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La Morale a-t-elle un fondement métaphysique ?

Publié le 12/11/2016

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morale

II. — LE KANTISME.

 

Sera-ce le kantisme ? Peut-être. Quand on parle de « fondement métaphysique de la Morale », c’est principalement au kantisme que l’on songe. Dans un ouvrage célèbre, Fondements de la Métaphysique des mœurs, Kant repousse toute conception de la moralité qui s’appuierait sur l’expérience de la vie ; il dénie toute valeur morale à l’acte dont la motivation serait autre que la pure obéissance à la loi (morale). C’est l'impératif catégorique. Or, l’impératif catégorique est de r~?.ture métaphysique, puisqu’il rattache la volonté à la loi « par une liaison synthétique a priori », ce qui signifie précisément que ce n’est pas l'examen des buts qui nous déterminerait.

 

Mais d’où vient cette loi, donnée par la « raison pratique » (conscience morale ?) Otez l’hypothèse, ou, si l’on préfère, le postulat implicite d’une raison donnée à l’Homme par Dieu, et tout devient incompréhensible. En ne supposant pas Dieu, il faudrait penser que l’individu croit découvrir comme des « évidences » intérieures ce qui, en réalité, lui est, à son insu, inspiré par les mœurs de son temps et de son clan (ainsi, nous saisirions pourquoi telles pratiques qui, aujourd’hui, chez nous, seraient choquantes ou horribles, apparurent comme des devoirs en d’autres temps et d’autres lieux aux consciences individuelles)... Dans une conjoncture plus heureuse, il serait permis de croire que l’éducation, les explications rationnelles justifiant la règle (par ses conséquences et ses incidences) font pénétrer dans l’intelligence le bien-fondé de cette règle ...

 

S’agit-il de l’« universalisation possible de la maxime » comme critère ? Ici encore, on pensera que la considération des conséquences bonnes ou mauvaises pour l’agent moral lui-même et pour la société où il vit éclaireront et décideront la volonté de bien faire. Et alors nous ne sommes plus en face d’une loi qui commande parce qu’elle est la loi, sans que nous sachions d’où elle vient...

 

Encore une fois, la morale kantienne, nous ne nous lasserons pas de le répéter, serait inintelligible si on la séparait de la croyance chrétienne qui la sous-tend. Le piétisme, au sein duquel le jeune Kant fut élevé (aussi bien dans sa famille qu’au collège) est une forme particulièrement austère du protestantisme luthérien, insistant sur le caractère personnel de la religion, sur une sorte de Révélation intérieure et non plus historique.

 

La morale kantienne est-elle, comme on l’a dit, un « simple démarquage ” de la morale religieuse ? Le terme nous paraît injuste. Nous pensons que c’est autre chose, de plus noble et de plus respectable : un souci de pureté, de rigueur. Tâchons de rendre sensible cette idée par des exemples familiers : quelqu’un nous comble soudain de gracieusetés, qui nous charment et nous surprennent ; puis, peu après, nous nous apercevons qu’il avait besoin de nous, qu’il attendait une faveur ou un service... Lui serons-nous, alors vraiment reconnaissants de ses

I. — MORALE, RELIGION, MÉTAPHYSIQUE.

 

Comment l’Homme doit-il se diriger dans la vie ? Que doit-il éviter ? Que soit-il s’appliquer à faire ? Quelle doit-être la conduite des hommes entre eux ? Et la conduite des Nations entre elles ?

 

Voilà l’objet de la Morale. Elle suppose des jugements de valeur, une intelligence des situations, une volonté de bien faire.

 

Faut-il chercher dans l’Absolu un «fondement» à ces jugements de valeur ?' C’est ce qu’ont pensé beaucoup de philosophes classiques.

