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LA NATURE DE L'ACTION

Publié le 05/11/2011

Extrait du document

Agir, c'est transformer volontairement, par des gestes ou par des paroles, le monde extérieur. Le ministre appuie un doigt sur une sonnette; un courant passe, un bruit se propage; des hommes accourent. Il donne un ordre; une rue sera barrée, un puits creusé, une armée mobilisée. Le ministre et les exécutants ont agi. La transformation peut affecter le corps même de celui qui agit; le coureur s'entraîne et ses muscles s'affermissent; le malade ouvre une boite, avale un cachet et la douleur se dissipe; un désespéré appuie sur la gâchette et la balle le tue. Les hommes, en beaucoup de cas, ont délibéré avant d'agir, mais la délibération n'était pas action. Elle ne changeait rien; elle ne créait rien. Si un jeune homme me dit : « Je veux écrire un roman : je réponds : « Vous ne voulez pas écrire un roman; sinon vous seriez à votre table de travail et non ici. « Un projet ne devient action qu'au moment où il engendre des actes. Alors il cesse d'être un projet.

« Shakespeare lui-même, et en train d'écrire Hamlet.

Cette vue de l'action est très utile, car elle guérit l'homme, d'une part des velléités, c'est-à-dire d'apparences de volonté qui n'agissent point (« L'enfer est plein de vel­ léités ») (1) et, d'autre part, du scrupule intellectuel.

L'intelligence ne voudrait agir qu'après avoir tout prévu.

Comme il est impossible de tout prévoir, elle n'agiràit jamais.

Les entreprises qui réussissent ne sont.

pas celles que l'intelligence a préparées jusqu'au plus petit détail; ce sont celles qui ont avancé contre vents et marées.

Aristide Boucicaut ne s'est jamais dit « Je vais fonder le Bon Marché.

:.

Il a ouvert une petite boutique; elle a' grandi et il a manœuvré de son mieux en se servant des circonstances.

Louis Renault n..,a jamais pensé : « Je vais créer, à Billancourt, une usine géante.

:t Il a construit lui-même une première voiture, dans un atelier artisanal, au fond du jardin de ses parents.

J'entends bien qu'aujourd'hui des entreprises immen­ ses sont édifiées en partant de zéro.

Mais elles profitent d'actions et d'expériences antérieures, et d'ailleurs sont elles-mêmes amenées à modifier les plans au cours de l'action.

« Penser est facile; agir est dif­ ficile; agir suivant sa pensée est ce qu'il y a de plus difficile :t, disait Gœthe.

Car l'univers résiste à la pensée pure.

II.

-, - Fatalisme et déterminisme.

Transformer le monde ...

Tout de suite on se pose une question : « Est-ce possible ? :.

Certains pensent que cela parait seulement possible et qu'en fait les lois du monde extérieur commandent les actions qui le transforment.

Cette manière de penser a engendré deux philosophies.

Le fatalisme « est une disposition à croire que tout ce qui arrivera dans le monde est écrit ou prédit :., et que toutes nos actions ne sau­ raient faire manquer la prédiction, mais au contraire 'la réalisent.

Le destin d'Œdipe est de tuer son père et d'épouser sa mère; il en a horreur et pourtant il l'accomplit, sans le savoir.

Le fatalisme est une superstition forte et naturelle aux hommes, , comme on le voit par son ancienneté et par sa persis­ tance.

Un homme qui échappe à la mort par l'épaisseur d'un cheveu dira : « C'est que mon heure n'était pas encore venue.

» Les , devins, les faiseurs d'horoscopes font ( 1) BOURDALOUlll.

métier d'annoncer aux princes, et à tous, des destins immuables.

Ils ont toujours bien gagné leur vie, ce qui prouve qu'il y a peu de sages.

Le déterminisme est tout différent.

Il est né de la pratique et discipline des sciences .

Le monde dont nous faisons partie est sou­ mis à des lois.

Je le crois parce que je le constate.

Au moment où j'écris, les arbres ne sont que rameaux noirs sans feuilles; le sol est gelé, le champ nu.

Je sais que, dans quatre mois, les branches seront cou­ vertes de bourgeons, que les récoltes sor­ tiront de terre, et que l'air se réchauffera.

Je sais quelle sera, exactement, la position du soleil à midi; je sais que les constel­ lations, c!ous d'or qui dessinent des figures sur la voftte bleu-noir du ciel, se déplace­ ront dans une direction déterminée et je puis prédire où elles seront le jour de Pâques; je sais que, si je lâche cet objet, il va tomber avec une vitesse et une accé­ lération connues.

J'entends bien qu'à l'échelle des infiniment petits, les événements sem­ blent indéterminés et que nos lois sont peut­ être des lois statistiques.

Mais une loi statistique est encore une loi et d'ailleurs nous vivons à notre échelle.

Dans un système clos, tel que le savant l'isole pour ses expériences, on peut souvent prédire à coup sftr ce qui arrivera.

Nous avons vu que cela est même vrai du ciel, si l'on ne considère que les astres.

Pour être tout à fait exact, il faudrait tenir compte de variations minuscules (déflection de la lumière par la gravitation - action des astéroides), mais ces variations seraient elles-mêmes prévisibles, donc loin d'infirmer le déterminisme, qu'au contraire elles confir­ ment en le précisant.

D'autre part les savants savent de mieux en mieux mesurer les actions chimiques et physiques dont notre corps est le siège.

Il n'est pas, à leurs yeux, concevable qu'un organisme soit capa­ ble de mouvements qui exigeraient un nom­ bre de calories supérieur à celui dont il dispose.

Le déterminisme ne nie pas l'action, ni la délibération, ni la décision.

Il soutient que nous voulons « justement ce que nous ne pouvons pas ne pas faire :., et que nous le voulons pour des motifs eux-mEmes déterminés.

Cette doctrine est étendue par le maté­ rialiste à l'histoire collective des hommes .

Il pense que tous les faits humains sont prévisibles, que l'avenir est absolument dé­ terminé et que seule notre ignorance nous. »

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