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Kant: Quand Galilée fit rouler ses sphères

Publié le 25/03/2011

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Quand Galilée fit rouler ses sphères sur un plan incliné avec un degré d'accélération dû à la pesanteur déterminé selon sa volonté, quand Torricelli fit supporter à l'air un poids qu'il savait lui-même d'avance être égal à celui d'une colonne d'eau à lui connue,... ce fut une révélation lumineuse pour tous les physiciens. Ils comprirent que la raison ne voit que ce qu'elle produit elle-même d'après ses propres plans et qu'elle doit prendre les devants avec les principes qui déterminent ses jugements, suivant des lois immuables, qu'elle doit obliger la nature à répondre à ses questions et ne pas se laisser conduire pour ainsi dire en laisse par elle ; car autrement, faites au hasard et sans aucun plan tracé d'avance, nos observations ne se rattacheraient point à une loi nécessaire, chose que la raison demande et dont elle a besoin. Il faut donc que la raison se présente à la nature tenant, d'une main, ses principes qui seuls peuvent donner aux phénomènes concordants entre eux l'autorité de lois, et de l'autre l'expérimentation qu'elle a imaginée d'après ces principes, pour être instruite par elle, il est vrai, mais non pas comme un écolier qui se laisse dire tout ce qu'il plaît au maître, mais au contraire comme un juge en fonctions qui force les témoins à répondre aux questions qu'il leur pose. Vous vous efforcerez de dégager l'intérêt philosophique de ce texte à partir de son étude ordonnée.  

CONSEILS PRÉLIMINAIRES 1. Le texte met l'accent sur l'importance de la Raison dans la constitution d'une science. Mais cet accent ne doit pas faire oublier que pour Kant il ne saurait exister de connaissance réelle en dehors de l'expérience. L'expérience instruit la Raison nous dit le texte. Il faudra sans doute préciser la nature de cette instruction. 2. Attention au mot nature qui est pris ici dans son sens kantien : système de phénomènes organisé suivant des lois. 3. Un mot peut facilement passer inaperçu dans le texte : le mot imaginer (« l'expérimentation qu'elle a imaginée d'après ces principes «). Ce mot est important car l'imagination a toujours, pour Kant, une fonction de médiation entre l'intelligible et le sensible. Or la question du rapport que la science effectue entre la Raison et l'expérience est au centre du texte.   

PLAN    I. — La science est une pensée systématique et rationnelle.    II. — L'expérience instruit la Raison scientifique.    III. — L'expérimentation et la fonction médiatrice de l'imagination.   

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« interrogation de l'objet, mais interrogation déterminée, qui prévoit et détermine un certain type de réponse. L'apparition de l'inattendu peut signifier soit un échec de l'expérimentation, soit la production de phénomènes que lathéorie ne contrôle pas : dans les deux cas il y a échec de la théorie, insuffisance du savoir scientifique.

Cet échecentraîne une modification nécessaire de la théorie de façon que ce phénomène insolite soit supprimé ou intégré dansune expérimentation nouvelle. On voit que l'apparition du hasard dans la pensée scientifique coïncide avec un échec momentané de sasystématisation rationnelle. Ce n'est compréhensible que si l'on se rappelle que la science veut d'abord énoncer des relations nécessaires réglantles rapports entre les objets, des lois, et non des constatations de fait isolées, disparates, sans structureintelligible.

La science est une entreprise de rationalisation du réel ; elle exige un dépassement du donné brut, duchaos anarchique, de l'expérience naïve : elle reconstruit rationnellement un monde qui nous est d'abord donné defaçon contingente et anarchique.

Aussi son rapport à l'objet, l'expérimentation, est-il, lui-même un rapport rationnel,tout entier constitué et orienté par cette intuition rationalisante.

Elle est interrogation systématiquement organiséedu réel. * * * Mais la science n'est pas uniquement rationalité.

Elle doit être, nous dit le texte, te instruite par la nature ».

Le motnature est ici pris dans son sens kantien : système des phénomènes empiriques.

Cela signifie qu'il est impossible dereconstruire scientifiquement le monde en dehors de toute expérience, que pour que l'objet soit pensé, il faut qu'ilsoit en même temps donné, intuitionné empiriquement. On voit que l'activité scientifique s'organise comme un dialogue entre la Raison et le inonde.

La Raison interroge «comme un juge en fonctions » : cette interrogation constitue l'expérimentation proprement dite.

Mais, pour que desréponses rationnelles (générales) soient possibles, il faut que l'interrogation soit rationnellement organisée etconduite.

Inversement, pour que cette interrogation puisse être réellement posée à l'objet empirique, il faut qu'ellesoit matérialisée : pour qu'un dialogue se noue entre la Raison et l'expérience, il faut que la Raison interrogeant lemonde matérialise son interrogation d'une façon rationnelle, de sorte que l'objet puisse répondre à cetteinterrogation matérialisée par un élément de rationalité, une loi. Nous voyons donc que la dialectique du développement d'une connaissance scientifique constitue un dépassementde l'opposition de la Raison qui construit a priori et de la sensibilité qui constate un phénomène empirique ; c'estl'expérimentation qui réalise ce dépassement ; mais il nous faut découvrir la faculté qui permet à l'hommed'expérimenter, c'est-à-dire de nouer ce rapport de l'intelligible et du sensible.

Si Raison et sensibilité étaient, enl'homme, deux facultés seulement opposées, il n'y aurait pas d'expérimentation possible ; appliquer ou développer lesprincipes de la Raison en leur donnant une figuration matérielle suppose une faculté de réaliser le rationnel dans lesensible et, inversement, de ressaisir le rationnel dans le donné empirique, réponse de l'objet à l'interrogationscientifique.

Quelle est donc cette faculté médiatrice ? * * * De l'expérimentation, Kant nous dit qu'elle est imaginée par la Raison : « Il faut donc que la Raison se présente à lanature tenant d'une main ses principes (...) et de l'autre l'expérimentation qu'elle a imaginée d'après ces principes(...).

» C'est donc l'imagination qui semble remplir cette fonction de médiation entre le principe rationnel et le donnéempirique.

L'imagination est présentée ici comme la faculté expérimentale par excellence.

Essayons de préciser cettefonction de médiation. L'entreprise de construction rationnelle d'un donné empirique est contradictoire en elle-même.

A l'universalitéabstraite et conceptuelle des principes de la Raison s'oppose la particularité isolée et chaotique du donné sensible.Aussi l'application immédiate de ces principes à la matière est-elle impossible de par la résistance du réel à larationalité abstraite. L'imagination est une faculté de représentation libre, c'est-à-dire qu'elle n'est pas subordonnée à un quelconquedonné empirique.

Cependant, elle est faculté de représentation sensible.

Aussi est-elle capable de réaliser une idéegénérale ou un principe dans une représentation sensible qui lui soit conforme : elle est essentiellement productricede schéma.

Mais inversement, elle seule est capable d'appréhender une forme générale à travers un donné sensibledivers et particulier.

Le schéma reçoit ici une fonction nouvelle inverse de la première, celle de transcender ladiversité du donné sensible et d'en extraire la structure générale. Ainsi se trouve définie la double fonction médiatrice de l'imagination.

D'une part, elle permet de construireschématiquement une interrogation rationnelle du monde, d'autre part, elle permet d'interpréter le résultat del'expérience qui, pour être un donné sensible, n'en possède pas moins une signification rationnelle que le savant doitextraire pour l'intégrer et l'exprimer dans une théorie.

En elle se noue donc le dialogue entre la Raison et l'expériencequi constitue l'histoire de la science comme dévoilement progressif de la structure intelligible du monde sensible.. »

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