Kant : L'idée des lumières
Publié le 09/04/2011
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Le mouvement intellectuel des lumières est avant tout l’idée que les hommes possèdent la faculté de raison. C’est pour le bien des hommes qu’elle doit être développée. Malheureusement, la majorité des individus ne l’utilise pas et résident dans un état que Kant nomme «mineur«. Cet état mineur est en fait un état d’ignorance, où l’être n’est pas autonome et ce limite à accepter toutes les informations ou enseignements qui lui sont transmis sans les remettre en question. En conséquence, un être des lumières –ou bien sage– est celui qui remet en question ce qui se présente à lui et ce, à l’aide de la raison. Il possède la liberté de penser et la possibilité d’accepter ce qu’il leur est dit afin de faire des choix éclairer et de se sortir de la tutelle des autres.
«
QU'EST- CE QUE LES LUMIÈRES ? (PREMIER ALINÉA)
[1] "Les Lumières sont la sortie de l'homme de la minorité où il est par sa propre faute.
La minorité est l'incapacité
de se servir de son entendement sans la direction d'autrui.
Cette minorité, nous la devons à notre propre faute
lorsqu'elle n'a pas pour cause un manque d'entendement, mais un manque de décision et de courage pour se servir
de son entendement sans la direction d'autrui.
Sapere aude! Aie le courage de te servir de ton propre entendement !
Telle est donc la devise des Lumières."
DÉFINITION DES LUMIÈRES
Kant définit les "Lumières" comme un processus par lequel l'homme, progressivement, s'arrache de la "minorité".
L'état de "minorité" est un état de dépendance, d'hétéronomie (1).
Dans un tel état l'homme n'obéit point à la loi
qu'il s'est lui-même prescrite mais au contraire vit sous la tutelle d'autrui.
Altérité aliénante empêchant l'individu de
se servir de son propre entendement.
Autrement dit, le principe d'action subjectif de l'individu n'est plus sa propriété,
son œuvre propre mais l'œuvre d'un autre.
Que l'on songe ici aux implications politiques d'un tel renoncement à la
pensée et à l'action.
Tous les despotismes n'ont-ils pas pour soubassement l'abdication des sujets soumis? Et à Kant
d'imputer la "faute" (morale) et non l'erreur (épistémologique) que constitue l'état de minorité non point aux
oppresseurs (de quelque nature fussent-ils) mais à ceux qui consentent à leur autorité, à ceux qui par lâcheté, par
"manque de décision et de courage" laissent leur entendement sous la direction de maîtres, de tuteurs.
Ici, Kant
rejoint Rousseau et sa scandaleuse affirmation au chapitre 2 du "Contrat social": "Aristote avait raison, mais il
prenait l'effet pour la cause.
Tout homme né dans l'esclavage naît pour l'esclavage, rien n'est plus certain.
Les
esclaves perdent tout dans leurs fers, jusqu'au désir d'en sortir; ils aiment leur servitude comme les compagnons
d'Ulysse aimaient leur abrutissement.
S'il y a donc des esclaves par nature, c'est parce qu'il y a eu des esclaves
contre nature.
La force a fait les premiers esclaves, leur lâcheté les a perpétués." Mais ne nous y trompons point, il
ne s'agit , ni pour Rousseau, ni pour Kant, de légitimer le fait de l' "esclavage" ou de la "minorité", mais, de reveiller
les consciences de leur somnambulisme du renoncement, de leur léthargie de l'acceptation de l'inacceptable.
On l'aura compris la maxime (2) des Lumières est de susciter cette reprise en mains de soi par soi, et ce, en
accomplissant cet acte de courage de penser par soi -même en toutes les circonstances de l'existence: "Sapere aude
!", "Ose te servir de ton entendement ! ".
En effet, qu'est-ce que l'entendement sinon cette faculté de connaissance, capable de juger le vrai du faux, le bien
du mal et de se positionner par rapport à eux.
L'entendement, capable d'activité, de délibération fonde au plus haut
point notre humanité et indissociablement notre dignité (3): " Or je dis : l’homme, et en général tout être
raisonnable, existe comme fin en soi, et non pas simplement comme moyen dont telle ou telle volonté puisse user à
son gré ; dans toutes ces actions, aussi bien dans celles qui le concernent lui-même que dans celles qui concernent
d’autres êtres raisonnables, il doit toujours être considéré en même temps comme un fin.
Tous les objets des
inclinations n’ont qu’une valeur conditionnelle ; car, si les inclinations et les besoins qui en dérivent n’existaient pas,
leur objet serait sans valeur.
Mais les inclinations mêmes, comme sources du besoin, ont si peu une valeur absolue
qui leur donne le droit d’être désirées pour elles-mêmes, que, bien plutôt, en être pleinement affranchi doit être le
souhait universel de tout être raisonnable.
Ainsi la valeur de tous les objets à acquérir par notre action est toujours
conditionnelle.
Les êtres dont l’existence dépend, à vrai dire, non pas de notre volonté, mais de la nature, n’ont
cependant, quand ce sont des êtres dépourvus de raison, qu’une valeur relative, celle de moyens, et voilà pourquoi
on les nomme des choses ; au contraire, les êtres raisonnables sont appelés des personnes, parce que leur nature
les désigne déjà comme des fins en soi, c’est-à-dire comme quelque chose qui ne peut pas être employé simplement
comme moyen, quelque chose qui par suite limite d’autant toute faculté d’agir comme bon nous semble (et qui est
un objet de respect) ".
(" Fondements de la métaphysique des mœurs ").
En sommant l'homme de sortir des nimbes d'un sommeil que l'on pourrait qualifier de dogmatique, les "Lumières"
affirme le primat de la détermination pratique (5) sur le savoir théorique (5) .
Passage de la contemplation à la
responsabilisation.
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(1) Hétéronomie: Condition d'un individu ou d'un groupe obéissant à une loi reçue de l'extérieur.
Kant nomme
principes hétéronomiques de la moralité les déterminations de la volonté faisant appel à d'autres ressorts que la
seule idée de loi en général: éducation, constitution civile, sentiment (physique ou moral), idée de perfection ou
volonté de Dieu - tous ayant en commun de situer l'existence morale soit trop bas (épicurisme), soit trop haut
(morales théologiques), mais jamais au niveau requis..
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