques sont très divers (Hume parle de « variété capricieuse ») ; pourtant, l'on peut faire l'hypothèse de principes généraux, c'est-à-dire empêcher le scepticisme de tomber dans un relativisme excessif.

Comme en morale, encore, cette norme du jugement ne se dégage de la gangue des particularités qu'à les recueillir très largement, les comparer, les interroger sur leurs principes.

L'entreprise, qui veut dépasser l'effet des « humeurs » individuelles et des « mœurs » collectives, est certainement difficile, de sorte que l'on peut admettre « un certain degré de variation dans le jugement3 ».

Toutefois, le philosophe a le recours de se tourner vers l'homme de goût, l'expert, en lequel la règle réside parce qu'il a raffiné son jugement et finalement l'impose couramment en société : tels sont, ici, les amateurs qui reconnaissent, chacun pour sa part, à sa manière et dans les limites qui sont les siennes, la composition du vin.

Tel est pris, qui croyait prendre : Hume veut nous prémunir contre les excès d'un relativisme qui empêcherait jusqu'aux conversations esthétiques et décevrait tout espoir d'évolution du goût.

En esthétique, comme en morale, le plaisir est premier et seul juge.

Mais, alors qu'en morale il tire son origine de la sympathie, point de ressort du même type dans les affaires de goût ; c'est qu'en réalité « le plaisir et la douleur ne se bornent pas à accompagner nécessairement la beauté et la laideur ; ils en constituent l"essence même4 », et les choses, pour être mieux appréciées, doivent être plus précisément connues (alors qu'autrui n'est jamais qu'interprété) : si, donc, l'expérience est toujours requise, la raison prend ici un rôle plus importants.

!.

Deuxième partie, chapitre XIII.

2.

De la règle du goût, EMPL, p.

271.

3.

Id., p.

278.

4.

TNH Il, i, 8, p.

136.

La philosophie humienne des jugements esthétiques et moraux, montre notre tendance naturelle vers la beauté et les voies par lesquelles, se raffinant, elle s'en approche.

5.

« si la raison n'est pas une partie essentielle du goût, du moins est-elle l'auxiliaire indispensable de ses opérations» (De la règle du goût, EMPL, p.

275).. »

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