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LA LANGUE ET LE STYLE DES PENSÉES : Le vocabulaire. — La syntaxe. — Les images». L'instinct dramatique.

Publié le 23/03/2011

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La façon d'écrire de Pascal est certainement l'application des règles et des principes que nous venons de définir. Mais elle n'y est point asservie ; elle conserve une liberté entière ; elle s'accorde avec le tempérament et l'instinct de l'écrivain, même quand elle se conforme à sa doctrine. Depuis. le vocabulaire jusqu'à la syntaxe, depuis la syntaxe jusqu'aux images et figures, tout, jusqu'à la ponctuation, vient du génie intérieur, avant de passer par la rhétorique et la réflexion.    Dès son enfance, le président Pascal, son père, lui avait enseigné « la raison des règles de grammaire «, nous dit Mme Périer. Elle ajoute plus loin : « Il avait une éloquence naturelle qui lui donnait une facilité merveilleuse à dire tout ce qu'il voulait ; mais il avait ajouté à cela des règles dont on ne s'était pas avisé et dont il se servait si avantageusement qu'il était le maître de son style, en sorte que non seulement il disait tout ce qu'il voulait, mais il le disait en la manière qu'il voulait et son discours faisait l'effet qu'il s'était proposé «.

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« Aussi le langage de Pascal est-il toujours actuel; il ne présente encore aujourd'hui rien de désuet ni de périmé, tantil est conforme au génie permanent du français. Un tel vocabulaire reste forcément assez restreint ; sans compter que la précision des termes en réduit encore lapuissance expressive.

Pour traduire toutes les impressions, toutes les nuances, et tous les mouvements, il faut doncrecourir à une syntaxe très souple et très adroite, à des « tours » nouveaux, à des images et à des figures. Examinons d'abord la syntaxe Pascalienne. J'appelle syntaxe les diverses manières de grouper, de séparer, d'unir et de désunir les mots selon le caractère deschoses qu'on veut leur faire dire. Les langues anciennes, le latin et le grec, avaient des syntaxes que nos langues modernes ne peuvent plus égaler. Les flexions grammaticales, l'accord des vocables, la concordance des mots et des temps, y fixaient les relationslogiques des idées ; la place des mots servait à mettre en relief les idées et les sentiments ; ainsi dans les premiersvers de l'Enéide : Arma virumque cano,Trojae qui primus ab orisItaliam, fato profu gus,Laviniaque venitLittora, les flexions, remplaçant la construction, expliquent le sens : « Je chante les combats et le héros qui vint le premierdes bords de Troie, jusqu'en Italie et aux rives de Lanivum ».

L'ordre des mots, en revanche, appelle et range dansnotre sensibilité et notre mémoire, les images principales et les idées sans souci de la logique grammairienne : descombats...

un héros..., un poème..., Troie..., l'Italie. Cette puissance expressive obtenue par l'ordre où l'on range les mots, c'est-à-dire par la syntaxe, est un tour deforce chez nous, où la place de chaque terme est liée à son rôle grammatical, et commandée par son sens logique. Aussi les grands écrivains du XVIIe siècle qui se sont formés à l'école de la rhétorique latine lui ont-ils empruntél'ampleur et le déroulement de la période plutôt que ses effets pittoresques : Balzac, Descartes et Bossuet, ont lerythme cicéronien.

La période qui ouvre le Pro Archia et celle par où débute l'Oraison funèbre d'Henriette de France,sont du même rythme. Pourtant les modernes n'ont pas toujours renoncé à avoir une syntaxe « expressive ».

Michelet au XIXe siècle, n'apas craint de briser la phrase et parfois de la réduire à des formes exclamatives ou elliptiques.

Au XVIe siècle,Montaigne s'est ingénié à assouplir et à diversifier ses rythmes ; il a même inventé une ponctuationextraordinairement illogique, afin de former des groupes de mots pour l'oreille et l'imagination, dans l'intérieur mêmed'une période régulière. Mais un écrivain pur, sans effort, ni déformation, a inventé, en français, une syntaxe pittoresque : la pluspittoresque à la fois et la plus intellectuelle des syntaxes, c'est Pascal : Voici un premier exemple élémentaire : Le nez de Cléopâtre, s'il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé (162). Il y a dans cet exemple une anacoluthe.

L'anacoluthe est en effet, le procédé le plus familier à la syntaxePascalienne ; elle remplace par une brisure et une soudure l'habituel c'est...

qui..., dont l'usage est si lourd. Pascal la redouble parfois : Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la fin des choses et leurs principes sont pour lui invinciblementcachés dans un secret impénétrable — également incapable de voir le néant d'où il est tiré et l'infini où il estenglouti (72). A ce procédé de l'anacoluthe, Pascal ajoute souvent l'accumulation des détails présentés un à un, comme isolémentet sans liens : Un homme dans un cachot — ne sachant si son arrêt est donné — n'ayant plus qu'une heure pour l'apprendre —cette heure suffisant s'il sait qu'il est donné pour le faire révoquer — il est contre nature qu'il emploie cette heure lànon à s'informer de l'arrêt donné, mais à jouer au piquet (200). Ce dernier exemple révèle dans le style de Pascal, un souci très grand d'équilibre.

L'architecture de la périodedevient « artiste ».. »

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