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La Culture Rend-Elle Meilleur ?

Publié le 22/02/2012

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On peut considérer notre temps comme un temps de haute culture : la complexité et le raffinement de nos inventions, la somme de connaissances dans tous les domaines, ou encore l'inventivité dont la modernité fait preuve en art et en littérature peuvent en apporter le témoignage. Il n'est cependant pas dit que les hommes d'aujourd'hui soient pour autant meilleurs que ceux qui les ont précédés : le siècle qui vient de s'achever n'a-t-il pas vu se succéder deux guerres mondiales, où atrocités et barbaries semblent s'être déchaînées sur une échelle à proprement parler inouïe ? Que nous soyons devenus meilleurs dans notre maîtrise du réel ? autrement dit plus efficaces ? est un fait ; mais que nous soyons devenus meilleurs absolument parlant ? c'est-à-dire sur le plan de la moralité ?, c'est ce dont nous pouvons à bon droit douter. Alors, la culture rend-elle meilleur ? Non seulement l'histoire humaine n'a pas mis fin aux guerres fratricides et à l'injustice, mais il semblerait qu'elle les ait rendues plus sophistiquées et plus hypocrites : aux bassesses des hommes civilisés, on serait alors tenté d'opposer la bonté de l'innocence, celle d'un homme que la société de ses semblables n'aurait pas perverti : celle d'un homme naturel, ou d'un bon sauvage. Pourtant, un tel homme en mériterait-il encore le nom ? Hors de toute culture, peut-on encore parler d'humanité ? Il nous faudra sans doute répondre à cette question par la négative : peut-être alors que la culture ne nous rend pas meilleurs, mais à tout le moins, on peut soutenir qu'elle nous rend hommes, c'est-à-dire capables du pire, sans doute, mais aussi du meilleur.
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« la liberté, à la vertu et au bonheur.

Qu'est-ce à dire, sinon que la culture est tout à la fois ce qui peut conduire aupire comme au meilleur ? Plus exactement : si la culture nous a rendus pires (c'est un fait), elle peut aussi nousrendre meilleurs (c'est un espoir et une exigence), à condition qu'on ait une idée claire de ce qu'on peut réaliser parson entremise.

« Où est le danger croît aussi ce qui sauve » disait le poète allemand Hölderlin : ce qui nous perdpeut aussi nous sauver. 3.

La culture comme humanisation de l'hommeOn voit donc que la culture ne se laisse pas aisément condamner.

Faisons même un pas de plus : il est vrai quel'histoire humaine comme processus de culture éloigne toujours plus l'homme de la nature, mais faut-il vraiment ledéplorer, autrement dit penser ce processus historique, à la manière de Rousseau, comme un mouvement dedépravation moral ?Car après tout, qu'est-ce que l'humanité si ce n'est précisément l'arrachement à la nature et l'institution d'un mondede culture ? Telle est du moins la position de Hegel : ce que Rousseau pense comme une perte de soi, on peut aucontraire le penser avec Hegel comme une conquête de soi : si l'histoire est bien une dénaturation progressive del'homme, elle est par là même le processus par lequel l'humanité, en sortant de la nature, se conquiert elle-même etsa liberté. 4.

Il n'y a pas d'homme naturelEt en effet, ce que Rousseau appelle « l'homme de la nature » non seulement est une pure abstraction qui necorrespond à aucun homme réellement existant (tous les hommes, quelle que soit leur culture, vivent en société),mais en plus cela réduit l'homme à une condition qui mérite tout au plus le nom d'animalité : en effet, qui vit d'unevie immédiate, inconsciente d'elle-même, repliée sur la seule satisfaction des besoins naturels, si ce n'est l'animal ?Parler d'un homme naturel est donc au fond une contradiction dans les termes, car qui dit homme dit rupture avec lanature ; cela signifie qu'on ne peut couper l'idée d'humanité de l'existence sociale, du travail comme transformationde la nature et de la conscience de soi.

Cela signifie aussi et surtout qu'une lecture du processus historique deculture autre que la lecture rousseauiste est possible : une interprétation qui ne lit pas l'histoire humaine comme unechute, mais comme une aventure, avec les risques que cela comporte : l'aventure de l'humanité lancée à laconquête de sa propre identité, pour le pire comme pour le meilleur. ConclusionIl n'est pas dit que la culture nous rende vraiment meilleurs ; il n'est pas dit non plus qu'elle nous rende plus justeset plus honnêtes dans nos rapports avec nous-mêmes ou avec nos semblables − qu'elle nous rende en un mot plusmoraux.

Mais ce qui est sûr, c'est qu'elle est ce par quoi l'homme est homme.

Il ne saurait donc être question devouloir en sortir ou la nier.

Mieux encore : si elle nous rend humains, si elle fait de nous des « consciences de soilibres » pour reprendre une expression de Hegel, cela signifie qu'il est de notre devoir − et en notre pouvoir − detoujours nous reprendre sur la tentation du vice : il est de notre responsabilité, précisément en tant qu'êtres deculture, de reconnaître et de vouloir le bien, bref, de nous rendre nous-mêmes meilleurs autant que possible.

Maisjustement, c'est là une exigence et une tâche qui nous est à chacun remise : si donc nous ne sommes pas à lahauteur, ce n'est pas la culture qui est en cause, mais nul autre que nous-mêmes.. »

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