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la matière et l'esprit

Publié le 07/12/2012

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esprit
L'étude du couple de notions "matière et esprit" offre assurément à l'esprit une riche et complexe matière... Remarque qui veut attirer l'attention d'emblée sur deux points d'importance majeure. Elle suggère d'abord que l'étude de ce couple est, comme telle, l'affaire de l'esprit, qui en est lui-même l'un des éléments. Vient par là aussitôt en question le sens du "et" qui constitue les deux notions en couple : la simple juxtaposition que, de fait, ce terme établit entre elles, apparaît comme illusoire s'il est vrai que l'examen du couple, et l'existence même de celui-ci comme objet d'examen, n'ont de sens et de réalité que pour l'un de ses composants. Un décalage significatif devrait être reconnu, dès le principe, entre ces derniers, et en ce décalage pourraient commencer de se révéler certaines des caractéristiques essentielles de chacun d'eux : peut-être l'aptitude à voir et à questionner tout à la fois soi-même et son autre comme tels est-elle, précisément, l'apanage de l'esprit et l'indice de son immatérialité ; et peut-être la matérialité de la matière ne consiste-t-elle en rien d'autre, pour sa part, qu'en l'inertie et l'extériorité à soi, se reconnaissant précisément à l'incapacité d'être sujet (et non seulement objet) d'une interrogation, que ce soit sur soi-même ou sur autre chose.La remarque suggère en outre que toute matière n'est peut-être pas matérielle : si le couple "matière et esprit" donne à l'esprit matière à réflexion, ce n'est évidemment pas au sens d'un substrat corporel, physique ou sensible, mais au sens d'un objet dont le caractère immatériel s'impose, au contraire, comme une évidence. Faut-il y voir un simple jeu de mots, et considérer que la "matière" dont il s'agit là n'a de sens de figuré ? Ou faut-il admettre la possibilité et la réalité d'une matière de l'esprit, propre à l'esprit - non celle qui lui est autre et extérieure mais celle qu'il se donnerait à lui-même comme son contenu ? A cet égard l'enjeu est double : il s'agit de savoir d'une part si la notion de matière admet une définition univoque, et d'autre part si l'esprit, de son côté, est à envisager comme une forme ou une organisation de formes, en soi vide, devant trouver son "application" ou son "remplissement" à l'extérieur de soi (selon une représentation devenue commune depuis Kant).Telles sont quelques-unes des principales questions que nous examinerons, en nous appuyant essentiellement sur les pensées de Hegel et de Claude Bruaire, deux des rares auteurs de l'histoire de la philosophie à avoir fait de l'esprit un thème majeur et explicitement problématisé de leur réflexion. Objectivité et subjectivité de l'espritPartons de la notion d'esprit, pour voir si, précisément, "esprit" est une simple notion, ou s'il faut y voir un véritable concept, offrant une signification universelle et nécessaire par-delà la diversité de ses emplois. Et commençons pour ce faire par envisager ce que l'on peut appeler son sens objectif : celui dont il s'agit lorsque l'on parle de l'esprit de quelque chose. Esprit d'un texte ou d'une loi, par opposition à leur lettre ; esprit d'une institution, d'une époque, ou encore d'une oeuvre : chaque fois le terme d'esprit veut exprimer une double altérité.D'une part en effet, l'esprit est à entendre comme l'autre du sensible, puisque, précisément, ce qui est perçu (vu, entendu, etc.) est alors appréhendé comme renvoyant à du non perceptible. D'autre part l'esprit est invoqué comme l'autre du concept ou de l'idée : même un système conceptuel peut se voir reconnaître un "esprit", alors irréductible à ce que la raison, comme faculté de formuler et de lier des concepts, peut en saisir.Ainsi par exemple d'une institution ou d'une époque. Elles sont manifestées au travers d'une matérialité sensible (lieux, bâtiments, emblèmes ; objets, vêtements, événements, etc. ) ; elles sont en outre articulées en concepts