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La passion, maladie de l'âme ?

Publié le 14/03/2004

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Les Stoïciens : irrationalité des passions La passion est, si l'on se fie à l'étymologie, synonyme de passivité. Selon le stoïcien Zénon de Cittium (III siècle av. J.-C.), la passion constitue un «trouble» ; c'est un «un mouvement de l'âme qui s'écarte de la droite raison et qui est contraire à la nature», une «tendance sans mesure» (cité par Diogène Laërce, Vies des philosophes, VII). La passion est trop véhémente : elle «s'écarte trop de l'équilibre naturel» (Cicéron, Tusculanes, IV, 11). Aussi, selon Sénèque (i" siècle après J.-C.), mieux vaut empêcher les passions de naître que de tenter vainement par la suite de gouverner leur impétuosité (Lettres à Lucilius, 85, 3). Platon : la démesure, mère de toutes les passions Déjà, avant les Stoïciens, Platon (ive siècle av.

« 2.

Étude ordonnée A.

Première grande partie: « Les passions [...] préjudice à la liberté»Dans cette première partie, Kant souligne que la passion porte atteinte à notre liberté.

Toute cette partie analyse lemécanisme passionnel et conclut, à partir de l'analyse de ce mécanisme, que passion et liberté sont difficilementcompatibles.

Analysons plus en détail le raisonnement de Kant.Les passions, définies comme des déséquilibres psychiques intenses et durables, se caractérisent par une certainerelation à la réflexion, conçue comme retour de la pensée sur elle-même.

L'émotion, au contraire, désigne undéséquilibre passager et violent, une surprise de l'âme aussi soudaine que momentanée, surprise parfaitementirréfléchie, c'est-à-dire soustraite à tout retour de l'esprit sur ses opérations.

Par opposition à l'émotion, la passionpeut se conjuguer, c'est-à-dire se combiner et s'unir, avec la réflexion: elle a le pouvoir de se joindre à elle.

Laréflexion de Kant signifie ceci : alors que l'émotion s'élève rapidement à un degré tel de sentiment que la réflexiondevient impossible, la passion est compatible avec l'analyse introspective, le retour de l'esprit sur lui-même et sesmécanismes.

L'amoureux d'une femme, le passionné du pouvoir, etc.

sont parfaitement en mesure de revenir sur lessources et origines de leurs passions.

Ainsi, nous avons affaire d'un côté à des mécanismes passagers (émotions)et, de l'autre (passions), à des phénomènes durables et enracinés dans la pensée.

La passion fait partie de nous etde notre psychisme.

Elle est en quelque sorte intégrée dans notre démarche réflexive et c'est cette structure qui larend infiniment plus dangereuse que l'émotion, qui est impétueuse, violente, rapide, déchaînée, ardente, fougueuse,véhémente, mais qui ne prend pas racine en nous.D'où l'immense danger de la passion : elle peut se maintenir en même temps que le raisonnement, cette fonction dela pensée permettant de dériver un jugement d'un autre, cette opération discursive de l'esprit par laquelle on passede jugements donnés à un autre ou plusieurs autres par déduction logique ou en apparence logique.La passion est donc durable, installée en nous, compatible avec la réflexion et le raisonnement.

Dès lors, elle faitpartie de nous-mêmes et s'avère porteuse du plus grand danger: elle porte dommage et tort (préjudice) à notreliberté, à savoir notre autonomie, notre obéissance à la rationalité.

Si la passion se déploie dans le temps et lacontinuité temporelle, alors elle va exclure toute maîtrise de la raison et porter les plus grandes atteintes à laliberté, conçue comme autonomie.

Le jugement de Kant s'inscrit, en fait, dans une perspective philosophique trèsancienne : les Stoïciens ne virent-ils pas déjà dans la passion un esclavage, une forme de servitude? B.

Deuxième grande partie: « Si l'émotion [...] toute amélioration »Ayant démontré que la passion porte atteinte à notre liberté, Kant peut maintenant en venir à sa démonstrationfinale, à savoir que la passion est une authentique maladie de l'âme.

On voit donc que l'ordre de la démonstrationest, en réalité, très strict.

Comme on va le voir, on en viendra progressivement à l'idée que la passion est un maldont il faut se défaire (ou du moins tenter de se défaire, puisque notre liberté est entravée).Si donc l'émotion est une ivresse, à savoir l'état d'une personne transportée, quasi enivrée et connaissant desperturbations dans l'adaptation nerveuse, la passion est bien plus qu'une ivresse (passagère) : c'est une maladie, àsavoir une altération durable, apportant un trouble permanent et chronique.

Au caractère bénin de l'ivresse s'opposele caractère durableet évolutif de la maladie.

La maladie, c'est ce qui gêne les hommes dans l'exercice normal de leur vie, ce qui les faitsouffrir et les ronge.

Une maladie, c'est un ensemble de troubles pathologiques, dirons-nous dans un langagemoderne.

Mais de quel type de maladie s'agit-il? D'une maladie de l'âme, du principe spirituel humain, une maladieparadoxale, qui plus est : en général, une maladie est susceptible de connaître un médicament, un remède.

Or leparadoxe de la passion, c'est qu'elle exècre toute médication : elle abhorre la médication et la repousse.

Kant dirad'ailleurs un peu plus loin dans le même texte que la passion est une gangrène incurable, car le malade ne veut pasêtre guéri.

À la différence des mouvements passagers de l'esprit, faisant naître le projet de rendre meilleur, lapassion est de l'ordre de l'ensorcellement, de l'enchantement, de l'envoûtement.

C'est une sorte d'envoûtementfasciné, de fascination magique qui se sont emparés du passionné.

Nous voici dans la magie pure, mettant àdistance toute sortie hors du mal, du négatif.Maladie de l'âme et envoûtement, emprise d'un sorcier, la passion est mal, négatif pur.

À vrai dire, seul un palliatifpeut atténuer le mal, faute de remède véritable. 3.

Intérêt philosophique du texte Si le texte est intéressant parce qu'il souligne la destruction spirituelle liée à la passion (A), toutefois le procès de lapassion doit être relativisé (B). A.

La passion comme destruction spirituelleCe texte de Kant est riche parce qu'il souligne, à juste titre, les côtés noirs de la passion: le père Goriot finit ruinépar amour pour ses filles, qui le délaissent jusque dans la mort.

Werther, le héros de Goethe, pris dans sestentations morbides et l'attrait de la mort, est animé d'un amour sans espoir pour Charlotte et il se trouve finalementacculé au suicide.

Dostoïevski, accablé de dettes, n'est-il pas victime de sa passion du jeu? Ô passions fatales,dont la noirceur et la souffrance semblent signaler la vérité de l'analyse de Kant, soulignant la dimension négative dela passion! L'alcool, la drogue, la jalousie minent l'âme du passionné; une force dévorante le détruit.

Mais on pourraitaussi songer à Wilde et lord Douglas: le premier ne va-t-il pas connaître, en raison de sa passion pour le second,deux ans de travaux forcés ? Le grand prêtre du Beau que fut Oscar Wilde, le dandy qui fréquente Sarah Bernhardt,. »

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