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La dialectique des hiérophanies M. ÉLIADE

Publié le 26/01/2020

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La dialectique des hiérophanies

M. ÉL1ADE (1907-1986)

Historien des religions, Mircea Éliade cherche à dégager, à partir d’un nombre considérable de faits observés dans toutes les religions (monothéistes et autres, passées et présentes), des structures qui rendent compte des diverses modalités du sacré.

S’il est vrai que n 'importe quoi peut devenir une hiérophanie, et qu’il n’existe probablement aucun objet, ou être, ou plante, etc., qui n’ait été à un certain moment de l’histoire, en un certain lieu de l’espace, revêtu du prestige de la sacralité, il reste tout de même vrai qu’on ne connaît aucune religion ou race qui ait cumulé, au cours de son histoire, toutes ces hiérophanies. Autrement dit, il y a toujours eu, dans le cadre de n’importe quelle religion, à côté des objets ou des êtres profanes, des objets ou des êtres sacrés. (...) Il faut aller plus loin : quoiqu’une certaine classe d’objets puisse recevoir la valeur d’une hiérophanie, il y a toujours des objets dans cette classe qui ne sont pas investis de ce privilège. Là où l’on parle du prétendu « culte des pierres », par exemple, toutes les pierres ne sont pas considérées comme sacrées.

Nous rencontrerons toujours certaines pierres vénérées en raison de leur forme, de leur grandeur ou de leurs implications rituelles. Nous verrons d’ailleurs qu’il ne s’agit pas d’un culte des pierres, que ces piemes sacrées ne sont vénérées que dans la mesure où elles ne sont plus de simples pierres, mais des hiérophanies, c’est-à-dire autre chose que leur condition normale « d’objets ». La dialectique de l’hiérophanie suppose un choix plus ou moins manifeste, une singularisation. Un objet devient sacré dans la mesure où il incorpore (c’est-à-dire révèle) « autre chose » que lui-même. (...) Une hiérophanie suppose un choix, un net détachement de l’objet hiérophanique par rapport au reste environnant. Ce reste existe toujours, même lorsque c’est une région immense qui devient hiérophanique : par exemple, le Ciel, ou l’ensemble du paysage familier, ou la « patrie ». Le détachement de l’objet hiérophanique se fait en tout cas au moins au regard de lui-même, car il ne devient une hiérophanie qu’au moment où il a cessé d’être un simple objet profane, où il s’est acquis une nouvelle « dimension » : celle de la sacralité.

Mircea Éliade, Traité d'histoire des religions ( 1949), coll. « Bibliothèque historique », éd. Payot, 1987, pp. 24-25.

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