définis et liés entre eux : le législatif et l'exécutif, par exemple ; des principes, croyances, idées ou idéaux, etc. Mais l'esprit de l'institution ou de l'époque est encore autre chose que cet ensemble de manifestations sensibles et de notions ou d'idées. Il s'offre à intuitionner comme une sorte de climat, d'ambiance, d'atmosphère, une orientation aussi, qui anime l'ensemble de ces éléments et les unifie, les rassemble et fait d'eux les aspects d'un même et unique tout, sans se confondre avec eux. Et ni la perception sensorielle ni l'analyse conceptuelle ne le peuvent rencontrer, alors même que sa présence semble irrécusable. L'écart entre le spirituel et le conceptuel apparaît d'autant plus nettement qu'il est manifesté au sein de cela même qui semble relever du seul concept : le discours philosophique. Deux illustrations, parmi bien d'autres, peuvent en être proposées. L'intuition originaire dont parle Bergson[1], tout d'abord, se présente comme ce qui engendre et anime un système philosophique sans pouvoir être identifié à l'un de ses éléments. Elle est ce dont le système n'est que le déploiement (et correspond alors à l'image du germe), mais aussi ce en quoi le système se déploie (et c'est alors l'image du milieu ambiant qui convient) : car cette "intuition" n'est pas seulement située au début, comme un point de départ dont on se séparerait ensuite, mais elle ne cesse de diffuser l'atmosphère particulière en laquelle le système baigne, et dont, pour ainsi dire, il se nourrit. L'esprit de l'athéisme, étudié avec tant de rigueur et de précision par Dominique Folscheid[2] (en écho à l'esprit du christianisme étudié par le jeune Hegel), s'offre de son côté comme ce qui s'incarne et se particularise en une multiplicité de figures qui sont autant de systèmes ou de doctrines, tout en restant irréductible à chacune et pouvant toujours en engendrer de nouvelles : l'esprit, ici, est source que ne peut épuiser ce qui en découle, et aussi bien milieu ambiant en lequel les divers systèmes ne cessent de se tenir ensemble.En bref, l'esprit ainsi entendu en son sens "objectif" présente les caractères essentiels suivants : il anime, unifie, réunit aussi bien des éléments sensibles que des idées ou des pensées, tout en restant irréductible à ce qu'il anime et unifie. C'est comme un mode spécifique d'articulation entre unité et multiplicité qu'il s'offre ainsi tout d'abord. Plus précisément, c'est la dimension de la singularité qui paraît le caractériser en propre ; non par exclusion de la particularité et de l'universalité, mais par la médiation et le rassemblement en soi de celles-ci : ainsi comprend-on que Hegel ait vu dans l'esprit l'autre de la nature (particularité sensible) et du logique (universalité conceptuelle), mais aussi leur irréductible principe d'unité, de constitution en singularités vivantes. En quoi l'on retrouve enfin les traits décisifs de la belle et ancienne notion d'âme : impalpable et insaisissable, celle-ci est pourtant ce sans quoi tout se séparerait et se figerait. Mais l'esprit, se distinguant en cela du principe de la simple vie, est bien à entendre ici comme relevant de l'intelligible, du sens : intelligibilité et signification qui, pour ne pas être intégralement traduisibles en concepts, ne s'offrent pas moins à intuitionner par l'intelligence. Elles n'ont de réalité que pour cette dernière. Ainsi l'esprit de l'époque, du système, de l'institution, n'existe que pour et par l'esprit entendu comme sujet, que lui-même n'est point ; car il n'est qu'intuitionné mais non intuitionnant, intelligible mais non intelligent. Sauf à se payer de mots, on ne peut lui reconnaître de subjectivité qu'en un sens tout approximatif, correspondant à son statut de source de mouvement, d'animation, mais qui reste inassimilable à celui d'un sujet conscient, voulant et pensant. Ainsi, chez Hegel, de l'Etat, du Zeitgeist ou du Weltgeist, figures de l'esprit objectif qui toutes auront à trouver en des personnes (le Roi, le "grand homme") la puissance du penser et du vo...

