Notre vision de la jeunesse engage notre rapport à la mort, comme
aujourd'hui la publicité (Evian par exemple) fait recouvrir la vieillesse de la
notion même de jeunesse, notre idée de ce que c'est que vieillir et mourir s'en
retrouve compliquée. La jeunesse n'est donc pas un mot vide quoique flottant, il
est investi d'un sens, à la fois idéal et normatif.
III- Changement de perspectives ?
Il est possible qu'en ce nouveau siècle l'idée de la jeunesse
s'accompagne d'enjeux qui en bouleversent notre perception. Par exemple le
problème politique d'une éthique environnementale met en jeu un renversement :
avec la psychanalyse était thématisée l'idée d'une dette de la jeunesse
vis-à-vis du père (cf. Totem et tabou, les enfants dans les premières
sociétés tuent le père pour s'emparer des femmes mais éprouvent une culpabilité
qui fait s'instaurer à la fois les deux interdits : l'inceste et le parricide),
laquelle lui permettait de se construire ; tandis qu'aujourd'hui il semble que
ce sont les aînés qui se trouvent en situation de dette.
En effet, la responsabilisation des générations actuelles à l'égard
de l'écologie résonne tout autant comme une accusation : nous ne savons pas
assurer l'avenir de nos enfants, nous méprisons la jeunesse à venir, en les
privant d'un monde vivable et riche en espèce animales... Ainsi la jeunesse n'est
plus perçue comme prometteuse, retour éternel de la grâce et de l'insouciance.
Or dès lors que la dette s'est retournée ne sommes-nous pas dans une
impasse ? Si la jeunesse n'est plus ce capital, que nous pouvions chérir, envier
et sacrifier à l'autel des divinités ? Ce retournement témoigne t-il en faveur
de l'hypothèse suivant laquelle la jeunesse n'est qu'un mot ?
La jeunesse est un concept flottant, ce qu’il recouvre est laissé au jugement selon l’époque et la culture dont on parle. Mais qu’il s’agisse de la Grèce classique, du siècle des lumières ou du XXIe siècle la jeunesse demeure un enjeu, et fait s’interroger la cité toute entière en ce qu’elle est souvent prise pour symptomatique de ses propres maux.
Toutefois « jeunesse « ne semble pas tant désigner une population qu’un état, est-ce un état réel, et s’il n’est que celui-là, alors en quoi se distinguerait-il de l’adolescence ? N’est-ce pas tout autant un lieu symbolique par rapport auquel la philosophie ou la politique ont à se situer ? Ainsi, si la jeunesse n’est qu’un mot, encore faut-il comprendre combien la représentation de celui-ci peut peser dans la vie de la cité.