Jean-Paul SARTRE et le matérialisme
Publié le 02/04/2005
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I. A l’opposé du matérialisme, l’existentialisme traite l’homme comme subjectivité. II. Mais ce subjectivisme là, exprimé par le cogito existentialiste (je pense) n’est ni le subjectivisme cartésien, ni le subjectivisme kantien ; il atteint aussi l’autre. III. Concrètement, et Sartre en fournit plusieurs exemples, l’existence d’autrui est indispensable à mon existence. IV. D’emblée le monde que nous découvrons est le monde de l’intersubjectivité.

«
aussi s'en sépare.
II.
Le point de départ est bien identique, mais pas le point d'arrivée.
Dans la tradition du « je pense » cartésien etkantien, ce qui est atteint, c'est une subjectivité « rigoureusement individuelle ».
Avec le « cogito » existentialiste,ce qui est atteint, c'est une subjectivité qui est plus qu'individuelle, puisque selon l'expression de Sartre on ne sedécouvre « pas seulement soi-même, mais aussi les autres ».
Ici, la démonstration n'est pas produite, mais seulement sa conclusion.
Sartre se contente de rappeler lemouvement de cette démonstration à grands traits.
D'abord, dans le cogito existentialiste, de même que dans sonexpression cartésienne ou kantienne, on se découvre.
Mieux (la formule est employée deux fois), « on s'atteint ».Sans élucider cela, on pourrait dire que l'homme est sa propre cible.
Tout au moins, sans que Sartre emploiel'expression, s'agit-il d'une visée.Mais, seconde étape, en nous atteignant, nous nous atteignons « en face » de l'autre.
D'un autre qui semble avoirété déjà là.
Puisque nous le trouvons par le mouvement même où nous nous trouvons.
Troisième étape, qui est del'ordre d'un glissement : découvrant cet autre qui est en face de nous, nous découvrons en même temps tous lesautres, comme si tous les autres eux aussi étaient déjà-là.
Ce qui signifie que l'homme, au fond, n'est pas d'abordopposé à la nature, mais plongé dans la multitude.Enfin, remarque ultime, cet autre, (et ces autres), ne sont pas le simple alter ego du sujet qui se découvre dans lecogito.
Ils sont ce qui conditionne le sujet.
Autrement dit, le sujet n'a pas d'existence en lui-même ; il n'ad'existence que par autrui.
C'est autrui découvert dans l'opération du cogito qui fait exister le sujet.
Le sujet n'estplus, comme dans les philosophies traditionnelles, un absolu ; il n'est que relativement par rapport à autrui.
III.
D'emblée, nous nous croyons d'abord, peut-être, seul au monde.
(C'est l'expérience du cogito cartésien).
Et sinous reconnaissons vite que nous ne sommes pas seuls au monde, nous croyons pourtant que c'est autour de nousque le monde se constitue, comme si, en tant que sujet, nous étions le centre autour duquel tout devrait sedisposer.
Et nous faisons tellement confiance en cette position de sujet que nous le remplissons d'existence, aupoint d'en faire un être à part entière, qui existe par soi, de façon « autosuffisante ».
Mais à mieux examiner sasituation, le sujet admet progressivement la part de ses privilèges : « il se rend compte »…
Il se rend compte surtout qu'il n'a pas d'être, en tant que tel, mais que pour être, il est totalement dépendantd'autrui, de son existence, de son jugement, de son approbation.Sartre en donne des exemples concrets.
Tout ce qui semble faire un caractère (être jaloux), tout ce qui semblefaire une qualité qu'on se serait appropriée (être intelligent), ou un défaut qu'on revendique (être méchant) n'estpas une propriété dont on disposerait d'abord et une fois pour toutes.Il y faut la reconnaissance d'autrui.
Non pas qu'autrui reconnaisse après coup ce caractère, cette qualité ou cedéfaut comme déjà existant, mais autrui doit attribuer ceci ou cela au sujet, pour que le sujet puisse enfin lerevendiquer comme son bien propre.
Reconnaissance qui donne naissance et qui doit, pour être efficace, sepoursuivre dans le temps.
Nous ne sommes pas loin, dès lors, du thème hégélien de la reconnaissance d'autruicomme élément fondateur du sujet.Ainsi, contrairement à la position philosophique classique, pour Sartre, le moi ne peut prétendre, par la seuleintrospection, se connaître.
Autrui est le médiateur indispensable pour que le moi puisse atteindre sa vérité : « pourobtenir une vérité quelconque sur moi, il faut que je passe par l'autre ».
Cette position d'autrui comme médiateurfait que le sujet n'est sujet que par autrui.Tout à l'heure c'était, dans le cogito, mon existence qui m'apparaissait, avec en même temps à côté de moi, face àmoi, autrui.
Maintenant, c'est encore autrui qui m'est nécessaire pour que je puisse atteindre une connaissancequelconque de moi-même.
Moi seul, je ne suis rien, je suis vide.
C'est autrui qui me fait être, qui m'assure uneplénitude.Aussi, aller désespérément à la recherche du plus profond de soi, de plus particulier, « de plus intime », c'est,inexorablement trouver cet autre : « la découverte de mon intimité me découvre en même temps l'autre ».
Sartre,au début de ce texte, appelait de ses vœux un règne spécifiquement humain, distingué du règne matériel marquépar le déterminisme (« un ensemble de réactions déterminées »).
L'autre que nous découvrons dans la descente ennous-mêmes, nous avons beau faire, il est autre que nous.
Nous ne le possédons pas, comme nous le croyons nousposséder.
Présence qui échappe à notre vouloir, capable de s'opposer, de résister, de manifester, à son compte, sapropre volonté.Je découvre autrui, et je me sens découvert face à lui.
« C'est une liberté posée en face de moi ».
Face à face, quimarque une rivalité.
Celle d'une existence à part entière qui m'échappe en ses pensées et en son vouloir : « l'autrequi pense et qui veut ».
Rivalité ou alliance (« que pour ou contre moi »), jamais donnée une fois pour toutes, où jesuis l'autrui de ce sujet qui m'accepte ou me rejette, mais qui n'existe comme tel que par moi, tout comme moij'existe que par lui.
IV.
Cette expérience est si vite faite, qu'on peut, contre la philosophie subjectiviste classique, dire « tout de suite ».
Notre monde presque immédiat n'est donc pas pour Sartre le monde de la nature, il est le monde humain composéde l'ensemble des sujets si intensément reliés les uns aux autres qu'on peut parler d'intersubjectivité (« un mondeque nous appellerons intersubjectivité »).
C'est le règne humain, propre aux hommes, constitué de cette valeur quidéfinit la spécificité humaine : la liberté.
Monde qui n'est pas donné, comme l'est le monde naturel, mais àconstruire, par l'ensemble des décisions que les uns et les autres, hommes concrets, nous avons sans cesse àprendre.
Liberté sans cesse à confirmer, pour assumer ce qui fait notre condition humaine..
»
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