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La méchanceté peut-elle être volontaire ?

Publié le 17/09/2015

Extrait du document

Même dans les conditions les plus normales, l’exercice de la raison est constamment contrarié ou entravé. Nous sommes « gouvernés par nos appétits et nos précepteurs » (Descartes). En d’autres termes, nous sommes soumis à l’autorité des sens et à celle de la coutume. C’est-à-dire qu’il nous devient fort difficile de reconnaître que le bien et le mal sensibles, le plaisir et la douleur, les biens et les maux que nous représente le préjugé, ne constituent pas, en définitive, le Bien et le Mal absolus, les seuls que nous ayons à poursuivre et à éviter.

 

Pourtant, dira-t-on encore, le mal n’est pas seulement le fait d’être ignorants et incultes. Ceux-là même dont les convictions morales sont les plus assurées, les mieux fondées en raison, sont-ils à l’abri de toute défaillance? Video meliora proboque...

 

Sans doute, mais cela tient à ce que l’homme est un être intermittent. Son attention, sa pensée, sont soumises à la loi du temps. Il est naturellement oublieux. Les vérités les plus évidentes, quand j’y applique mon attention, je n’en ai plus à d’autres moments qu’un souvenir lointain. Il en est pratiquement comme si je les avais oubliées. Elles n’ont plus l’efficacité suffisante pour réduire les mouvements violents du ilésir ou de la crainte. D’où cette conséquence que le Bien nous apparaîtra à nouveau sous l’aspect ingrat du Devoir.

 

Ici encore, par conséquent, la possibilité du mal apparaîl liée à une ignorance, non plus radicale, mais momentanée : oubli, distraction...

 

Que l’on y réfléchisse cependant. Nos fautes procèdent souvent, il est vrai, des « éclipses » que subissent nos convictions morales. Elles se ramènent ainsi, encore une fois, à 'une erreur. Mais de cette erreur même, ne sommes-nous pas parfois responsables? La défaillance du jugement n’est-elle pas d’abord une défaillance de la volonté ? Il dépend de notre vouloir, en effet, que l’attention se fixe sur certaines vérités ou qu’elle s’en détourne. La rectitude du vouloir dépend de la lucidité de l’esprit, mais il n’y aura jamais de lucidité d’esprit s’il n'y a d’abord la volonté primordiale d’y voir clair.

« TH~:OHIES ~!OlL\LES ici, l'on répondra aioément que le motif de no:; infractions à la loi morale c'est généralemmlt 1 'attrait dolent de quelque satisfaction - puissance, plais:r, richesse - que nous pensons ne pouvoir obtenir que par là.

Bn d'autres termes, la conduite immorale s ·explique par la visée de quelque intérêt.

Tel avantage, tel plaisir, nous est apparu as,sez désirable, assez précieux pour être acquis au prix d ·une faute ou même d ·un crime.

:'loUis avons ainsi une première interprétation de la maxime platon:cienue : nous n'accomplissons pas une action J!al ce qu'elle est mauvaise; nous l'accom­ plissons bien qu'elle soit mauvaioe.

L'on ne fait donc pas le mal vol oH· tairement en ce sens que ce n'est pas le mal qu'on veut.

Mais la pem3ée de l'LATO=" Ya, en réalité, beaucoup plus loin.

ll \eut dire que, si nous avions pleinement conscience de ce qu ·est le mal, nous ne saurions l'aœomplir.

Le mal ne peut être accompli en :pleine connais,sance de cause, il ne peut être le fait d'un· esprit vraiment lucide.

Chaque fois, donc, qu ·un acte mauvais est commis, cela implique de la part de sün auteur ignorance, erreur sur sa véritable nature.

11 semble donc que nous nous relrouYions devant la difficulté que nous rerwontr:ons au début.

Coniment justifier une telle assertion P :\:Dtre propre expérience morale, les aveux que nous recueillons parfois de la bouche de nos semblables, tout cela ne nous oblige-t-il pas à reconnaitre qu ïl y a de V1'ais coupables, des fautes véritables, et pas seulement de" erreur,s P A la Yérité, on ne peut tenter de résoudre la difficulté que si l'on replace l'affirmation paradoxale de PLATO:'i dans son contexte, c'est-à-dire si 1 'on se réfère à une vue d'ensemble de sa philosophie.

En effet, la morale de PLATO:' apparait comme un corollaire d,~ ~a méta­ physique.

Elle dépend étroitement de la conception qu'il se fait de 1 'homme et de sa nature.

D'une vue juste de lit nature de l'homme, découlent immé­ diatement loo normes d'une conduite vertueuse.

La vertu, en effet, apparait ici comme l'accomplissement, la perfection de la ~ature.

C'est dans la pratique de la vertu que nos tt•tHlances et nos aspirations authentiquement humaines trouyent leur réalisation.

Au contraire, la morale traditionnelle est généralement cow::tc comme une d:scipline autonome, comme un s~·stè·mc clos de jugements et de Eentiments.

Elle n'implique pas nécessairement une attitude mdaph~·siqne bien déterminée, ni des vues bien distinctes sur l'homme, sa nature, Ea destinée.

Dès lors, la morale imprime à notre conduite une orien talion qui semble étrangère, et souvent même d:rectement oppm:ée à celle qui ré::ul­ terait du jeu de nos tendances naturelles.

Ainsi, les notions de Dien et de ~la! vont prendre dans les deux srsti•mes ul!le signification différente.

Pour la morale traditionnelle, le Bien comme valeur morale, le Bien comme qualification d'un acte, et, d'autre part, le bien-avantage.

le bien­ bénéfice d'un acte.

so,nt deux notinns radicalement hétérogènes.

Yolont:ers, même, on les oppnse, et l'on pense que le bien moral ne peut être réalisé que par la renonciation aux biens objets de nos désirs et de uos tendances.

Pour PLATON, au contraire, la volonté humaine n'est pas partagée entre deux biens qui s'excluent, le bien comme désirable - Je bonheur ~ et le bien comme louable - la vertu.

Il n'y a qu'un Bien pour 1 'homme, qui e:;:ot de réaliser complètement sa nature d'homme, c'est-à-dire celle d'un être en qui la raisün impose sa loi à l'appétit et à l'instinct.

Il n'y a qu'un Bien pour 1 'homme qui est de s 'acoomplir, et la vertu est cet accomplis­ sement même.

Vertu et bonheur s'identifient donc au lieu ne s'opposer.. »

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