 

Certes, les rapports de la Morale avec la Religion nous paraissent normaux et cohérents. L’Absolu, dans ce cas, prend son véritable nom, qui est Dieu, un Dieu personnel, créateur, législateur et souverain juge. Pour les chrétiens, la Révélation s’est faite en deux fois : la loi dictée par Moïse n’était que provisoire ; Jésus-Christ l’a complétée ; il a promulgué la loi définitive. Et la doctrine évangélique diffère sur plus d’un point de la doctrine biblique (Exode, Lévitique, Deutéronome). Une idée domine la morale évangélique : sans doute le bonheur intéresse l’Homme ; mais le bonheur n’est pas de ce monde. La préoccupation du salut, voilà ce qui doit orienter sa conduite et ses actions, lui faire cultiver la simplicité du cœur, l’humilité, la pureté. Le Christ abolit la dure loi du talion. Il recommande d’aimer même ses ennemis. A la morale judaïque de la justice vengeresse, l’Évangile substitue la morale de la charité, c’est-à-dire de l’amour, — et du pardon. « Aimez-vous les uns les autres » ; ne résistez pas au mal par le mal ; maintenez la pureté de votre cœur : tout est là...

 

La Religion apporte à la Morale, chez le croyant sincère, un élan, une ferveur, qui sont un élément majeur de la moralité. Tous les grands moralistes — même parmi les agnostiques — préconisent et prêchent cet élan, cette foi dans la valeur de l’action morale, dont les religions révélées ont donné le modèle.

 

Est-ce à dire que la moralité n’existe pas spontanément chez l’incroyant ? L’affirmer serait une erreur et une intolérance. La Morale, aimait à répéter G. Belot, n’exige rien d’absurde. Elle peut donc

morale

« MORALE.

- RELIGION, MÉTAPHYSIQUE 249 s' enseigner et se pratiquer pour elle-même, comme une volonté de sociét é, comme une logûzue de l'acti on.

Que si, avons-nous dit (cf.

notre chap.

sur le Devoir), des motivations d'un autre ordre s'y ajoutent, s'y superposent, tant mieux ! L'essentiel, en Morale, ce sont -humainement parlant -les résultats, les actes.

Si vous agissez bien, vais-je vous demander de quel droit vous agissez bien ? Et si quelqu'un agit mal, que nous importent ses conceptions doctrinales et la valeur de ces conceptions dans l'absolu ? Plus d'un chemin, disait Fr.

Rauh, mène à la moralité.

Il y a seulement des limites.

en quelque sorte latérales , entre lesquelles toute attitude morale est contenue .

Ces limites peuvent se déterminer ainsi : indépendamment de toutes considérations religieuses, mais sans aucune hostilité, sans aucune contradiction avec l'esprit qui les anime, on peut dire que le mal moral est tout ce qui porte préjudice à l'individu ou à la société.

Et non seulement les règles de conduite auxquelles aboutissent les plus différents " systèmes » se ressemblent curieu­ sement, mais encore (nous avons eu l'occasion de le voir) quand des prescriptions autrefois sacro-saintes ne sont plus comprises par le sens commun, elles tombent en désuétude.

L'expérience personnelle et celle des générations successives est à même de constater, par la force des choses, les bons effets, individuels et sociaux, de certaines conduites, dites > ou « vertueuses •, ainsi que les effets désastreux d'autres actes : vices, défauts, péchés ...

Bref, il y a une morale vivante, répondant à des problèmes parfois nouveaux , soulevés par une civilisation de plus en plus complexe.

Cette morale, c'est un ensemble de manières d'agir, dont les besoins humains, les légitimes exigences humaines posent les fins, et dont la pensée logique unie au désir du mieux, décide l'adoption.

En quoi la Métaphysique va-t-elle intervenir, à cet égard ? Mais surtout, en quoi sera-t -elle capable de fournir une motivation efficace ? Et ·puis, d'abord, quelle métaphysi que ? Car nous en avons plusieurs : presque autant que de métaphysiciens ...

Chaque fois qu'une métaphysique peut se flatter de se prolonger en éthique, c'est que, en fait, directement ou indirectement, elle se réfère à la divinité (quel que soit le nom dont elle se serve pour désigner Dieu).

Alors, ne devient-elle pas, du moins à cet égard, une thèse religieuse, avec cette différence qu'elle est dépourvue de chaleur et de vie, puisqu 'elle est spéculation raisonneuse, au lieu d'être élan de foi et d'amour ? ...

La Religion a cet avantage incontestable de s'adresser aux humbles, à la multitude des âmes ; elle est ouverte aux plus ignor ants aussi bien qu'aux plus doctes ; tandis que les métaphysiques, souvent fort abstr uses, ne s'ad ressent qu'à quelques esprits et sont donc dépourvues d' œcum énicité.

Enfin, répétons la question que nous venons, à l'instant, de poser : quelle métaphysique ?. »

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