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La philosophie est-elle aussi légitime que la science ?

Publié le 03/03/2004

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Par exemple, un pouvoir despotique peut bien mener une politique légale, en accord avec ses lois, mais pourtant illégitime, c'est-à-dire inique et injuste. Dès lors, si l'on tient le légitime pour le juste, la philosophie peut nous paraître plus légitime que la science dans la mesure où elle s'ajuste mieux à l'homme dans sa quête de connaissance. En effet, alors que la science recouvre l'ensemble du connaissable, la philosophie enjoint l'homme à questionner : il ne s'agit pas tant de savoir plus que de savoir mieux. En ce sens, la philosophie rend justice à la finitude de l'homme et coïncide avec justesse à ses capacités. De ce point de vue, la philosophie est donc autant, si ce n'est plus légitime que la science.   II - La philosophie face aux sciences   Cependant, si nos précédentes analyses rendent raison des rapports primitifs entre science et philosophie et de leur destin commun - au point que Newton, travaillant à son oeuvre, disait faire de la « philosophie naturelle » -  elles ne doivent pas masquer l'évolution moderne de la science et sa diffraction en un ensemble de sciences, chacune spécifiée par un objet : le vivant pour la biologie, la nature inanimée pour la physique, etc. Dès lors, la légitimité de la philosophie pâtit de telles sécessions, puisque aussi bien chaque nouvelle science lui ravit un de ses objets, la laissant, semble-t-il, sans objet précis. En ce sens, la philosophie souffrirait d'un manque de légitimité en raison de son défaut d'objectivité. Alors que les sciences de la nature possèdent un objet circonscrit, dont l'objectivité même permet d'infirmer ou de confirmer les énoncés scientifiques, la philosophie ne se développerait qu'en d'hasardeuses chimères. Réduite à la métaphysique, c'est-à-dire à une enquête au-delà des bornes de la raison quant aux principes de la nature, la philosophie pourrait bien se magnifier elle-même, sans jamais atteindre une quelconque scientificité.
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« l'ensemble de nos connaissances de l'expérience sans pouvoir leur assurer une liaison proprement scientifique (d'oùle scepticisme de Hume et sa remise en cause du principe de causalité), Kant pose, au fondement de la science,l'activité synthétique de l'entendement qui consiste à lier les représentations sensibles selon les catégories del'entendement.

Dès lors, l'objectivité ne se définit comme l'adéquation de la représentation à son objet, adéquationdont on ne pourrait rendre compte qu'en sortant de la représentation, mais elle prend appui sur un critère interne àcelle-ci : la liaison de l'intuition sensible selon des lois universelles.

De ce fait, l'objectivité n'apparaît pas proprementcomme un concept scientifique, mais comme la définition philosophique des conditions de possibilité de laconnaissance et de la science. Aussi, la critique kantienne développe-t-elle concurremment une critique de la métaphysique, c'est-à-dire une dénonciation des illusions de la raison quand celle-ci applique ses principes au-delà de la sphère de l'expériencesensible.

Dès lors, la philosophie n'apparaît pas plus légitime que la science, mais elle ne l'est pas moins non plus.

Eneffet, si elle ne possède pas d'objet propre, c'est qu'elle tend à déterminer les conditions de l'objectivité dans lessciences.

Or, celles-ci révèlent que les sciences sont objectives, non pas parce qu'elles exprimeraientadéquatement le réel, mais parce qu'elles suivent les principes qui président à la liaison du divers dans l'intuitionsensible.

III – La réflexion dans les sciences Si l'on peut rendre raison, comme nous le venons de le faire, du conflit de légitimité qui oppose laphilosophie aux sciences, il faut prendre garde de ne pas envenimer le débat.

En effet, les revendications delégitimité qui viennent de part et d'autres ne doivent pas masquer les ressources réelles que présentent les sciencesà la philosophie ou la philosophie aux sciences.

Il est en tous cas certain que désormais la philosophie ne peut pluséviter le dialogue avec les sciences, ni que celles-ci (surtout depuis l'avènement de la physique quantique et lesdélicats problèmes d'interprétation qu'elle suscite) puisse faire l'économie de toute réflexion.

Par exemple, Kant,alors même qu'il dénonce les Idées de la raison comme métaphysiques, c'est-à-dire comme susceptibles de produiredes illusions dialectiques, leur ménage cependant une place en tant qu'idéaux régulateurs.

Ainsi, l'activité del'entendement, c'est-à-dire l'activité scientifique, a besoin pour progresser (pour assurer le progrès dans les sciences) de se référer à l'idée de Dieu, alors même que le caractère non objectif d'une telle idée est avérée.

L'idéed'un entendement omniscient, d'une connaissance scientifique achevée de l'univers, pour chimérique qu'elle soit,peut diriger l'entendement vers un certain but, où, pour reprendre les mots de Kant, convergent en un point leslignes directrices de toutes ses règles. À ce stade, la science, selon la distinction faite dans la Critique de la faculté de juger entre jugement déterminant et jugement réfléchissant, n'a plus pour fonction de subsumer l'expérience sous un concept, mais desoumettre son activité à la réflexion, c'est-à-dire de l'ouvrir sur un Idéal guidant sa pratique.

Le but n'est pas icid'insister outre mesure sur la légitimité de la philosophie, mais de montrer dans quelle mesure la réflexion s'intègre autravail scientifique lui-même.

Au demeurant, l'exploration de l'univers selon la science ne semble pas se suffire à elle-même et chaque scientifique ne manque jamais d'élaborer une philosophie qui corresponde à ses découvertes.

C'estque comme le dit Pascal dans le fragment 23 des Pensées (Vanité des sciences ) : « La science des choses extérieures ne me consolera pas de l'ignorance de la morale au temps d'affliction, mais la science des mœurs meconsolera toujours de l'ignorance des sciences extérieures.

» Ainsi, par la réflexion, l'esprit fait retour en lui-même ets'interroge sur les produits de son activité, ce qu'il ne peut manquer de faire si, comme le soulignait Kant, lamétaphysique est bien une propension naturelle de l'esprit humain.

Dès lors, la philosophie apparaît aussi légitimeque la science dans la mesure où elle fait droit à la réflexion inhérente à l'esprit humain et complémentaire del'activité scientifique.

La philosophie est donc tout autant ce qui peut asseoir les sciences et fonder leur objectivitéque ce qui les guide, en tant qu'elle s'incarne sous de réflexion.

Conclusion : Ainsi, nous avons vu dans quelle mesure la philosophie pouvait paraître autant, si ce n'est plus légitime que la science, dans la mesure où elle dessine le chemin que l'esprit humain fini peut parcourir dans sa quête de sagesse.Cependant, face aux sciences de la nature issues de son sein et dont la revendication de légitimité passe par lascientificité de leur méthode, nous avons saisi dans quelle mesure la philosophie assure l'objectivité même dessciences, devenant ainsi autant légitime que la science.

Nous avons finalement conforté cette thèse en nouspenchant sur le rôle que joue la réflexion dans les sciences, autrement dit la place qui revient à l'esprit dans lessciences de la nature, car, comme le notait Husserl, celles-ci sont le produit de l'esprit humain, c'est-à-dire endépendent, et non l'inverse.. »

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