Igor Stravinski
Publié le 26/02/2010
Extrait du document
Debussy avait marqué la possibilité d'un renouveau de la musique occidentale au-delà des sillons germaniques. Semblable perspective avait été ouverte en Russie par Moussorgsky. C'est sur leurs traces qu'à l'origine Stravinski semblait s'engager. Toutefois, par affinité de nature, ce n'est pas à Moussorgsky, mais à un autre des "cinq" Russes du Nord, Rimski-Korsakov, qu'il se rattachait. Rimski-Korsakov était le type de ces premiers musiciens russes, avides de jouer des ressources formelles que leur apportait la musique occidentale pour y faire valoir leur sens si vif et tout frais de la mélodie, du rythme et de la couleur instrumentale. Mais il en restait au jeu, c'est-à-dire qu'il pratiquait une sorte "d'art appliqué", sans avoir saisi, comme Moussorgsky, l'engagement profond que représentaient les données qu'il avait empruntées à notre culture. Lorsque Rimski écrit de son Caprice espagnol que "les cadences instrumentales, le rythme des instruments de percussion... constituent le fond même de ce morceau et non sa parure", il énonce une esthétique à laquelle Stravinski pourrait souscrire. Le problème de "l'Oeuvre à faire" ne s'est jamais posé pour lui qu'en termes formels et sensibles : il s'est agi de mettre en Oeuvre d'une certaine manière indiquée par ses fins artistiques un certain monde d'accords ou de mélodies, de remplir certaines dispositions formelles. Le monde féerique de l'Oiseau de feu est posé dans le rapport de deux "tierces" et dans le motif mélodique qui en est issu et il s'agit de construire sur ces données une dense ailée, une danse infernale, une berceuse, etc. La foire de Petrouchka est donnée par les harmonies de l'accordéon et le jeu de celles-ci avec divers motifs de caractère populaire. L'événement mystique et cosmique du Sacre du Printemps fait appel aux possibilités d'accords déchirants et de rythmes heurtés. Ces indications, bien entendu, sont loin de rendre compte des prouesses de savoir et d'imagination accomplies dans ces Oeuvres par leur auteur, elle ne visent qu'à caractériser sa relation à la musique.
«
26 mai 1965 Série No 45 Fiche No 540
Stravinsky (Igor)
1.
Depuis plus d'un demi-siècle, Igor Stravinsky est au premier plan de l'actualité musicale dans le monde entier.
Né en Russie, à Orianenbaum, le 18 juin 1882, Stravlnsky fit son éducation musicale en écoutant les chefs-d'œuvre du théâtre
lyrique russe.
Son père était un chanteur d'opéra réputé, à Leningrad (Saint-Péters
bourg) et à Moscou.
Rimsky-Korsakov fut son prem:er maitre.
2.
Serge Diaghilev (qui révéla le ballet russe à l'Europe occidentale) commanda à Stravinsky la musique de « L'Oiseau de Feu».
Le succès du ballet, représenté à l'Opéra de Paris le 25 juin 1910, rendit célèbre le nom de Stravinsky à l'âge de 28 ans.
3.
Stravinsky quitta la Russie en 1914 pour s'installer en Suisse, dans le canton de Vaud.
Auparavant il avait composé, toujours pour Serge Diaghilev, la musique des ballets « Pétrouchka » (1911) et «Le Sacre du Printemps" qui, représenté le 29 mai 1913 au Théâtre des Champs-Eiysées, fit scandale.
La plupart des critiques
ont considéré la nouvelle œuvre comme la négation de toute musique.
Ses partisans
y virent l'aube d'une ère nouvelle.
L'originalité de ces compositions est de traiter la musique populaire russe dans un esprit nouveau, fondé sur la reconstruction de
leurs éléments mélodiques.
En Suisse, Stravinsky se lie avec Ramuz, qui sera pour
l'exilé le compagnon le plus sûr.
Avec lui, Stravinsky compose '' L'Histoire du Soldat » (1918), qui expose le lhème universel do la lutte entre le bien et le mal.
4.
Entre les deux guerres, Stravinsky, qui avait fait la connaissance de Picasso en 1917, rencontra Cocteau.
Il adopta la France comme seconde patrie (Stravinsky sera
naturalisé français en 1934).
Les historiens de la musique disent ,, néo-classique» cette période de l'œuvre de Stravinsky.
Le compositeur adopte, en effet, une attitude
esthétique fondée sur les principes de J'art musical.
Cette période va du ballet
"Pulcinella » (1919) au ,, Rake's Progress » (1948-1951).
L'œuvre la plus importante est
l'ensemble des «Symphonies d'instruments à vent"·
5.
Stravinsky, qui s'était installé aux Etats-Unis en 1940, devient citoyen américain en 1945.
Il habite Hollywood, non loin d'un autre grand musicien, réfugié comme lui,
Arnold Schoenberg (fondateur de la musique sérielle).
Bien que Stravinsky n'ait
jamais rencontré Schoenberg, une nouvelle période commence pour lui, qui doit être regardée comme une conversion retentissante aux formes modernes de la
musique sérielle (dodécaphonique).
Parmi ses œuvres nouvelles, on cite ,, Canticum Sacrum» (1955); «Agon ..
(1957); ,, Threni ou Les Lamentations du Prophète Jérémie» (1958), pas décisif vers un sérialisme total.
6.
Au cours de ses entretiens (1957) avec le chef d'orchestre américain Robert Craft, Stravinsky a déclaré: ,, A l'heure actuelle, il se trouve que le langage le plus perfec
tionné est le style sériel.
..
Ses ressources ont enrichi le style d'aujourd'hui et modifié
nos perspectives ...
Il me semble que la nouvelle musique sera sérielle.
»
7.
Comme Picasso qu'il rappelle, Stravinsky a traversé son siècle en appuyant son
génie sur tous les courants artistiques nouveaux.
Récemment l'Opéra de Paris a
confié à un jeune maître de la musique moderne, Pierre Boulez, le soin de diriger l'orchestre, lors de la reprise de " L'Oiseau de Feu "·.
»
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