imbecile heureux
Publié le 11/03/2017
Extrait du document
«
ne sont pas, comme dans le domaine de la technique, des impératifs nécessaires.
Ils sont des conseils seulement.
Et la raison, plus elle développe le savoir, la réflexion, et plus finalement elle nous éloigne du bonheur.
Parce que
le savoir suppose un effort pour l’acquérir, et en même temps nous délivre de l’illusion réconfortante.
Comme
l’avoue Kant : « plus une raison cultivée s’occupe de poursuivre la jouissance de la vie et du bonheur, plus
l’homme s’éloigne du vrai contentement.
»
Transition :
→ Dans ces conditions, la recherche du bonheur justifierait de renoncer à la réflexion, dans la mesure où elle
constitue un obstacle au bonheur.
L’imbécile heureux serait alors un défi que le sage ne pourrait pas relever.
→ Mais renoncer à la réflexion, c’est aussi renoncer à l’usage de sa raison, à ce qui fait l’humanité en nous et à
une vie digne de l’humanité.
Peut-on souhaiter de vivre comme l’imbécile, pour la seule raison qu’il est heureux ?
Sa vie est-elle un exemple à suivre pour qui veut être heureux ?
III.) En quel sens le bonheur, par la réflexion, est-il plus estimable que le bonheur dans l’illusion ? Autrement
dit, pourquoi l'imbécile n'est donc pas un défi au sage ?
1) Le bonheur dans l’illusion, sans réflexion, est comparable à celui du poisson rouge.
L’imbécile heureux est
heureux de ce qu’il n’a pas conscience de son malheur, il n’a pas non plus conscience de son bonheur.
Il n’y a rien
donc de désirable dans son bonheur : personne ne voudrait se faire lobotomiser pour lui ressembler.
On tolère donc
ce bonheur chez l’imbécile parce qu’on sait qu’il est en déficience mentale, mais pas chez un homme normal.
De
même, on tolère ce bonheur dans l’illusion chez l’enfant, mais plus chez l’adulte dont on attend, précisément, qu’il
soit adulte, c’est à dire responsable.
(Ref.
J.-S.
Mill : « Il vaut mieux être un homme insatisfait qu'un porc satisfait;
il vaut mieux être Socrate insatisfait qu'un imbécile satisfait.
»
2) Le bonheur que nous cherchons est le bonheur dans la sagesse, c'est-à-dire dans la vérité = béatitude (qui
vient de nous ≠ du bonheur qui vient de la chance).
La béatitude est le contentement de soi, de l’action accomplie,
quel qu’en soit le résultat.
C’est le plaisir de conduire sa vie avec sa raison, d’être libre en vivant dans le savoir et
non dans l’illusion.
(Ref.
Descartes : « Or, c'est proprement avoir les yeux fermés, sans tâcher jamais de les
ouvrir, que de vivre sans philosopher ; et le plaisir de voir toutes les choses que notre vue découvre n'est point
comparable à la satisfaction que donne la connaissance de celles qu'on trouve par la philosophie.
»)
3) Il y a du plaisir à connaître la vérité.
Aristote : « l’homme désire naturellement savoir.
» Exemple de
l’enfant : l’enfant est peut être heureux dans l’ignorance, mais il est plus heureux encore dans la curiosité, dans le
désir satisfait de savoir.
Ce qui caractérise l’enfance, c’est moins l’ignorance que l’étonnement : la conscience de
son ignorance et le plaisir de savoir qui en découle = Attitude du sage.
Pour lui, par conséquent, mieux vaut une
idée triste, mais vraie, qu’une idée joyeuse mais fausse.
Si le sage a le choix entre une vérité et un bonheur, il n’est
philosophe qu’en tant qu’il choisit la vérité.
Le but du sage est donc la vérité par la connaissance, et pas le
bonheur.
Le bonheur de l’imbécile n’est donc pas pour lui un défi.
Le bonheur du sage est la béatitude, ce plaisir
qu’il éprouve de vivre la vie comme il estime devoir la vivre, dans sa lucidité et son autonomie.
Alain : « le
bonheur est une récompense qui arrive à ceux qui ne l’ont pas cherché.
»
Réponse au problème (conclusion)
L’imbécile heureux n’est donc pas un défi au sage.
Certes la réflexion n’est pas la voie la plus facile pour être
heureux.
Mais si l’on distingue la béatitude (qui est vrai et dépend de nous) du bonheur (qui est illusoire et ne
dépend pas de nous), on voit que le sage, qui cherche la vérité dans la connaissance et non le bonheur, ne pourrait
envier le bonheur de l’imbécile.
La liberté et le savoir ont plus de valeur pour lui que le bonheur.
Et c’est vivre sa
vie comme il l’entend, dans la lucidité et l’autonomie, qui lui apporte le vrai bonheur comme une récompense : la
béatitude..
»
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