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KIERKEGAARD : Le savoir et le péché

Publié le 22/02/2012

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kierkegaard
Socrate, certes, fut un moraliste (l'Antiquité l'a toujours revendiqué comme tel, comme inventeur de l'éthique) et le premier en date, comme il est et restera le premier dans son genre; mais il commence par l'ignorance. Intellectuellement, c'est à l'ignorance qu'il tend, au rien savoir. Éthiquement, il entend par là tout autre chose que de l'ignorance, et c'est d'elle qu'il part. Mais, par contre, il va de soi que Socrate n'a rien d'un moraliste religieux, encore moins, dans le plan chrétien, d'un dogmatiste. Voilà pourquoi au fond il n'entre point dans toute cette enquête par où débute le christianisme, dans cette antécédence, où le péché se présuppose et qui trouve son explication chrétienne dans le péché originel, dogme auquel cette recherche ne fera que confiner. Socrate ne pousse donc pas en somme jusqu'à la catégorie du péché, ce qui est certes un défaut d'une définition du péché. Mais comment? Si le péché est en effet ignorance, au fond son existence tombe. Car l'admettre, c'est croire, comme Socrate d'ailleurs, qu'il n'arrive jamais qu'on commette l'injuste en sachant ce qu'est le juste, ou qu'on le commette en sachant que c'est l'injuste. Si donc Socrate l'a bien défini, le péché n'a point d'existence. Mais attention! voilà qui est tout à fait en règle au point de vue chrétien, et même profondément juste, et dans l'intérêt du christianisme quod erat demonstrandum. Le concept justement, qui met une différence radicale de nature entre le christianisme et le paganisme, c'est le péché, la doctrine du péché; aussi le christianisme, très logiquement, croit-il que ni le païen ni l'homme naturel ne savent ce qu'est le péché, et même qu'il faut la Révélation pour illustrer ce qu'il est. Car, au contraire d'une vue superficielle, la différence de nature entre le paganisme et le christianisme ne vient pas de la doctrine de la Rédemption. Non, il faut faire le départ bien plus en profondeur, partir du péché, de la doctrine du péché, ce que fait d'ailleurs le christianisme. Quelle dangereuse objection donc contre ce dernier, si le paganisme donnait du péché une définition dont un chrétien devrait reconnaître la justesse ! Traité du désespoir (1849).
kierkegaard

« parce qu'on peut avoir le savoir du juste et de l'injuste (c'est l'objet même de la République de Platon) qu'une philosophie peut se faire éthique, et définir la faute (commettre ('injuste) comme ignorance (« Nul n'est méchant volontairement 2 »).

La deuxième partie porte donc sur les présupposés les plus radicaux de la philosophie en tant que telle, sans le préalable de la foi. 3.

Pour le propos de Kierkegaard, il faut définir l'absence de la catégorie du péché comme un manqueau sein du paganisme, quelque chose qui le prive d'une dimension décisive, et non comme unedifférence quelconque où une autre catégorie interchangeable (l'ignorance comme source de faute)remplirait des fonctions analogues.

C'est ainsi qu'il faut comprendre les deux premières phrases : enne « poussant pas » jusqu'à la catégorie du péché, Socrate, qui est pourtant l'inventeur de l'éthiqueet restera le premier en son genre, n'est pas simplement en retard sur une évolution historiqueultérieure, ce n'est pas une connaissance qui lui fait encore défaut, c'est que le péché est pour luiimpossible à définir et non seulement en défaut de définition.

C'est ce qu'établit le premier point (—>...

le péché n'a point d'existence).

L'ignorance cause de l'injuste, ce n'est pas une définitionimparfaite du péché mais son absolue négation.

Il reste à envisager cette fois le problème du pointde vue du christianisme même, qui doit situer le point par où il diffère absolument du paganisme etde la philosophie sans la foi.

Socrate envisage la faute (commettre l'injuste) comme un signed'absence de l'idée de justice, tout en maintenant que cette idée demeure à portée d'uneconnaissance universellement possible.

L'art dialectique ne peut remédier absolument à l'occultationou oubli de l'idée.

En proclamant le Salut des âmes par la Rédemption, le christianisme ne promet-ilpas de racheter en bloc ce que le dialecticien réparait tant bien que mal ? Pour Kierkegaard, ceserait une vue superficielle, tournant le dos à la révélation.

Absolument premier, antécédent à touteconnaissance, fût-elle oublieuse d'elle-même, donné à croire (le dogme) et non à savoir, lui seul faitle départ avec le paganisme, entendu alors comme croyance à la possibilité d'une connaissanceinnocente. En refusant tout compromis, toute lente transition du paganisme à son contraire, Kierkegaard aboutit àsolidariser le retour au fondement dernier, le dogmatisme, et le refus de la philosophie comme lumière.C'est qu'il juge mal l'innocence : « L'intellectualité grecque était trop heureuse, trop naïve, troppécheresse...

».

Elle n'est donc bonne qu'à contrer le philistinisme philosophique dont l'hégélianisme estl'expression présente (la « virtuosité si fréquente »...

à développer in abstracto « les vérités suprêmes »).. »

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