La justice est-elle de ce monde ?
Publié le 28/09/2005
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JUSTICE (lat. justifia, conformité au droit; sentiment d'équité)
Gén. Terme qui connaît maintes acceptions : il faut en effet d'abord distinguer la justice comme institution de fait (droit positif) de la justice en tant que conformité au droit naturel ou rationnel. La justice institution peut régir de façon injuste une société donnée : ce qui est légal n'est pas forcément légitime. Or, la justice peut encore se définir comme équité, c.-à-d. non plus simplement comme conformité au droit, mais comme juste application de la règle générale au cas particulier : elle est alors la vertu même de celui qui juge. Dr. L'institution judiciaire, composée des institutions publiques (tribunaux, ...) et des individu dont la fonction sociale est d'appliquer le droit positif. Mor. Si le droit positif peut être injuste, il faut distinguer légalité et légitimité ".La justice se définit alors plutôt comme respectueuse et garante de la dignité humaine. moralité. Phi. Aristote définit la justice comme cette vertu civique ou « disposition à accomplir des actions qui produisent et conservent le bonheur pour une communauté politique ». Or, la perfection de la justice est alors l'équité qui se soucie plus de l'esprit de la loi que de sa lettre. La vraie justice peut ainsi modifier la règle générale pour y substituer un décret. Elle est donc corrective en son essence. Voir: justice distributive.
Gén. Désigne d'abord un système bien ordonné. Puis simplement la Terre. Enfin, l'Univers tout entier. Méta. Ensemble de tout ce qui existe dans l'espace et dans le temps. Pour Kant, le monde est une des trois Idées de la raison pure (comme l'âme et Dieu ). En effet, l'Idée de monde dépasse le champ de toute Expérience possible si bien qu'on peut aussi bien affirmer que le monde est fini ou infini. antinomie. Exist. Horizon de sens pour la conscience. Le monde est d'abord pour l'homme l'horizon de son action, avant d'être objet de connaissance : il est dans le monde et non face au monde.
«
A/ D'une part, ne peut-on dire que le droit réalise, de manière imparfaite et perfectible, la justice ? Kant, dans L'idée d'une histoire universelle du point de vue cosmopolitique,affirme que le progrès infini du droit, progrès qui ne peut trouver de fin (ausens de terme final), est le signe d'une réalisation de la justice.
Or, l'idée dumonde, c'est-à-dire de l'unité de l'ensemble des phénomènes (la nature),appelle nécessairement l'idée de justice.
Le conflit des libertés (l'insociablesociabilité) conduit, par une sorte de « ruse de la nature », à la réalisation dudroit.
Or, celle-ci nous fait passer du domaine de la nature à celui de laliberté : la réalisation du droit devient ainsi le moyen de la moralisation deshommes (cf.
§83-84 de la Critique de la faculté de juger, et introduction parAlain Renaut, Aubier, 1995).Kant voit dans l'homme une dualité foncière, une sorte d'ambivalence qui caractérise lanature humaine, un antagonisme qui, à la fois, le dispose et le rend réfractaire à la viesociale.
C'est ce qu'il appelle la sociabilité insociable des hommes, «c'est-à-dire leurinclination à entrer en société, inclination qui est cependant doublée d'une répulsiongénérale à le faire, menaçant constamment de désagréger la société».
D'un côté,l'homme a conscience qu'à s'associer il y gagne de développer ses dispositionsnaturelles et de dépasser en lui l'individu.
Mais de l'autre, il a tendance à se détacher età tout diriger dans son sens.
Ce faisant, il sait qu'il rencontrera des résistances et il estainsi porté à surmonter son indolence.
Ainsi, sous l'impulsion de l'ambition, de l'instinct de domination, il se frayera une place au milieu de ses semblables, qu'il supporte mal mais dont il ne peut se passer.Kant considère que cet antagonisme est un bienfait de la nature, mais il ne se dissimule pas qu'à partir de l'établissement de fait decette société, il y aura une immense tâche à accomplir pour la «convertir en un tout moral», c'est-à-dire pour réaliser «une sociétécivile administrant le droit de façon universelle».
Le problème est, dans une société où la liberté, et par là même l'antagonismeentre ses membres, est au maximum, de leur assigner des limites qui permettent l'épanouissement des dispositions de chacun,c'est-à-dire de maintenir les fruits de l'insociabilité en la disciplinant socialement.
B/ D'autre part, la justice s'incarne dans l'action exemplaire Si le droit ne constitue qu'une réalisation imparfaite et perfectible de la justice en ce monde, la moralisation elle-même, bien que réelle, selon Kant, doit néanmoins aussi être considérée comme toujours à venir, au sens oùl'intention morale demeure identique à travers l'histoire (voir Kant, « De la fin dernière de toutes choses », in Théorieet pratique).
Aussi, on ne peut jamais considérer que le monde soit juste, bien qu'il y ait bien un progrès moral dansl'ordre de la liberté : l'intention morale considère toujours le monde comme insuffisamment juste, donc commeinjuste, ce pourquoi elle pousse le progrès à devenir perfectibilité infinie.
Ainsi, c'est dans l'action exemplaire que lajustice trouve une incarnation phénoménale, qui pousse elle-même d'autres hommes à suivre cet exemple dejustice : « jamais des préceptes généraux, que l'on peut avoir reçus de prêtres ou de philosophes, ou encore avoirtirés de soi-même, ne permettront d'atteindre tout ce que l'on obtient à travers un exemple de vertu ou desainteté, lequel, inscrit dans l'histoire, ne rend pas inutile l'autonomie de la vertu que l'on tire de l'Idée propre etoriginale de moralité » (Kant, §32 de la Faculté de juger ; cf.
aussi §59, « De la beauté comme symbole de lamoralité »).
La Révolution française est ainsi, pour Kant, le signe d'un progrès : la justice, en tant qu'idéal, est aussi une passionpossédant les hommes (le sentiment d'injustice éprouvé face à l'injustice) : « le véritable enthousiasme ne serapporte toujours qu'à ce qui est idéal » (§6 « D'un événement de notre temps qui prouve cette tendance morale del'humanité », 2 e section du Conflit des facultés de Kant).
Dès lors, si la justice est un idéal, elle ne prend son sens que dans l'enthousiasme véritable des hommes : bien qu'elle n'ait pas son origine dans le monde sensible, mais dansle monde intelligible, puisqu'elle ressort de l'ordre de la liberté, et non de celui de la nature, elle ne peut prendrepleinement sens qu'en s'incarnant par l'enthousiasme des hommes pour elle.
Conclusion Si la justice, en tant qu'idéal, n'est pas de ce monde, sa force et son effectivité ne proviennent que de la capacitédes hommes à la mettre en œuvre de manière exemplaire.
Des actions justes inspirent alors d'autres actions, et lecri du révolté fait vivre l'idéal en tant qu'idéal impérissable.
Collective, la révolte devient événement marquant dusceau de son effectuation un progrès possible du droit et de l'espèce humaine.
En tant qu'idéal, elle n'a pas sonorigine dans le monde sensible, mais dans le monde intelligible ; mais en tant qu'enthousiasme, elle ne peut trouverson effectivité que dans ce monde-ci..
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