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La liberté chez les Anciens et les Modernes de B. CONSTANT

Publié le 05/01/2020

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La liberté chez les Anciens et les Modernes

B. CONSTANT (1767-1830)

 

La vie publique, chez les Anciens était plus importante que la vie privée. Aussi ta liberté n 'avait-elle pas te même sens chez eux que chez nous.

 

L’avantage que procurait au peuple la liberté, comme les anciens la concevaient, c’était d’être au nombre des gouvernants ; avan-' tage réel, plaisir à la fois flatteur et solide. L’avantage que procure au peuple la liberté chez les modernes, c’est d’être représenté, et de concourir à cette représentation par son choix. C’est un avantage sans doute, puisque c’est une garantie ; mais le plaisir immédiat est moins vif : il ne se compose d’aucune des jouissances du pouvoir ; c’est un plaisir de réflexion : celui des anciens était un plaisir d’action. Il est clair que le premier est moins attrayant ; on ne saurait exiger des hommes autant de sacrifices pour l’obtenir et le conserver.

 

En même temps ces sacrifices seraient beaucoup plus pénibles : les progrès de la civilisation, la tendance commerciale de l’époque, la communication des peuples entre eux, ont multiplié et varié à l’infini les moyens de bonheur particulier. Les hommes n’ont besoin, pour être heureux, que d’être laissés dans une indépendance parfaite sur tout ce qui a rapport à leurs occupations, à leurs entreprises, à leurs sphères d’activité, à leurs fantaisies.

 

Les anciens trouvaient plus de jouissance dans leur existence publique, et ils en trouvaient moins dans leur existence privée : en conséquence, lorsqu’ils sacrifiaient la liberté individuelle à la liberté politique, ils sacrifiaient moins pour obtenir plus. Presque toutes les jouissances des modernes sont dans leur existence privée : l’immense majorité, toujours exclue du pouvoir, n’attache nécessairement qu’un intérêt très passager à son existence publique. En imitant les anciens, les modernes sacrifieraient donc plus pour obtenir moins [...] Le peuple le plus attaché à sa liberté, dans les temps modernes, est aussi le plus attaché à ses jouissances ; et il tient à sa liberté surtout, parce qu’il est assez éclairé pour y apercevoir la garantie de ses jouissances.

 

Benjamin CONSTANT, De l'esprit de conquête in Oeuvres, coll. «Bibliothèque de La pléiade», Gallimard, 1957, p. 1044.

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« POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE La démocratie athénienne était une démocratie directe.

La démocratie aujourd'hui est une démocratie représentative, celle-là même que Rousseau n'a pas de mots assez durs poÜr critiquer.

C'est que pour Rousseau la liberté politique vaut tous les sacrifices.

Benîamin Constant affirme ici que les Modernes ne sont pas prêts à de tels sacrifices, parce qu'ils placent leur liberté dans la vie privée.

La liberté politique n'est plus l'exercice du pouvoir, comme lieu d'une jouissance immédiate, mais la garantie indirecte des jouissances privées.

Le lien entre liberté et bonheur est donc un lien plus abstrait : il réclame par conséquent que le peuple soit suffisamment éclairé.

Il doit pouvoir comprendre, par exemple, que l'intérêt général est aussi, indirectement, le sien.

Il paraît légitime de revendiquer le droit à une existence privée.

Mais le risque est alors que la distance entre le pou­ voir et les citoyens devienne telle que le pouvoir ne puisse plus être contrôlé ou que les citoyens perdent leur vigilance et le sens de la liberté.. »

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