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Intuition et déduction de R. DESCARTES

Publié le 08/01/2020

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descartes

conception ferme d’un esprit pur et attentif qui naît de la seule lumière de la raison et qui, étant plus simple, est par suite plus pure que la déduction même, qui pourtant elle aussi ne peut être mal faite par l’homme (...). Ainsi, chacun peut voir par intuition qu’il existe, qu’il pense, que le triangle est défini par trois lignes seulement, la sphère par une seule surface, et des choses de ce genre, qui sont bien plus nombreuses que ne le pourraient croire la plupart des hommes, parce qu’ils dédaignent de tourner leur esprit vers des choses si faciles (...).

On a déjà pu se demander pourquoi, outre l’intuition, nous avons ajouté un autre mode de connaissance qui se fait par déduction, opération par laquelle nous entendons tout ce qui se conclut nécessairement d’autres choses déjà connues avec certitude, bien qu’elles ne soient pas elles-mêmes évidentes, pourvu seulement qu’elles soient déduites à partir de principes vrais et connus par un mouvement continu et ininterrompu de la pensée qui a une intuition claire de chaque chose. C’est ainsi que nous savons que le dernier anneau d’une longue chaîne est relié au premier, même si nous n’embrassons pas d’un seul et même coup d’œil tous les intermédiaires dont dépend ce lien, pourvu que nous ayons parcouru ceux-ci successivement et que nous nous souvenions que du premier au dernier chacun tient à ceux qui lui sont proches. Nous distinguons donc ici l’intuition de la déduction certaine en ce qu’on conçoit en celle-ci un mouvement ou une certaine succession, tandis que dans celle-là, il n’en est pas de même ; et qu’en outre pour la déduction une évidence actuelle n’est pas nécessaire comme pour l’intuition, mais plutôt qu’elle reçoit en un sens sa certitude de la mémoire. D’où il résulte qu’au sujet des propositions, qui sont la conséquence immédiate des premiers principes, on peut dire, suivant la manière différente de les considérer, qu’on les connaît tantôt par intuition, tantôt par déduction ; mais les premiers principes eux-mêmes ne peuvent être connus que par intuition ; et au contraire les conséquences éloignées ne peuvent l’être que par déduction.

René Descartes, Règles pour la direction de l’esprit (1628), III, in Œuvres complètes, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 1953, pp. 43-45.

Idéalement, l'évidence serait requise pour toute vérité. Elle n 'est pourtant nécessaire que pour les premiers principes. Pour les propositions dérivées des évidences premières, la déduction suffira. Pour Descartes, intuition* et déduction* constituent, sur le modèle de la géométrie, l'ordre véritable de l’esprit en quête de vérité certaine.

(...) Nous allons énumérer ici tous les actes de notre entendement par lesquels nous pouvons parvenir à la connaissance des choses sans aucune crainte d’erreur ; il n’y en a que deux : l’intuition2 et la déduction.

Par intuition j’entends, non pas le témoignage changeant des sens ou le jugement trompeur d’une imagination qui compose mal son objet, mais la conception d’un esprit pur et attentif, conception si facile, si distincte qu’aucun doute ne reste sur ce que nous comprenons ; ou, ce qui est la même chose, la

2. L'intuition dont parle ici Descartes ne saurait être confondue :

- ni avec I' « intuition sensible » (c'est un sens du mot « intuition » qu'on trouvera chez Kant, par exemple) ;

- ni avec l'intuition comme sentiment indicible. C'est par exemple en ce sens que Bergson parlera d’intuition. Le mot « intuition » prend donc, d'un philosophe à l’autre, des sens très différents.

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« conception ferme d'un esprit pur et attentif qui naît de la seule lumière de la raison et qui, étant plus simple, est par suite plus pure que la déduction même, qui pourtant elle aussi ne peut être mal faite par l'homme ( ...

).

Ainsi, chacun peut voir par intuition qu'il existe, qu'il pense, que le triangle est défini par trois lignes seulement, la sphère par une seule surface, et des choses· de ce genre, qui sont bien plus nombreuses que ne le pourraient croire la plupart des hommes, parce qu'ils dédai­ gnent de tourner leur esprit vers des choses si faciles ( ...

).

On a déjà pu se demander pourquoi, outre l'intuition, nous avons ajouté un autre mode de connaissance qui se fait par déduction, opération par laquelle nous entendons tout ce qui se conclut nécessairement d'autres choses déjà connues avec certitude, bien qu'elles ne soient pas elles-mêmes évidentes, pourvu seulement qu'elles soient déduites à partir de princi­ pes vrais et connus par un mouvement continu et ininterrompu de la pensée qui a une intuition claire de chaque chose.

C'est ainsi que nous savons que le dernier anneau d'une longue chaîne est relié au premier, même si nous n'embrassons pas d'un seul et même coup d'œil tous les intermédiaires dont dépend ce lien, pourvu que nous ayons parcouru ceux-ci successivement et que nous nous souvenions que du premier au dernier chacun tient à ceux qui lui sont proches.

Nous distinguons donc ici l'intui­ tion de la déduction certaine en ce qu'on conçoit en celle-ci un mouvement ou une certaine succession, tandis que dans celle-là, il n'en est pas de même; et qu'en outre pour la déduc­ tion une évidence actuelle n'est pas nécessaire comme pour l'intuition, mais plutôt qu'elle reçoit en un sens sa certitude de la mémoire.

D'où il résulte qu'au sujet des propositions, qui sont la conséquence immédiate des premiers principes, on peut dire, suivant la manière différente de les considérer, qu'on les connaît tantôt par intuition, tantôt par déduction ; mais les premiers principes eux-mêmes ne peuvent être connus que par intuition ; et au· contraire les conséquences éloignées ne peu­ vent l'être que par déduction.

René DESCARTES, Règles pour la direction de l'esprit (1628), ill, in Œuvres complètes, coll.

«Bibliothèque de la Pléiade», Gallimard, 1953, pp.

43-45.. »

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