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LA PHILOSOPHIE TRAGIQUE DE KIERKEGAARD

Publié le 23/12/2009

Extrait du document

philosophie

Kierkegaard s'est voulu un anti-philosophe et cette caractéristique n'est pas fausse si du moins on identifie la philosophie avec le rationalisme et particulièrement le rationalisme de Hegel. Mais si Kierkegaard n'est pas le philosophe qui pense le monde comme un tout unifié et intelligible, s'il est l'adversaire des systèmes, il est — un peu comme Pascal ou Nietzsche — le philosophe qui réfléchit sur la vie et plus précisément l'ancêtre et le fondateur des philosophies existentielles.  Ne nous étonnons pas dès lors du lien étroit qui unit la vie de Kierkegaard et son oeuvre : Kierkegaard est tout le contraire du philosophe détaché des contingences existentielles. Il est l'homme d'un pays et d'une époque (le Copenhague de la première moitié du XIXe siècle avec ses théâtres, ses cafés, ses intellectuels et ses pasteurs revit dans son oeuvre) l'homme d'une religion, un protestant qui continue à protester à l'intérieur du protestantisme (une sorte de Trotsky chrétien dit son meilleur commentateur français Gusdorf, c'est-à-dire un apôtre de la « Révolution permanente « pour le retour aux sources évangéliques sans cesse oubliées par les Eglises officielles). Il est surtout l'homme d'une destinée insolite, incompréhensible en dehors des événements singuliers de sa vie, de ses relations avec son père et avec Régine Olsen, la fiancée avec laquelle il devait rompre. Kierkegaard est né à Copenhague en 1813, dernier enfant d'un père alors âgé de cinquante-six ans. Très intelligent et très sensible, Kierkegaard devait être marqué toute sa vie par l'éducation qu'il reçut, éducation dont le premier principe fut l'amour et plus encore la crainte de Dieu. La mort de son frère Mikal en 1819, de sa soeur Maren Christine en 1822 accrut l'angoisse de son père qui était déjà marqué par un sentiment intense de culpabilité. Il nous faut en rappeler les motifs, si dérisoires puissent-ils paraître à notre époque : le père de Kierkegaard, petit berger à l'âge de dix ans, avait un jour, à cette époque, désespéré et affamé dans la lande déserte, maudit Dieu ! Plus tard devenu riche commerçant et retiré des affaires avec de solides rentes, il avait, veuf sans enfant, dû conclure un mariage précipité avec sa servante (qui attendait un enfant de lui). Or le châtiment divin de ses péchés ne venait pas. La banqueroute de 1813 qui devait ruiner tant de riches danois laissa même le père de Kierkegaard avec une fortune accrue. C'est pour cela que le père et le fils tombèrent d'accord sur cette idée que le jeune Søren Kierkegaard était prédestiné à expier les fautes de son père. Kierkegaard aborde donc la vie avec une vocation de sacrifice et de martyr. Le sentiment d'être pécheur sous le regard de Dieu ne cesse de l'obséder. Comme l'a bien dit Bohlin, toute l'oeuvre de Kierkegaard est sous le signe du « sum peccator « comme celle de Descartes sous le signe du « sum res cogitans «.  Vue d'une certaine manière, la vie de Kierkegaard n'est qu'un échec. Bien que sa première oeuvre soit une thèse de doctorat en théologie. Le Concept d'ironie constamment rapporté à Socrate (Thèse soutenue en septembre 1841), Kierkegaard ne fera ni une carrière de pasteur, ni une carrière de professeur. Bien qu'il ait en septembre 1840 demandé et obtenu la main de Régine Olsen, il renoncera à l'épouser (malgré les larmes et les protestations de la jeune fille). Il est impossible à l'historien d'aujourd'hui de donner des raisons précises à cette rupture. Kierkegaard a lui-même parlé de son « écharde dans la chair «. Il évoque dans ses notes un « terrible événement « qu'il appelle aussi le « grand tremblement de terre «. Fut-il comme Swift sexuellement impuissant ?

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« Mynster.

Le 24 mai 1855 il fonde un journal pour se faire entendre, l'Instant.

Le 2 octobre 1855 Kierkegaards'affaisse dans la rue.

A demi-paralysé il est conduit à l'hôpital.

Il refuse la communion : « Les prêtres sont desfonctionnaires, les fonctionnaires ne sont pas des témoins du christianisme ».

Il meurt le 11 novembre âgé dequarante-deux ans. Les stades de l'existence chez Kierkegaard Kierkegaard, répétons-le, n'est pas un philosophe systématique.

Il prend parti contre l'hégélianisme qui domine laculture de son époque.

Il proclame la primauté de l'existence sur l'essence, le primat de la subjectivité : Le sujetvivant et pensant ne reçoit pas sa signification de l'histoire universelle dans laquelle il est situé.

C'est le sujetexistant seul qui compte en face de son Créateur, qui est Lui aussi une Personne.

Kierkegaard est donc le vraifondateur du c9urant de pensée que l'on désigne aujourd'hui ordinairement sous le nom d'existentialisme chrétien.Pourquoi Kierkegaard signe-t-il ses oeuvres philosophiques par divers pseudonymes ? Pour la même raison qui lui faitapprécier la forme du dialogue.

Parce que la vérité est multiple et contradictoire.

Parce que devant la vie il y aplusieurs options possibles.

Sur le chemin de la vie il y a plusieurs directions.

C'est ainsi que Kierkegaard distingue lesétapes esthétique, éthique et religieuse qui ne sont pas trois conceptions théoriques du monde, mais trois manièresde vivre. Le stade esthétiqueL'esthéticien vit dans l'instant et ne connaît pas d'autre but dans la vie que de jouir de l'instant qui passe.

Chaquemoment a sa saveur qu'il faut goûter pleinement; l'esthéticien coïncide donc avec chacune de ses sensationssuccessives, c'est l'homme de la sincérité (l'idéal gidien des sincérités successives en est un bon exemple à notreépoque).

L'esthéticien bannit toute fidélité parce que la fidélité nous asservit à des promesses passées qui necorrespondent plus à nos désirs d'aujourd'hui.

L'esthéticien veut toujours goûter des nouveautés et il déteste la «répétition » génératrice d'ennui, et qui émousse toujours les sentiments.

C'est un dilettante qui refuse toujours de «s'engager » et qui préfère jouer avec les possibles.

Certains des « pseudonymes » nous offrent de beaux types d' «esthéticiens », Johannès le Séducteur qui joue d'une façon si méphistophélique avec le coeur de la pauvre Cordelian'est qu'une version kierkegaardienne du mythe éternel de Don Juan.

Victor Eremita au pseudonyme transparent —victorieux et solitaire — est un esthéticien d'un autre genre.

C'est le sceptique élégant, détaché de tout (sasolitude est la rançon de son attitude distante, de son dédain victorieux, un homme d'affaires distingué, pleind'expérience qui cache un fond d'amertume sous une apparence d'enjouement.

Peut-être Eremita n'est-il queJohannes — avec vingt ans ou trente ans de plus — Son exemple montre la vanité des plaisirs, la mélancolieincurable qui est au fond le fruit le plus sûr du dilettantisme. Le stade éthiqueTandis que l'esthéticien cherche son plaisir au jour le jour l'homme de l'éthique conçoit le bonheur commel'accomplissement pleinement consenti du devoir moral.

Le dilettante du stade esthétique se livrait à la successionfortuite des sensations, l'homme de l'éthique s'efforce d'incarner dans sa vie les règles universelles du devoir.

C'estpourquoi, selon Kierkegaard, le stade éthique est le stade du général.

Au fond, l'homme de l'éthique incarne destypes généraux.

Il sera le travailleur consciencieux, l'époux modèle, le père dévoué.

Le symbole de ce stade, c'est l'assesseur Wilhem, le type même du fonctionnaire danois au milieu du XIXe siècle.

Lunettes, costume noir à largecol, air grave.

C'est un homme qui a toujours pris la vie au sérieux.

A cinq ans il était déjà un être moral ; ilapprenait scrupuleusement sa leçon du lendemain, dix lignes du catéchisme de Balle, et quand bien même le mondese serait écroulé autour de lui, il n'aurait pas levé les yeux de son livre.

A dix ans il apprend le latin, et comme ditKierkegaard, tandis qu'il étudie la grammaire, « la règle est l'objet de son amour, l'exception de son mépris ».

Al'université il est un étudiant exemplaire, il ne va jamais au bal ni au café.

Bien entendu, il se marie vierge.

Il est vraiqu'après cinq ans de mariage il sait à peine si sa femme est blonde ou brune, il n'a pas compté les fossettes de sonvisage ! Il n'est pas un amant, il est un mari ! Bien que l'assesseur soit présenté comme un homme sympathique, sonstyle de vie n'est pas pour Kierkegaard le plus haut qui soit.

L'assesseur manque d'inquiétude, il est prisonnierd'idées toutes faites, il est asservi à ce que nos existentialistes, disciples de Kierkegaard, appellent les « conduitesdu sérieux ».

Fidèle à tous ses engagements il risque d'avoir trop bonne conscience, de se croire parfait.

Il n'a pasmesuré toute la faiblesse, toute la déchéance de l'homme.

Kierkegaard nous le dépeint tout jeune encore, et pleind'assurance.

Il nous laisse entendre que la vie le décevra, qu'il comprendra un jour toutes les misères qui se cachentsous le voile de la bonne conscience, qu'il comprendra qu'une morale simplement humaine ne saurait suffire auxhommes. Les transitions entre les stadesa) Pour Kierkegaard on ne saurait passer d'un stade à l'autre que par une brusque conversion, par ce qu'il appelle un« saut ».

Pourtant il y a une critique de chacun des deux premiers stades qui prépare le passage au stade suivant.C'est ainsi que le stade esthétique révèle sa médiocrité dans l'expérience de l'ironie.

C'est si l'on veut l'ironiequ'opposerait Socrate à cet esthéticien caractéristique qu'était Callicles.

A quoi bon satisfaire toutes ses passions sinotre coeur — pareil au tonneau des Danaïdes — ne peut jamais se remplir, s'assouvir ? Don juan cherche le plaisiret ne s'engage jamais : il récolte la solitude et de toutes ses expériences il ne reste qu'un peu d'amertume.

Ce qu'iltrouve est finalement le contraire de ce qu'il cherchait et voilà pourquoi il mérite une critique ironique.b) Mais l'homme sérieux, l'homme du stade éthique ne parvient pas lui non plus à construire un bonheur solide.Voyez job, ce juste, ce grand travailleur, ce père excellent qui n'a rien à se reprocher.

Dieu le dépouille de tous sesbiens, fait mourir ses enfants, etc.

Etrange récompense pour ses vertus ! Sans doute job ne peut être un objet deplaisanterie, mais son échec et ses malheurs, après tant d'efforts, après une vie consacrée à la justice, nousenseignent l'extrême fragilité de toute oeuvre humaine : le sentiment du caractère dérisoire de toute sagesse. »

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