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La conservation automatique du passé chez H. BERGSON

Publié le 09/01/2020

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Bergson analyse ici le processus de durée concrète, ou encore d'évolution, selon lequel le passé se prolonge dans le présent. L'étude de ce prolongement, qui constitue l'objet du texte, conduit à une nouvelle conception de la mémoire et de l'oubli.

La durée est le progrès continu du passé qui ronge l’avenir et qui gonfle en avançant. Du moment que le passé s’accroît sans cesse, indéfiniment aussi il se conserve. La mémoire [...] n’est pas une faculté de classer des souvenirs dans un tiroir ou de les inscrire sur un registre. Il n’y a pas de registre, pas de tiroir, il n’y a même pas ici, à proprement parler, une faculté, car une faculté s’exerce par intermittences, quand elle veut ou quand elle peut, tandis que l’amoncellement du passé sur le passé se poursuit sans trêve. En réalité, le passé se conserve de lui-même, automatiquement. Tout entier, sans doute, il nous suit à tout instant : ce que nous avons senti, pensé, voulu depuis notre première enfance est là, penché sur le présent qui va s’y joindre, pressant contre la porte de la conscience qui voudrait le laisser dehors. Le mécanisme cérébral est précisément fait pour en refouler la presque totalité dans l’inconscient et pour n’introduire dans la conscience que ce qui est de nature à éclairer la situation présente, à aider l’action qui se prépare, à donner enfin un travail utile. Tout au plus des souvenirs de luxe arrivent-ils, par la porte entrebâillée, à passer en contrebande. Ceux-là, messagers de l’inconscient, nous avertissent de ce que nous traînons derrière nous sans le savoir. Mais, lors même que n’en aurions pas l’idée distincte, nous sentirions vaguement que notre passé nous reste présent.

H. Bergson, L’Évolution créatrice, P.U.F., coll. « Quadrige », 1981, pp. 4-6.

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« nous avons senti, pensé, voulu depuis notre première enfance est là, penché sur le présent qui va s'y joindre, pressant contre la porte de la conscience qui voudrait le laisser dehors.

Le méca­ nisme cérébral est précisément fait pour en refouler la presque totalité dans l'inconscient et pour n'introduire dans la conscience que ce qui est de nature à éclairer la situation présente, à aider l'action qui se prépare, à donner enfin un travail utile.

Tout au plus des souvenirs de luxe arrivent-ils, par la porte entrebâillée, à passer en contrebande.

Ceux-là, messagers de l'inconscient, nous avertissent de ce que nous traînons derrière nous sans le savoir.

Mais, lors même que n'en aurions pas l'idée distincte, nous senti­ rions vaguement que notre passé nous reste présent.

H.

BERGSON, L'Évo/ution créatrice, P.U.F., coll.« Quadrige», 1981, pp.

4-6.

POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE On attribue habituellement deux fonctions à la mémoire : la conservation des souvenirs et le pouvoir de les rappeler à la conscience.

On considère également que la mémoire ne peut conserver tout le passé.

Or Bergson nous invite ici à nous méfier de ces images empruntées à la pratique : la mémoire n'est pas un« magasin» pour la bonne rai­ son qu'elle n'est ni une faculté ni une fonction.

Elle ne range pas les souvenirs dans un tiroir, ne les inscrit pas sur un registre.

On n'a pas à demander comment la mémoire s'y prend pour ne pas oublier : « le passé se conserve de lui-même, automatiquement».

Ce qui est à expliquer, ce n'est pas la conservation des souvenirs, c'est l'oubli.

Ce n'est pas la mémoire, mais l'oubli, qui est une fonction pratique.

L'oubli est en effet commandé par l'action : nous refoulons dans notre inconscient les souvenirs qui pourraient gêner ou empêcher notre action présente et n'autorisons à franchir le seuil de la conscience que les souvenirs qui peuvent lui venir en aide.

La mémoire n'est donc pas le réservoir du passé, elle est notre passé tout entier qui se conserve.

Il faut admettre dès lors, contre une autre idée reçue, que la mémoire ne fait jamais revivre le passé -puisque celui-ci se conserve de lui-même; elle apprend au présent à vivre avec le. »

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