esprit

« qui est perçu (vu, entendu, etc.) est alors appréhendé comme renvoyant à du non perceptible.

D'autre part l'esprit est invoqué comme l'autre du concept ou de l'idée : même un système conceptuel peut se voir reconnaître un "esprit", alors irréductible à ce que la raison, comme faculté de formuler et de lier des concepts, peut en saisir. Ainsi par exemple d'une institution ou d'une époque.

Elles sont manifestées au travers d'une matérialité sensible (lieux, bâtiments, emblèmes ; objets, vêtements, événements, etc.

) ; elles sont en outre articulées en concepts définis et liés entre eux : le législatif et l'exécutif, par exemple ; des principes, croyances, idées ou idéaux, etc.

Mais l'esprit de l'institution ou de l'époque est encore autre chose que cet ensemble de manifestations sensibles et de notions ou d'idées.

Il s'offre à intuitionner comme une sorte de climat, d'ambiance, d'atmosphère, une orientation aussi, qui anime l'ensemble de ces éléments et les unifie, les rassemble et fait d'eux les aspects d'un même et unique tout, sans se confondre avec eux.

Et ni la perception sensorielle ni l'analyse conceptuelle ne le peuvent rencontrer, alors même que sa présence semble irrécusable.

L'écart entre le spirituel et le conceptuel apparaît d'autant plus nettement qu'il est manifesté au sein de cela même qui semble relever du seul concept : le discours philosophique.

Deux illustrations, parmi bien d'autres, peuvent en être proposées.

L'intuition originaire dont parle Bergson[1], tout d'abord, se présente comme ce qui engendre et anime un système philosophique sans pouvoir être identifié à l'un de ses éléments.

Elle est ce dont le système n'est que le déploiement (et correspond alors à l'image du germe), mais aussi ce en quoi le système se déploie (et c'est alors l'image du milieu ambiant qui convient) : car cette "intuition" n'est pas seulement située au début, comme un point de départ dont on se séparerait ensuite, mais elle ne cesse de diffuser l'atmosphère particulière en laquelle le système baigne, et dont, pour ainsi dire, il se nourrit.

L'esprit de l'athéisme, étudié avec tant de rigueur et de précision par Dominique Folscheid[2] (en écho à l'esprit du christianisme étudié par le jeune Hegel), s'offre de son côté comme ce qui s'incarne et se particularise en une multiplicité de figures qui sont autant de systèmes ou de doctrines, tout en restant irréductible à chacune et pouvant toujours en engendrer de nouvelles : l'esprit, ici, est source que ne peut épuiser ce qui en découle, et aussi bien milieu ambiant en lequel les divers systèmes ne cessent de se tenir ensemble. En bref, l'esprit ainsi entendu en son sens "objectif" présente les caractères essentiels suivants : il anime, unifie, réunit aussi bien des éléments sensibles que des idées ou des pensées, tout en restant irréductible à ce qu'il anime et unifie.

C'est comme un mode spécifique d'articulation entre unité et multiplicité qu'il s'offre ainsi tout d'abord.

Plus précisément, c'est la dimension de la singularité qui paraît le caractériser en propre ; non par exclusion de la particularité et de l'universalité, mais par la médiation et le rassemblement en soi de celles-ci : ainsi comprend-on que Hegel ait vu dans l'esprit l'autre de la nature (particularité sensible) et du logique (universalité conceptuelle), mais aussi leur irréductible principe d'unité, de constitution en singularités vivantes.

En quoi l'on retrouve enfin les traits décisifs de la belle et ancienne notion d'âme : impalpable et insaisissable, celle-ci est pourtant ce sans quoi tout se séparerait et se figerait.

Mais l'esprit, se distinguant en cela du principe de la simple vie, est bien à entendre ici comme relevant de l'intelligible, du sens : intelligibilité et signification qui, pour ne pas être intégralement traduisibles en concepts, ne s'offrent pas moins à intuitionner par l'intelligence.

Elles n'ont de réalité que pour cette dernière.

Ainsi l'esprit de l'époque, du système, de l'institution, n'existe que pour et par l'esprit entendu comme sujet, que lui-même n'est point ;. »

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