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La certitude de notre mort nous condamne-t-elle au désespoir ?

Publié le 29/10/2009

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Le concept de mort est loin d'être univoque. La mort peut, en effet, se définir, de la manière la plus immédiate et la plus empirique, comme le terme de la vie humaine, en tant que celle-ci est considérée dans le temps. Mais la mort peut aussi être envisagée comme structure a priori de la conscience de l'homme. Cette ambiguïté devra certainement être questionnée ici.  Mais le terme de certitude gagnera aussi à être explicité. Définissons la certitude comme le caractère d'une affirmation à laquelle on donne une adhésion entière ou bien comme l'état de l'esprit qui ne doute pas et n'a aucune crainte d'erreur. Ce type de croyance et d'adhésion spirituelle (adhésion spirituelle et croyance en sa propre mort) devra être soumis à tout un « questionnement « philosophique.  Si le verbe condamner mérite certainement de retenir l'attention (condamner, c'est frapper d'une peine, c'est faire subir une punition), le concept de désespoir va être au centre de nos analyses. Si l'espoir est le fait d'attendre quelque chose avec confiance, en visant le succès et la réussite, le désespoir peut être défini de la manière la plus élémentaire comme la perte de tout espoir. Deux notions sont intéressantes à distinguer ici et peuvent jouer un rôle moteur dans nos analyses, ce sont les notions d'espérance (sentiment de confiance, ne portant jamais sur des résultats extérieurs) et de désespérance (état psychologique de celui qui a perdu toute foi et toute confiance, et qui se trouve au-delà de tous les désespoirs).  Ce qu'il faut retenir comme notion essentielle dans le désespoir, c'est sans doute l'idée d'une détresse infinie portant sur l'organisation même du moi, celle d'une atteinte profonde à notre structure et à notre synthèse.  Enfin, l'homme sera conçu ici comme le sujet et la personne.  Au-delà de l'intitulé immédiat de la question, le problème est donc de savoir si la certitude de sa mort laisse à l'homme une disponibilité à l'avenir, si elle permet l'accomplissement de la personne et la production de l'homme par lui-même. N'y a-t-il pas contradiction entre la mort (qui fait partie du négatif, qui est le négatif même) et la création (positive) de la personne humaine?   

« La certitude (paradoxale) de sa mort entraîne-t-elle nécessairement le sujet réfléchissant sur elle vers ladiscordance de la synthèse humaine, la solitude désespérée de celui qui expérimente le néant sans limite, le Rien?Ici, il semble bien qu'il faille revenir sur les diverses notions figurant dans l'intitulé du sujet et voir si elles ne sont passusceptibles de recevoir une autre acception, profondément différente, et s'intégrer dans un autre typed'expérience.Et, tout d'abord, c'est le concept de mort qu'il nous faut maintenant questionner.

La mort, disions-nous auparavant,c'est le décès, l'acte terminal de la vie (quand la Parque coupe le fil de notre existence...).

Mais il semble quechaque instant de la vie, loin d'exclure la mort, se donne comme réalité finie, limitée et qu'ainsi la mort, loin d'êtreseulement un décès, un acte terminal, se présente aussi comme forme et comme structure générale, a priori, demon existence quotidienne.

La certitude de la mort peut ainsi, revêtir la forme d'une croyance et d'une adhésionspirituelle à cette structure fondamentale de la vie humaine.

Alors la mort apparaît comme le noyau même de la vie,ainsi que certains poètes nous le disent : ce noyau qu'est la mort s'épanouit et donne à la vie son sens.

La mortn'est nullement le décès, elle n'est nullement l'ultime acte, mais bien l'organisation générale de toute notreexistence, qui est existence-pour-la-mort : « Mais le fruit qui est au centre de tout, c'est la grande mort quechacun porte en soi...

», nous suggère très bien le poète, nous signifiant et nous indiquant que notre existencen'est pas franche de toute idée de mort, mais qu'elle la contient comme un noyau.

Dès lors, la certitude de ma mort,loin d'être certitude d'un décès, est adhésion spirituelle à cette structure mortelle appréhendée comme ossature del'individualité.

Or, l'adhésion spirituelle à la mort conçue comme structure a priori de la vie ne me condamne pasinéluctablement au désespoir et ne me frappe nullement d'une peine qui serait la discordance de la synthèsehumaine.

Ici, nous pouvons, sans doute, avec Heidegger, montrer que la certitude de la mort (comme formegénérale), loin de m'entraîner vers le désespoir, conduit à l'expérience du sens et d'une sereine sagesse.Avec Heidegger, effectivement, les termes d'expérience et de certitude (devant la mort) prennent une significationbien particulière (il s'agit d'une expérience non empirique et d'une saisie intime de la forme de toute mon existence).Ce que je rencontre, en cette certitude, ce n'est point le non-sens et le désespoir, mais le sens et l'authenticité.

Lacertitude de ma mort n'est pas saisie d'une catastrophe naturelle, d'un acte terminal qui me déposséderait de monessence et du sens de ma vie, mais bien appréhension de mon existence la plus vraie et la plus authentique.

Je mesaisis alors comme mortel dans mon noyau le plus intime et découvre dans cette mort le sens même de ma vie.

Voicila certitude de ma mort conçue désormais comme appréhension du sens, et non plus comme non-sens.

Dansl'angoisse devant la mort (l'angoisse n'est évidemment pas le désespoir), la réalité humaine est mise en présenced'elle-même et livrée à sa possibilité indépassable.

La certitude de la mort, dont nous parle Heidegger, devient cellede la mort comme possibilité propre de l'homme et comme sens authentique de son existence.Ainsi, la certitude de ma mort, loin de me livrer au non-sens et au désespoir, à la discordance de ma synthèseprofonde, à une détresse infinie désorganisant le moi, apparaît comme le chemin d'une sagesse purifiée de toutdésespoir : sagesse de détachement à l'égard des fins humaines, refus de vivre ces fins dans l'absolu, etc.

A lalimite, la certitude de ma mort débouche sur « l'ataraxie », l'indifférence spirituelle.

Loin d'être désespoir, elle estdonc conquête du sens, non point dévastation et désagrégation, mais sérénité du pour-soi s'atteignant dans satranscendance spirituelle.

Dans l'expérience de la mort, il y a bien une saisie du néant, mais cette saisie du néantme renvoie à l'Être le plus profond de l'existant. C) Synthèse. Que la certitude de ma mort apparaisse comme une croyance (paradoxale) disloquant ma synthèse profonde etm'entraînant en une infinie détresse, ou bien qu'au contraire elle apparaisse comme ce surgissement du sens mêmede ma vie et de l'Être, surgissement exempt de tout désespoir, ces deux propositions nous apparaissent dans leurunilatéralité aussi insuffisantes l'une que l'autre, et il convient, peut-être, de se soucier d'une synthèse réunifiant,en profondeur, ces deux énoncés.

Si la certitude de ma mort me frappe d'une peine absolue, ne permet, en aucuncas, l'accomplissement de la personne (thèse), ce non-sens mérite sans doute d'être questionné et dépassé.

Si, aucontraire, la croyance en ma mort devient une saisie totale du sens (antithèse), alors, certes, l'accomplissement dela personne semble sauvegardé et la production de l'homme par lui-même reste possible, mais alors le désespoirinhérent à la saisie de la mort semble totalement escamoté.

Telle nous semble être la « faiblesse » de la position deHeidegger, qui n'a peut-être pas aperçu le rôle fécond et cathartique du désespoir dans la mort.

Une synthèsesemble donc requise, qui n'oublie ni l'aspect structurel de la mort (elle est structure a priori), ni le désespoir inhérentà sa certitude.La certitude de ma mort est bien l'appréhension de la structure même de mon être, la saisie de la forme de monexistence.

Être certain de sa mort, cela signifie la tenir pour vraie en tant que forme indépassable de l'existence,mais cette saisie de l'être-pour-la-mort se donne, dans son noyau le plus vrai, comme désespoir.

La révélation de laforme de notre existence comme mortelle se vit d'abord comme non-sens et désespoir.

Il ne faut point, en effet,s'illusionner totalement sur le sens de la certitude de ma mort.

Certes, j'expérimente, au plus profond, masubjectivité dans la mort et je découvre en elle, le sens de mes projets et de mon projet fondamental.

Mais,découverte de la subjectivité, la mort est, en même temps, sacrifice de la subjectivité, triomphe de l'universel auxdépens de cette subjectivité, comme Ta fortement montré Hegel.

Dès lors, si la certitude de la mort est inséparabledu sentiment que le moi sera finalement sacrifié, il faut bien qu'il y ait, dans le sentiment de la mort, quelquedésespoir profond que Heidegger a occulté au bénéfice de l'angoisse, bien plus liée, ontologiquement, selon lui, à lamort, que ne le serait le désespoir.Mais que signifie le désespoir au plus profond de lui-même? Apparu dans la discordance et la rupture de la synthèsehumaine, le désespoir n'en reste pas moins traversé par l'espérance d'échapper à la mort, tant celle-ci paraîtincompréhensible au moi subjectif.

Le désespoir se distingue ainsi profondément de la désespérance, qui secaractérise par la perte de toute confiance et de toute ouverture sur l'avenir.

L'espérance est alors le moteur. »

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