Devoir de Philosophie

Karl Jaspers et l'existentialisme

Publié le 02/04/2011

Extrait du document

jaspers

Jaspers a repris, il y a une vingtaine d'années, les thèmes existentiels de  Kierkegaard; il les a mûris, épanouis ou prolongés. Il s'est élevé, lui aussi, contre toute philosophie systématique, contre le Hégélianisme et ce qui en découle.

Il reprend la distinction de l'esthétique et de l'éthique; d'une part la sphère du changement, des beaux moments uniques mais sans consistance, sphère de la musicalité et de l'immédiat ; d'autre part, la sphère du sérieux qui, comme l'éthique kierkegaardienne, s'oppose aussi bien à l'infidélité vacillante de Don Juan qu'à la philosophie abstraite de Hegel. Le hégélianisme, comme le positivisme, en effet, est une encyclopédie, séduisante pour l'esprit qui vient s'y reposer, loin des difficultés et des luttes. Mais, en supprimant l'opposition, les alternatives, le choix, il ne fait de nous que de simples miroirs qui reflètent l'image objective du monde.

Or, pour Jaspers, la personnalité humaine, quoique explicable par certaines lois psycho-physiologiques, ne s'anéantit pas moins dès qu'on veut la considérer comme un objet.

jaspers

« Néanmoins, il est important de remarquer que, tout en affirmant que le choix s'effectue au delà de l'intelligence etdu savoir, Jaspers ne blâme pas l'investigation scientifique, l'illumination sur le monde, la Weltorientierung.

Avantd'agir, l'homme doit se renseigner sur sa situation et agir EN CONNAISSANCE DE CAUSE.

Si je n'ai pas toutconsidéré, si je ne suis pas entré dans l'évaluation des possibilités, si je ne me suis pas perdu dans des réflexionssans fin, je ne prends pas une décision, je suis une inspiration aveugle (III, 81). Ce qui est sûr, c'est que l'investigation sur le monde ne saurait finir.

Après tout mystère, il y en a un autre.

L'atome,l'électron sont à leur tour des mondes inexplorés.

Aussi est-il inutile d'attendre une connaissance exacte du mondeavant d'agir.

Il faut vivre tout de suite et non attendre la dernière découverte qui, du reste, ne viendra jamais.

Jene dispose que d'un temps très limité, et je dois sauter : la liberté, c'est ce saut. Plus l'explication scientifique du monde est complète, meilleure est la situation sur laquelle la liberté s'engrène. Mais pour la liberté elle-même, elle est justement ce qui demeurera toujours au delà, CE QUI SE DÉROBE A TOUTSAVOIR, l'origine obscure à tout jamais impossible à supprimer. La liberté, qui n'existe que par la nature, n'existe en même temps que contre la nature.

Il n'y a liberté que s'il y arésistance.

En nous-mêmes, nous sentons une nature obscure, un fond irrationnel, étranger, avec lequel le moi doitlutter et qui, parfois, comme dans les maladies mentales, rompt toutes les barrières, et tend à nous détruire.

Cefond sombre que je dompte, que je maîtrise, existe cependant; il est à la fois menace et source d'énergie, il est cequi me donne ma force.

Ainsi ma liberté se heurte à la nature dont elle sort.

Elle est de toutes parts menacée, enelle-même menacée.

Telle est l'antinomie de la liberté. Du reste, la liberté n'a lieu que parce que le savoir a LAISSÉ DES TROUS.

Qui dit savoir, dit contrainte.

Les grandsproblèmes philosophiques ne peuvent donc être résolus, ne doivent pas l'être.

Toute philosophie qui prétend ainsisystématiser les existences et les décrire abstraitement est indiscutablement fausse; car, comme nous l'avons vu, iln'y a aucune commune mesure entre le concret et l'abstrait, entre la vie et la logique.

Ainsi le spinozisme, leleibnizianisme, le hégélianisme sont des ontologies fausses. Cependant, au moment où je choisis, j'ai déjà une histoire et tout mon passé fait partie de moi.

Ainsi, selon Jaspers,la liberté ne se construit pas sur le néant, mais sur un fond, une nature obscure avec laquelle elle entre en conflit.Aussi ma décision d'aujourd'hui implique des fautes inévitables qui sont des conséquences de ce que je suis déjà.

Mafaute d'aujourd'hui n'est pas seulement d'aujourd'hui; je ne peux pas trouver l'instant originel précis où maresponsabilité commence: elle surgit avec moi-même.

Si je connaissais le début de ma faute, elle serait évitable etma liberté serait cette possibilité de l'éviter, mais ce début m'échappe, et voilà pourquoi je suis coupable, seulementparce que je suis.

La liberté, selon Jaspers, n'est pas ce que le commun appelle liberté d'indifférence; elle est CECHOIX PREMIER où la personne exprime ce qui lui est le plus proprement personnel.

Ici, la liberté, c'est l'Existenz. Le Dasein est chez Jaspers (il a un autre sens chez Heidegger) ce qui s'oppose à l'existence et à la liberté.

C'est cequi est là, la réalité que l'expérience fournit, la donnée pure et simple, l'événement qui arrive et sur lequel la libertés'engrène, la situation.

Je suis pour toute ma vie dans telle ou telle conjoncture, je ne puis vivre sans lutte et sansdouleur, je prends sur moi inévitablement le péché, je dois mourir, constituent des situations fondamentales.

Ellessont comme le mur auquel nous nous heurtons, l'écueil devant lequel nous échouons.

Nous ne pouvons les changer,mais seulement les amener à plus de clarté, sans les expliquer ou les dériver à partir d'autre chose.

Elles ne fontqu'un avec le Dasein lui-même. L'existence ne peut se dégager du Dasein, mais c'est seulement par cet engagement dans le Dasein, son support,qu'elle peut s'accomplir. L'homme est, pour ainsi dire, une maladie de la nature, par laquelle la nature se dépasse elle-même, mais il se trouvedans une situation essentiellement contradictoire : il ne peut ni accueillir complètement le Dasein, ni le laissercomplètement échapper.

Toujours fragmentaire, en rupture partielle avec le Dasein, il ne peut s'achever en unetotalité harmonieuse.

Ses buts ne sont jamais atteints.

Mais ce caractère, ce fait que l'homme est un être cassé,rend possible le dévouement inconditionnel à des buts posés librement comme absolus. Mais l'existence doit s'unir quotidiennement non seulement aux Dasein qui nous entourent, mais aussi aux autresexistences.

Or, en même temps que le moi est circonscrit par l'Autre, il reste, il doit rester un absolu, un unique, unsolitaire : seul, celui qui est absolument isolé peut devenir existence (II, p.

207).

Plus l'existence est authentique,plus il y a de silence, l'existence étant une résolution silencieuse.

Aussi cette existence inconditionnée n'est-elle pascaractérisable comme une chose. Et pourtant, cet unique peut s'adresser à un autre, unique comme lui, non par l'intermédiaire du savoir, mais par lacroyance.

Mon existence a une pudeur, elle ne veut pas être reconnue par autrui, mais il y a de lui à moi un appel,une communication, cette relation justement qui n'existe qu'entre les uniques, entre les absolus. Il ne s'agit donc nullement ici d'une communion à une vérité universelle déjà constituée.

Tous les actes, tous lesrôles où un individu est remplaçable par un autre que lui-même, toutes les conjonctures où il s'acquitte d'une tâcheanonyme que n'importe qui pourrait accomplir pour lui, ne sauraient présenter la possibilité d'une communication.Celle-ci ne peut avoir lieu qu'entre des éléments irremplaçables (existants, historiques et authentiques).

Les vérités. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles