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La philosophie de Parménide

Publié le 22/02/2012

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Parménide naquit dans une famille noble d'Élée. Sa seule oeuvre est un poème, De la nature, écrit en hexamètres, qu'il présentait comme un texte inspiré par une déesse. Il influença doublement la philosophie. D'une part, il transforma la cosmologie en une théorie très aboutie de l'Être, initiant un débat sur la nature de l'Être qui s'est poursuivi à travers les âges. D'autre part, il élabora une méthode de discussion consistant à démontrer une thèse en prouvant la non-validité de sa proposition contradictoire, qui fut le premier exemple connu du principe de la contradiction, largement développé par Platon dans ses Dialogues. En accord avec la tradition philosophique ionienne, Parménide accordait une grande importance à la structure physique de l'univers. Plutarque affirma qu'il avait beaucoup à dire sur la Terre et le ciel, et qu'il " n'avait rien laissé sous silence de ce qui était important ". Pour Diogène Laërce, il fut le premier à déclarer que la Terre était ronde et se trouvait au centre de l'univers. Parménide affirmait qu'être était concevable et ne pouvait s'exprimer, et que ne pas être était inconcevable, ne pouvait s'exprimer et était donc impossible. L'existence n'était pas engendrée, mais immobile et immuable. Elle était une et parfaite : donc la forme la plus parfaite, la sphère, dont tout point est équidistant du centre. Après Parménide, la philosophie aura pour sujet l'être, et pour interdit la pensée du non-être.

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« Héraclite et certains Pythagore.

Au contraire, diront les autres, mus par le sentiment que Parménide ne parle pasnégativement contre quelqu'un, mais positivement pour quelque chose, il y a bien en un sens une troisième voie ;mais cette troisième voie, n'étant pas voie de vérité, ne peut, si elle doit cependant être voie, que correspondre, àmi-chemin de la vérité, à une sorte d'hypothèse qui, par elle-même sans valeur philosophique, reste cependant à laportée de ceux qui ne peuvent pas s'élever d'un coup jusqu'au paradoxe de l'opposition philosophiquementexhaustive de l'être et du non-être.

En d'autres termes, les paroles de non-vérité qui, dans le poème de Parménide,s'ajoutent aux paroles de vérité, sont, pour les uns, dénonciation polémique d'opinions erronées, et pour les autres,fléchissement concessif de la rigueur philosophique en faveur d'une construction ou d'une hypothèse que l'onpourrait quand même admettre sous condition. La première interprétation fait de la troisième voie le lieu d'une fausseté absolue ; la deuxième lui octroie une validitéconventionnelle ; les deux s'entendent cependant pour la rejeter dans une irréalité dont on se borne à réglerdiversement le dosage.

A cette divergence près, tous les commentateurs sont d'accord pour identifier aussi, dansles paroles qui disent la non-vérité de la troisième voie, une construction annexe qui se borne à flanquer le maître-œuvre, et que l'on pourrait en séparer sans dommage irréparable.

Or toute la question est là.

Parménide a-t-il, enun seul Poème, chanté deux chants, dont l'un est essentiel et l'autre seulement accessoire, ou faut-il, au contraire,réintégrer dans l'unité indivisible du Poème, intimement liée au contraste de la vérité de l'être et de la non-vérité dunon-être, cette non-vérité du non-néant qui a tant stimulé l'ingéniosité des commentateurs ? Mais alors, si l'onréhabilite à ce point la non-vérité du non-néant, comment ne déprécie-t-on pas par là même l'opposition si tranchéequi sépare la vérité de l'être et la non-vérité du non-être ? Reportons-nous directement au texte du Poème.

La troisième voie, Parménide la caractérise comme celle sur laquelle" l'habitude à la riche expérience " nous contraint exclusivement à un commerce avec ce qu'il nomme les docounta.Remarquons ici le pluriel.

Ces docounta, nous les retrouverons dans les Dialogues de Platon où leur pluralité estcaractérisée comme simple apparence ou, si l'on veut, inconsistance vaine, comparable à ce rien qu'est le vent ouqu'est l'ombre.

De telles apparences ne sont pas tout à fait le non-être absolu, mais elles s'en situent, ici-bas, aussiprès que possible, par opposition à l'être qui rayonne là-bas, dans le monde des Idées.

Mais si les docounta sontillusion et vanité, le philosophe doit apprendre à les " envoyer promener " comme irrecevables pour s'adonnerexclusivement à la consistance et à la constance de l'Idée.

