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Karl Heinrich MARX (1818-1883): L'augmentation des besoins et des moyens

Publié le 06/04/2005

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L'augmentation des besoins et des moyens de les satisfaire engendre la pénurie de besoins et l'indigence. Comment cela ? L'économiste nous en fournit la preuve : 1°) Il réduit les besoins de l'ouvrier à la subsistance la plus indispensable et la plus misérable de la vie physique ; il réduit son activité au mouvement mécanique le plus abstrait ; et il dit que l'homme n'a pas d'autres besoins, ni activité, ni jouissance, car, cette vie-là, il la proclame humaine, existence humaine. 2°) Pour base de son calcul, et comme norme générale - parce que valable pour la masse des hommes - il choisit la vie (l'existence) la plus indigente possible ; il fait de l'ouvrier un être insensible et dépourvu de besoins. Le moindre luxe lui paraît condamnable chez l'ouvrier. (...) L'économie politique, cette science de la richesse, est donc en même temps la science du renoncement, de l'indigence, de l'épargne : il lui arrive réellement de vouloir épargner à l'homme le besoin d'air pur ou de mouvement physique Cette science de la mirifique industrie est aussi la science de l'ascétisme, et son véritable idéal est l'avare ascétique mais usurier et l'esclave ascétique mais producteur. Son idéal moral, c'est l'ouvrier qui porte la caisse d'épargne une partie de son salaire. Elle est donc - malgré ses airs mondains et lascifs - une vraie science morale, la plus morale des sciences. Sa grande maxime, c'est l'abnégation, le renoncement à la vie et à tous les besoins humains. Karl Heinrich MARX (1818-1883)
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« de rechercher les moyens de produire le maximum de richesses, conduit à une anthropologie de type ascétique.

Lavie « normale » exclut le luxe et toute superfluité, et donc, « comme norme générale (...) il choisit la vie(l'existence) la plus indigente possible ».

On voit par là comment un point de vue qui peut sembler purement moral,car la condamnation du luxe est un lieu commun des discours prétendant donner une norme aux comportementshumains, est en réalité la conséquence d'une évolution des conditions matérielles de production.

Pour l'illustrer,remarquons que cet « ascétisme moderne » se distingue de l'ascétisme traditionnel en ce qu'il ne vise pas lenécessaire : contrairement par exemple à la pratique traditionnelle du jeûne qui tend à fortifier l'âme en luiapprenant à ne pas être soumise au corps, la condamnation du luxe ne vise que le superflu et est purementnégative.On en arrive alors à la contradiction de l'économie politique libérale, « science de la richesse » qui est « en mêmetemps la science du renoncement, de l'indigence, de l'épargne ».

Marx ajoute à cela une notation polémique qui peutsembler excessive mais qui doit au contraire être prise au sérieux : « il lui arrive réellement de vouloir épargner àl'homme le besoin d'air pur ou de mouvement physique ».

En effet, la vie concrète de l'ouvrier est insalubre et sontravail répétitif, celui-ci n'est plus du tout un moyen de se réaliser, d'accomplir une oeuvre personnelle, mais estdéjà en lui-même instrument de misère et négation des virtualités humaines.

De plus, cette réalité concrète dutravail permet de comprendre qu'évidemment la société capitaliste n'est pas l'aboutissement d'un projet de sociétéfondé sur une sorte de puritanisme ascétique mais qu'au contraire la mentalité avaricieuse qui caractérise labourgeoisie industrielle est la conséquence de l'évolution des techniques.

En effet, si l'on admet une seconde lavaleur de ce puritanisme, ce n'est pas à une telle vie qu'il devrait conduire les hommes, mais plutôt à une vie saineet hygiénique.C'est donc bien ainsi qu'il faut comprendre la description des mentalités qui termine cet extrait, comme conséquenceet non comme cause.

Toutefois, dans la mesure où il est un « idéal », l'ascétisme peut jouer à son tour le rôle decause occasionnelle, et déterminer la pensée économique.

Ainsi seront vantées les vertus de l'épargne, comme si lapremière des qualités humaines était de contribuer au mieux à la prospérité économique.

« L'avare ascétique maisusurier » n'est certes pas le meilleur représentant de la dignité humaine.

Mais il faut bien en faire un modèle, etprétendre ainsi que la réussite sociale se mérite par l'effort et autorise l'exploitation, si l'on veut justifier moralementl'économie capitaliste.

A l'inverse, il n'y aura de véritables vices que ceux qui poussent l'homme à se soustraire à lalogique économique, c'est-à-dire la paresse, l'esprit de jouissance, et même tout ce qui participe du désir de menerune vie de qualité.

En cela, l'économie est une science dont le projet politique sous-jacent est le totalitarisme, ou,si l'on veut éviter ce mot trop évocateur, dont l'idéal de société est fourni par les sociétés d'insectes, fourmis ouabeilles, beaucoup plus que par ce que serait une société vraiment humaine.On pourrait cependant considérer que ces conclusions ne sont plus du tout d'actualité.

A l'ère de la consommationde masse, le droit de chacun au loisir et même à l'épanouissement personnel est souvent proclamé.

Toutefois, il fautconsidérer que Karl Marx n'avait pas pour ambition dans ce texte d'énoncer une vérité universelle, mais bien plutôtde comprendre un processus historique particulier, et donc ce qui aurait été étonnant serait que rien n'ait changédepuis.

Il est donc alors préférable de se demander dans quelle mesure il serait possible de transposer ces analysesà la situation contemporaine.Or, si les choses ont changé, ce n'est pas à la suite d'une sorte de révolution morale ou de conversion à l'esprit dejouissance.

C'est plutôt le résultat de la contradiction énoncée plus haut : l'économie est la science des richessestout autant que « la science du renoncement ».

C'est aussi une nécessité économique que la consommation sedéveloppe.

De même, la paix sociale est favorable au développement économique, et ces deux raisons conjuguéespoussent à améliorer le sort de la classe ouvrière, dans la mesure où les ouvriers sont des consommateurs potentielset où on ne peut travailler de façon rentable si ce travail est une cause de désespoir.De cette évolution, on peut faire deux lectures.

La première, optimiste, consiste à dire que la force du libéralisme,c'est sa faculté d'adaptation, par laquelle une solution est toujours trouvée aux contradictions qu'il engendre.

Laseconde, c'est que l'économie tend toujours à modeler l'humain selon ses catégories propres.

Il ne s'agit pas, avecla société dite de consommation, d'un nouvel humanisme soucieux de réaliser pleinement les potentialités de l'êtrehumain, mais bien de réduire à nouveau l'homme aux besoins de l'économie.

Après « l'esclave ascétique, maisproducteur », le consommateur exigeant et avide de nouveautés, mais soumis et respectueux de la hiérarchiesociale, et toujours prêt à s'adapter aux exigences du marché, comme son modèle qu'est le chef d'entreprise qui aréussi.

Si l'on veut échapper à une telle vision réductrice de l'humanité, il faut bien commencer par analyser lesprésupposés moraux des discours économistes, et dénoncer la façon dont inévitablement ils conduisent à traiter lapersonne humaine comme un moyen et non comme une fin. MARX (Karl). Né à Trêves, en 1818, mort à Londres en 1883.

Il fit ses études aux Universités de Bonn, de Berlin et de Iéna, et fonda en 1842, la Gazette Rhénane.

Il se rendit à Paris en novembre 1843, et y lança les Annales. »

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