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La perception est-elle déjà une science ?

Publié le 17/01/2022

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« Que je songe à un beau visage, les yeux ou d'autres traits, qui m'auront le plus frappé, s'offriront d'abord ; et ce sera relativement à ces premiers traits que les autres viendront prendre place dans mon imagination« (ibid., II, 2, 22). La perception du plus régulier ouvre la voie à la perception du plus dissymétrique, le familier sera plus aisément reçu que le nouveau, etc. Et si nous faisions l'hypothèse d'une statue « organisée intérieurement comme nous «, mais privée de toute espèce d'idées ; si ses facultés devaient être bornées à l'odorat ? Alors, elle serait « odeur de rose, d'oeillet, de jasmin, de violette «, selon les objets qui agiraient d'abord sur son organe. Mais peu à peu nous lui verrions acquérir, à partir de cette seule sensation, « toutes les facultés de l'âme « (Traité des Sensations, I, 6).* Le cas des aveugles opérés de la cataracte et sauvés de leur handicap (par ex., par les chirurgiens Cheselden en 1728 et Daviel en 1745) permettrait-il de trancher entre ces thèses ? Locke énonce ainsi le problème que lui avait légué le mathématicien Molyneux (1656-1698) : « Supposez un aveugle de naissance qui soit présentement un homme fait, auquel on ait appris à distinguer par l'attouchement un cube et un globe de même métal, et à peu près de la même grosseur, en sorte que lorsqu'il touche l'un ou l'autre, il puisse dire quel est le cube et quel est le globe. Supposez que, le cube et le globe étant posés sur une table, cet aveugle vienne à jouir de la vue : on demande si, en les voyant sans les toucher, il pourrait les discerner, et dire quel est le globe et quel est le cube «

 

La perception n'est pas une science, puisqu'elle n'en comporte pas les exigences de rigueur  méthodologique. Mais, paradoxalement, on pourrait voir dans la démarche scientifique ce qui se trouve déjà  dans la sensation: choix de l'objet, abstraction et exclusion.

 

  • I) La perception est déjà une science.

a) Il existe une perception préconsciente.
b) Les stimulations sensorielles sont codés.
c) L'intelligence déborde la conscience.

  • II) La perception n'est pas déjà une science.

a) La science est le propre de l'homme.
b) C'est la pensée qui fait la science.
c) Sensation et perception sont distinctes.

.../...

« mouvement soudain de ma main se produise devant mes yeux, si je ne saisis que ce mouvement, j'ai une simplereprésentation.

Si je sais que c'est ma main qui est passée devant mes yeux, j'ai une perception, c'est-à-dire unereprésentation déterminée.

Enfin, si je cherche à m'expliquer la cause de ma représentation primitive, je fais acte deconnaissance rationnelle » (J.

Lagneau, Célèbres leçons et fragments, Éd.

PUF, p.

191).

Cette connaissance «consiste dans la détermination des rapports constants et permanents » qui existent « entre les grandeurs absoluesque nous pouvons déterminer par ces perceptions [...].

Percevoir un objet selon sa vérité implique donccontradiction » (ibid., p.

236).

La prétention à la vérité universelle qu'élèvent les sciences ne dépend pas de la seuleexpérience. • Du moins Kant a-t-il montré la possibilité d'une science pure, en établissant la légitimité des jugementssynthétiques a priori (mathématiques et physique pures) : l'objet des sens se règle sur la nature de notre faculté depenser, et non l'inverse.

D'une part, notre connaissance a affaire non à la « chose en soi », mais à des «phénomènes » dont la possibilité (« l'intuition pure » : l'espace et le temps) se trouve en nous.

D'autre part,l'entendement est le pouvoir des règles : un « concept » est une règle qui sert « à épeler les phénomènes pourpouvoir les lire comme expérience » (Prolégomènes à toute métaphysique future, « La Pléiade », t.

II, p.

88).L'expérience est une synthèse de perceptions : « l'enchaînement complet et soumis à des lois » de toutes lesperceptions selon des principes a priori (Critique de la raison pure, éd.

citée, t.

I, p.

1414).

La vérité d'uneconnaissance a posteriori de la nature implique enfin l'adéquation de la connaissance avec un contenu empirique. • Quant à la sensation, elle présente cette ambiguïté d'être à la fois un état que je rapporte à moi-même sentant,et un contenu, c'est-à-dire un certain rapport à l'objet senti.

Une « pure » sensation, entièrement « subjective »,serait imperceptible ! D'autre part, ce qui est dans l'objet senti (la « chaleur ») peut n'avoir aucune ressemblanceavec l'épreuve subjective de cette propriété (sur la douleur, cf.

Berkeley, oeuvres, Éd.

PUF, t.

2, p.

37 et s.).

Deplus, la « blancheur » d'un lys (cf.

Locke) lui appartient non comme la blancheur en général, mais comme telleblancheur, qui est en fait sa couleur propre indicible et n'est donc pas à strictement parler blancheur.

Autrequestion : comme « intuition donatrice originaire », la perception me donne l'objet lui-même, en original, « enpersonne » et non en image (Husserl, Idées directrices pour une phénoménologie, Éd.

Gallimard) ; mais la chose,réalité « transcendante » (extérieure à ma conscience), ne m'est accessible que « par esquisses » dans unemultiplicité de vécus : je vois « la » table de loin, de près, de côté, par en dessous, etc., jamais totalement.

Il fautque je dépasse le donné matériel (hylè) de la perception par l'acte de noèse : l'objet n'est présent qu'en étantpartiellement absent.

C'est pourquoi le tact est un sens plus aigu de la réalité des choses que la vue et donne à larhapsodie des cinq sens une unité relative.

Il ne s'agit ici que d'une « pensée de voir », d'une « pensée qui déchiffrestrictement les signes donnés par le corps » : « Des choses aux yeux et des yeux à la vision il ne passe rien de plusque des choses aux mains de l'aveugle et de ses mains à sa pensée » (Merleau- Ponty, L'oeil et l'esprit, Éd.Gallimard, p.

41, sur Descartes, Dioptrique, I et IV). La perception est la primordiale ouverture au monde. • Faut-il cependant juger de la perception en fonction des seules visées de lascience ? La science, fondatrice de façon universelle et apodictique, rendpossible le développement de l'humanité vers l'autonomie.

Mais son oeuvrespirituelle présuppose « le monde environnant de la vie [...].

Pour lephysicien, par exemple, c'est ce monde dans lequel il voit ses instruments demesure, entend des battements de métronome, évalue des grandeursperçues, etc.

», et procède aussi à la vérification de ses conceptions.

Cemonde est aussi « prédonné naturellement à nous tous en tant que noussommes des personnes vivant dans l'horizon de notre cohumanité » ; il estdonc « le sol permanent de toute validité, une source toujours disponibled'évidences naturelles » (Husserl, La crise de la science européenne, Ed.Gallimard).

Une telle insistance sur l'attitude pré-théorique de la conscienceest l'indice d'un nouveau type de problèmes. • En effet, la sensibilité est une variation de la « communication entre le Je etle monde ».

Il y a un lien fondamental et universel entre le sentir et le semouvoir (cf.

Maine de Biran, Influence de l'habitude sur la faculté de penser,1803).

« Les plantes sont enracinées dans le sol [...].

Pour l'animal, aucontraire, le monde entier est ouvert dans son étendue [...].

Le milieu proprede l'animal (Umwelt) est chargé de vecteurs appétitifs [...].

Ce n'est pas lequadriceps qui s'enfuit, c'est l'animal dans son ensemble qui est enmouvement et orienté vers son milieu » (E.

Straus, Du Sens des Sens, Ed.

J. Millon).

Pour l'homme, les caractéristiques neutres de l'objet en soi (couleur, grandeur, etc.) sont prélevées sur unapparaître émotionnel (l'union ou la séparation futures) pour un être qui se vit lui-même comme être en devenir.Enfin, l'art chorégraphique modèle pas, rotations, rythmes, etc.

: il appartient comme un agencement particulier à «l'unité originelle de la musique et du mouvement [...

qui est] antérieure à toute esthétique » (ibid., p.

376). • La phénoménologie nomme « monde » cette ouverture du comportement humain à l'étant comme tel.

La pierre n'apas de monde, l'animal est pauvre en monde ; de l'homme seul on peut dire à proprement parler qu'il a un monde. »

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