Nous avons pris l'habitude de lire Parménide à traversPlaton et à la faveur d'une pétition de platonisme, comme si ce que dit Platon était valable pour Parménide.Regardons de plus près : les docounta que nomme Parménide sont bien inconstance par le dimorphisme qui, nous leverrons plus tard, les caractérise essentiellement.

Ils sont donc bien, en un sens, inconsistance, puisque au momentoù on croit les saisir, ils sont déjà autre chose.

Mais cette inconsistance ne les relègue pas pour autant dans lanégativité irrecevable de l'illusion pure.

Les derniers vers du Fragment I les font paraître tout au contraire, selon unjeu de mots remarqué par les interprètes perspicaces, comme dignes d'être reçus.

Le docein des docounta sedéploie docimws.

Il est donc moins, comme il le deviendra dans Platon, la vanité illusoire de l'apparence que l'éclaird'or de la présence, bien qu'une telle présence soit en elle-même décevante et trompeuse par l'instabilité danslaquelle elle ne cesse de varier.

En d'autres termes, le monde de l'illusion n'est pas encore pour Parménide uneillusion de monde, mais, dans son éclat et dans sa gloire, la présence même des choses de ce monde-ci au lieuunique et central de leur manifestation. Mais si, libérés d'une illusion rétrospective, nous reconnaissons dans les docounta, non plus une préfiguration desOmbres de la Caverne platonicienne, mais la réalité même des choses dans les remous de présence et d'absence enlesquels elles ne cessent de se manifester, que devient la positivité unique de l'être, dans l'opposition qui leretranche originellement du non-être ? Est-elle le privilège d'un étant qui, au lieu de se montrer au premier plan dece qui paraît, se déroberait en un arrière-plan où il faudrait aller le découvrir ? Mais la singularisation de l'être en unétant déterminé ne le condamne-t-il pas, dès le départ, à ne constituer qu'une unité dans le domaine de ceplusieurs dont le statut est à la fois d'être et de n'être pas, en sorte que ce serait par une fiction illégitime et nonselon la nécessité qu'un tel étant serait tenu pour fixe et permanent ? Sans doute la folie d'une dévotion barbarecherchera-t-elle bientôt à établir une constance dans le monde des étants, fût-ce, avec déjà Platon et Aristote, endouant un seul d'entre eux d'une nature privilégiée.

Mais une telle idolâtrie n'est-elle pas radicalement exclue par larigueur parménidienne ? Si, en effet, l'être n'est qu'un étant, n'appartient-il pas nécessairement à la troisième voie ?Mais s'il est par lui-même voie et même voie première, n'est-ce pas dans la mesure où, dès le départ, il sedifférencie radicalement de tout étant ? L'être serait dès lors non pas un étant singulier, mais la singularité mêmeque constitue, au plus intime de tout étant, la merveille unique de la présence et tout aussi bien de l'absence, quin'est elle-même que présence sous-entendue.

Sans doute l'étant n'est jamais que passage, mais non pas ladimension à laquelle se mesure l'ampleur possible de sa présence et le vide que creuse son absence, lorsqu'il jetteson éclat pour, l'ayant jeté, disparaître. S'il en est ainsi, les trois voies que nomme le Poème de Parménide ne sont pas deux d'abord et une troisièmeensuite, qui interviendrait au titre seulement accessoire d'une polémique à soutenir ou d'une hypothèse à concéder.La non-vérité du non-néant qu'est la réalité de ce monde-ci appartient à l'unité du Poème autant que le contrastede la vérité de l'être avec la non-vérité du non-être.

Seule une lecture platonisante de Parménide peut le faireapparaître comme un simplificateur fanatique qui frapperait d'invalidité tout ce qui ne se réduirait pas à l'oppositionde l'être et du non-être.

Si l'être est foyer d'illumination excluant de lui l'adversité impénétrable du non-être, il n'esttel qu'à travers la diversité mobile des étants au milieu desquels, dangereusement, nous avons à vivre.

Parménide nenous exhorte pas à une évasion hyperplatonicienne qui donnerait congé à toute la richesse du réel en faveur d'unevérité presque insaisissable.

Il nous enseigne au contraire que notre implantation au beau milieu des docounta estessentielle.

S'il nous met en garde contre les illusions et les périls de la troisième voie, ce n'est pas par une aversion. »

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